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Nigéria: Une tentative de sécession sur les cendres de Chibok?

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Chibok, on s’en souvient comme si c’était hier, avec l’émoi international porté le mouvement «BringBackOurGirls»! Cela fait déjà une décennie et rien n’a changé au Nigeria où les enlèvements de masse se sont plutôt multipliés. En proie à ce drame récurrent qui l’oppose depuis des décennies au groupe terroriste Boko Haram qui rejette l’éducation occidentale, le géant de l’Afrique de l’Ouest doit-il à nouveau affronter des mouvements sécessionnistes divers qui agissent dans l’ombre ou à découvert, près de 55 ans après la crise du Biafra?  

Par Serge Mathias Tomondji

Rappelez-vous, c’était le 14 avril 2014. La ville de Chibok, dans l’État de Borno, est l’objet d’une razzia du groupe terroriste Boko Haram.

Le lycée de la ville est incendié et 276 jeunes filles, qui s’y trouvent pour la fin de leurs études, sont enlevées. Un évènement triste et dramatique dont on se souvient toujours avec émotion aujourd’hui, dix ans après.

Ce drame a donné le jour au mouvement mondial «BringBackOurGirls» (Rendez-nous nos filles), porté notamment par des voix célèbres comme celles de Michelle Obama et de Angélique Kidjo. Mais l’impact de cette désapprobation universelle est resté limité.

En effet, si 164 lycéennes ont pu s’évader au cours de ce rapt pendant que quelques autres ont été relâchées de cet enfer, on reste toujours «sans nouvelles de plus d’une centaine de ces filles». 

L’école de Chibok, quant à elle, a rouvert ses portes seulement en 2021, soit sept ans après l’ignoble opération de Boko Haram, sous le nom de «École secondaire gouvernementale». 

Rénovée, elle est désormais mixte (filles et garçons), «dispose de nouvelles salles de classe, d’une bibliothèque, d’un laboratoire, d’un centre informatique, d’une clinique, de logements pour le personnel et est maintenant protégée par un mur de béton et des barbelés».

Une cavalcade d’enlèvements de masse

Dix années après le raid de Boko Haram, les jeunes filles ne sont pas toutes revenues de leur «esclavage», même si la vie s’est pratiquement normalisée dans la communauté de Chibok, où des centaines d’élèves ont été inscrits dans ce lycée de la terreur, qui bénéficie désormais d’une sécurité renforcée.

«Après l’incident, la plupart des parents ont transféré leurs enfants dans d’autres écoles de l’État voisin d’Adamawa. Mais avec la nouvelle atmosphère, nous recevons presque chaque semaine de nouveaux élèves qui reviennent à l’école», témoigne, confiant, Malm Muhammad Bukar Chiroma, le directeur de l’École secondaire gouvernementale de Chibok.

De plus, assure-t-il, «un mur entoure l’ensemble des locaux de l’école, sous la surveillance des militaires 24 heures sur 24».

Dans le souvenir de cet événement douloureux, qui habite encore les mémoires, on se rend malheureusement compte qu’il a donné le la à une suite ininterrompue d’enlèvements de masse d’élèves et d’étudiants dans ce pays.

On a ainsi comptabilisé pas moins de six écoles attaquées pour la seule année 2021, qui remporte la palme de l’année la plus sombre en la matière.

Récemment encore, en mars 2024, «des hommes armés ont attaqué l’école primaire et secondaire de Kuriga — située dans la zone du gouvernement local de Chikun, dans l’État de Kaduna — et ont enlevé environ 287 élèves et l’un de leurs enseignants, bien que l’enseignant ait pu s’échapper».

Et on ne vous parle pas du kidnapping, en février 2018, de 110 élèves de l’école de filles de Dapchi, dans l’État de Yobe; des plus de 300 étudiants enlevés en décembre 2020 au lycée des sciences pour garçons à Kankara, dans l’État de Katsina, dans le nord du Nigeria; des 317 élèves kidnappés en février 2021 dans le pensionnat pour filles de la ville de Jangebe, dans l’État de Zamfara…

Des rapts à n’en plus finir, avec chacun son histoire, son lot de jeunes garçons et filles enlevés, échappés, libérés, ou toujours en «esclavage» pour la plupart.

Velléités de sécession

Le Nigeria, on le voit, n’est pas encore guéri de ces enlèvements de masse et doit toujours redouter les actions perverses du groupe terroriste Boko Haram, que les différentes autorités qui se sont succédé à la tête de l’État fédéral ont promis de réduire à néant.

Un front permanent qui nécessite tous les sacrifices et tous les efforts, au moment où survivent des velléités de sécession, qui font penser que le feu couve toujours sous les cendres du Biafra.

On apprend ainsi que l’armée nigériane a arrêté, le 13 avril dernier, «des agitateurs présumés de la nation Yoruba, qui ont attaqué le secrétariat d’État d’Oyo à Agodi, Ibadan». 

Selon le porte-parole de l’armée nigériane, le général de division Onyema Nwachukwu, «les suspects ont été arrêtés vêtus d’un camouflage militaire étranger, de bérets et armés d’armes dangereuses.»

Au total, neuf suspects de ce groupe sécessionniste ont été appréhendés, alors que certains de ses membres, qui ont pris la fuite, sont activement recherchés, indique le communiqué publié ce dimanche par l’armée.

Les regards se sont alors tournés vers Sunday Igboho, de son vrai nom Sunday Adeyemo, qui milite pour la création d’une nation yoruba (du nom d’une ethnie du Nigeria) dans le sud-ouest du pays.

Mais celui qui avait été arrêté à l’aéroport international de Cotonou, au Bénin voisin, avant d’être libéré en octobre 2023, a pris ses distances avec l’attaque de samedi dernier.

Cette «invasion» du secrétariat d’État d’Oyo à Agodi par des éléments peut-être incontrôlés ou infiltrés d’un groupe étiqueté sécessionniste peut paraître anecdotique.

Mais les Nigérians, qui évoquent, sur les réseaux sociaux, «une récente déclaration d’une certaine Modupe Onitiri Abiola, veuve de feu Moshood Kashimawo Abiola» — mort le 7 juillet 1998 après un long emprisonnement alors qu’il a largement remporté l’élection présidentielle de 1993 sans pouvoir exercer son mandat — ne sont pas moins inquiets.

D’autant que cette «affaire» de «Yoruba Nation» n’est pas sans rappeler la sécession et la guerre du Biafra qui a divisé le pays entre 1967 et 1970.

Éteindre les feux des séparatismes 

On se rappelle en effet que les intentions sécessionnistes du Biafra ont resurgi au milieu des années 2010 avec le Mouvement pour l’avènement de l’État souverain de Biafra (Movement for the Actualization of the Sovereign State of Biafra, Massob) et le Mouvement indigène du peuple du Biafra (Indigenous People of Biafra, Ipob), à nouveau très actifs sur cette question.

En son temps, le chef d’état-major de l’armée nigériane, le général Tukur Buratai, avait gentiment «conseillé aux sécessionnistes d’ignorer leur rêve d’indépendance car l’institution militaire ne tolérerait aucun acte qui pourrait conduire à la désintégration du pays».

Si un autre feu se déclare avec ce mouvement «Yoruba Nation», on pourrait donc assister à cette désintégration redoutée, avec des conséquences au-delà du Nigeria

Il faut donc sans doute écouter aussi, au plus vite, les récriminations qui attisent le soufflet de la séparation forcée. Et y trouver des solutions pertinentes et pérennes autour d’une table qui inspire et invite à fumer le calumet de la paix.

Cela est valable pour le Nigeria, qui souffre déjà énormément d’une décennie de ces enlèvements de masse opérés par Boko Haram, mais aussi pour le Cameroun et pour tous les pays africains où l’on attise les feux des séparatismes…

www.libreinfo.net

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