La juge des référés a ordonné, ce mercredi 6 décembre 2023 à Ouagadougou, aux autorités de suspendre les ordres de réquisitions contre trois personnes dont deux leaders de la société civile et un journaliste.
Par Daouda Kiekieta
Après le rejet du « référé suspension » des récentes réquisitions, la justice burkinabè a ordonné à l’Etat de surseoir sa décision de réquisitionner Rasmane Zinaba, Bassirou Badjo, tous membres du mouvement le Balai Citoyen et Issaka Lingani, journaliste.
«Au regard du lien qu’entretiennent ces réquisitions avec les expressions de certaines opinions requérants, ces réquisitions ne visent ni la sécurisation du territoire ni le maintien de l’ordre », a déclaré la juge des référés, ordonnant « à l’État et au Commandement des opérations du théâtre national (COTN) l’arrêt immédiat du déploiement de ces personnes réquisitionnées ».
Au cours de l’audience, les débats ont tourné autour de l’incompétence matérielle de la juridiction des référés à se prononcer au fond sur le sujet et l’illégalité de l’atteinte des libertés fondamentales.
Pour l’Agent judiciaire de l’Etat, Karfa Gnanou, le caractère manifestement illégal n’a nullement été évident ici.
Les avocats des réquerants ont demandé au tribunal le respect des libertés de leurs clients, notamment la liberté d’opinion et d’expression, la liberté d’aller et venir, et la liberté de ne pas être soumis à la torture.
« Qu’est ce qu’on met dans la liberté d’opinion (..) Le comité des droits de l’homme a dit que cette liberté, c’est le droit de ne pas être inquiet pour son opinion » rappelle Me Guy Hervé Kam, l’un des avocats des requérants.
Pourtant, poursuit-il, «Dès que ce meeting (meeting du 30 octobre) a été annoncé, il y a eu des menaces même au niveau étatique », ajoutant que de « façon générale, la liberté d’opinion est indérogeable ».
Pour Me Kam, «la liberté d’opinion est un droit indérogeable.Toute atteinte à cette liberté est un délit grave ».
En plus, ces avocats ont relevé le fait que les ordres de réquisitions n’ont pas été motivés. Pourtant, «Tout acte qui porte atteinte à la liberté fondamentale doit être motivé » soutient Me Prosper Farama.
« Il est bien écrit qu’on peut réquisitionner en cas de nécessité. Qu’on nous dise où est la nécessité. Qu’est-ce qui justifie que Bassirou Badjo soit réquisitionné et non l’Agent judiciaire de l’Etat » fait remarquer Me Guy Hervé Kam.
Sur la question de la liberté d’expression et d’opinion, l’Agent judiciaire de l’Etat (AJE) estime pour sa part, que « ce ne sont pas les réquisitions qui empêchent les requérants de se prononcer sur la situation nationale ». « Ils sont allés eux-mêmes chercher leurs réquisitions mais ils n’ont pas été inquiétés » ajoute l’AJE.
Finalement, le tribunal a rejeté l’exception d’incompétence matérielle soulevée par l’AJE et a déclaré recevable la demande des requérants. Il ordonne à l’État et au Commandement des opérations du théâtre national (COTN) l’arrêt immédiat du déploiement de ces personnes réquisitionnées.
«Nous avons essayé plusieurs procédures, parce que la première procédure que nous avons introduite, le juge avait estimé qu’il n’avait pas le pouvoir d’apprécier les questions de fond. Donc, nous avons initié ce qu’on appelle un “référé liberté” qui tendait à apprécier les violations faites aux libertés de nos clients.
Cette fois-ci, le juge a estimé que nos arguments étaient recevables, donc à déclarer la suspension des réquisitions, et demander au COTN de mettre fin au déploiement des personnes réquisitionnées », a déclaré Me Prosper Farama.
Il a ajouté qu’au-delà des individus, «que nous défendons, ce sont des principes et des valeurs. Ce que nous espérons, c’est de construire un état de droit qui a des valeurs, comme un peu partout dans le monde».
Pour sa part, l’Agent judiciaire de l’Agent dit vouloir envisager les voies de recours possible à cette décision.
« Nous allons analyser froidement les positions prises par la juridiction, échanger a notre niveau et envisager les voies de recours qui nous sont offertes par les lois et procédures de notre pays » a déclaré l’Agent judiciaire de l’Etat à l’issue de la décision du tribunal.
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