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Burkina/Procès de détournement au ministère de l’Action humanitaire : La défense soulève une exception d’inconstitutionnalité

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Amidou Tiegnan et ses co-prévenus dans l’affaire de détournement de plus de 3 milliards de FCFA ont reconnu, ce 3 décembre 2024, devant le Tribunal de grande instance (TGI) Ouaga I certains faits à leur reprocher mais ont rejeté d’autres. L’avocate du principal prévenu a soulevé une exception d’inconstitutionnalité relative au blanchiment de capitaux reproché à son client.

Par Nicolas Bazié

Devant le Pôle judiciaire spécialisé dans la répression des actes de terrorisme, le prévenu Amidou Tiegnan se dit prêt à recevoir jugement, après avoir traversé une période instable de santé. Le Tribunal ouvre enfin le dossier. À la barre, lui et ses co-prévenus plaident coupables de certains faits et rejetent d’autres. Ils reconnaissent partiellement d’autres faits. Ils sont poursuivis pour des faits de détournement de deniers publics, d’enrichissement illicite, de blanchiment de capitaux, de faux en écriture publique, d’usage de faux en écriture publique.

Me Geneviève Ouédraogo, avocate du prévenu Amidou Tiegnan, demande à prendre la parole. Elle soulève une exception d’inconstitutionnalité de l’article 118 de la loi n°16 de 2016 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

L’article 118, selon elle, opère une discrimination devant le juge pénal. Il interdit à Amidou Tiegnan de plaider le bénéfice du sursis. Il s’agit d’une rupture d’égalité, fait-elle savoir, expliquant que l’article en question ne permet pas au juge d’accorder du sursis mais une condamnation ferme.

L’avocate estime que l’article 118 viole l’indépendance du juge à statuer. Il est contraire à l’article 5 alinéa 3 de la Constitution qui prévoit que la peine est individuelle. La défense demande, en effet, au Tribunal de surseoir à statuer sur le litige en droit et de saisir le Conseil constitutionnel sur la constitutionnalité de l’article 118.

Ce que le procureur n’entend pas de la même oreille même s’il reconnaît effectivement que la loi n°16 de 2016 ne prévoit pas de sursis. Cependant, il ne voit pas en quoi l’article fait de la discrimination. La loi dit que tout citoyen poursuivi pour blanchiment de capitaux ne bénéficie pas de sursis, poursuit-il.

Le procureur fait remarquer surtout que cette loi est spéciale et sa procédure est dérogatoire au régime du droit commun. Il invite la défense à éviter le dilatoire dans le procès, insistant sur le fait que la loi ne s’applique pas seulement à Amidou Tiegnan mais à tout le monde.

Le procureur invite plutôt les parties à poursuivre le procès et demande au juge de joindre l’exception d’inconstitutionnalité au fond du dossier. Il estime qu’il faut juger l’affaire et gagner en temps. Plus le procès prend du temps, plus l’État mettra du temps pour récupérer les 3 milliards de FCFA, conclut-il.

Il est soutenu par l’Agent judiciaire de l’État  (À JE), Karfa Gnanou, qui qualifie aussi de pure dilatoire l’exception d’inconstitutionnalité soulevée par Me Geneviève Ouédraogo.

Pour Me Prosper Farama, avocat du REN-LAC (Réseau national anti-corruption), le débat devant le juge pénal sur l’inconstitutionnalité d’une loi n’a pas sa raison d’être. Il indique que si c’est pour gagner du temps, le prévenu Amidou Tiegnan ne peut pas échapper et lui-même a reconnu les faits. Le Tribunal suspend l’audience pour se prononcer sur les observations faites par les parties au procès.

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