T.O est un Nigérien d’origine, titulaire d’une licence en anglais. Alors que le procès du putsch manqué de septembre 2015 au Burkina était en cours en 2019, dans la Salle des banquets de Ouaga 2000, T.O a été pris par des agents de sécurité, en train de rôder autour de ladite salle. Après un interrogatoire poussé, il est mis en examen pour association de malfaiteurs terroristes et déféré.
Par Nicolas Bazié
Le 31 juillet 2024, soit 5 ans après son arrestation, T.O a comparu devant un pôle judiciaire spécialisé dans la répression des actes de terrorisme.
Dans son dossier, l’enquête préliminaire renseigne que le mis en cause a été pris sans papiers d’identité, ni téléphone portable sur lui.
Les enquêteurs trouvent, cependant, un bout de papier sur lequel est dessiné un schéma. Selon les explications du tribunal, il s’agit d’un itinéraire bien précis qui mène jusqu’à la Salle des banquets pour faire une mission de repérage. C’était sûrement pour préparer un attentat, note le tribunal.
T.O plaide non coupable…
A la barre, T.O réfute les accusations portées contre lui et déclare qu’il a quitté le Niger pour le Burkina, notamment Ouagadougou, à la recherche d’un établissement d’enseignement où il pourrait enseigner.
Le prévenu revient sur les conditions de son arrestation en 2019 par les agents de sécurité. « J’étais dans les environs de la Salle. Mais je ne savais pas qu’il y avait un procès à l’intérieur. Les agents de sécurité m’ont d’abord dit de quitter. Ce que je n’ai pas fait puisque je suis allé m’asseoir à côté. C’est là qu’ils sont venus vers moi. Ils m’ont demandé ce que je fais dans cette zone sensible. Je leur ai répondu que je cherchais l’ambassade du Nigéria parce que j’avais besoin d’assistance. Ils m’ont arrêté juste comme ça et m’ont mis en prison ».
Que ce soit son audition devant les enquêteurs, devant le juge d’instruction ou à son procès à la barre du tribunal, T.O a fait des déclarations contradictoires. En effet, tantôt il est Nigérien, tantôt Béninois. Tantôt il est célibataire sans enfant, tantôt il est marié.
Le juge va chercher à comprendre comment se fait-il qu’il soit Nigérien ou Béninois et cherche l’ambassade du Nigeria ? Est-ce que l’ambassade du Nigeria s’occupe des problèmes des Béninois ? Le prévenu répond que ses parents ont des origines nigérianes et qu’en diplomatie, lui, il peut, sur cette base, bénéficier de l’assistance de l’ambassade du Nigeria au Burkina.
Il révèle même qu’il avait un rendez-vous avec l’ambassadeur. « Franchement, je ne me reconnais pas dans une affaire de terrorisme. C’est au Burkina Faso que j’ai entendu parler de terrorisme pour la première fois », indique T.O qui apporte des précisions sur le bout de papier retrouvé lui au moment de son arrestation.
Il affirme qu’il s’est rendu au commissariat de Police de la Patte d’Oie, vers une boulangerie pour prendre des renseignements. Selon ses dires, c’est là-bas qu’un policier aurait dessiné le schéma pour lui, pour qu’il puisse se rendre facilement à l’ambassade du Nigeria.
Mais, le juge lui fait savoir qu’il n’y a aucun commissariat dans cette partie du quartier Patte d’Oie qu’il a décrite. « C’est la toute première fois que vous dites que c’est un policier qui a tracé l’itinéraire pour vous. Vous n’avez pas fait cette déclaration ni aux agents des renseignements, ni à la brigade de recherches de gendarmerie, encore moins au juge d’instruction», notifie le juge.
En enquête préliminaire, les enquêteurs ont demandé au mis en examen de reproduire le schéma de l’itinéraire en question. Ce qu’il a fait avec une grande précision. « J’avais mémorisé le schéma », fait comprendre le prévenu à la barre.
C’est ainsi que le juge dessine, séance tenante, une image et lui demande de mémoriser et de la reproduire. T.O reproduit un schéma autre que celui dessiné par le juge.
Réquisitoire et décision…
Le procureur demande au prévenu s’il a un problème mental. L.O, visiblement très relaxe, regarde le procureur et sourit sans donner de réponse.
Dans son réquisitoire, le procureur a fait observer ce qui suit : « Les faits de l’espèce paraissent suffisamment constants. Le prévenu a été aperçu dans les encablures de la salle d’audience dans des circonstances inquiétantes ; il n’a fait que tenir des déclarations contradictoires ».
Le procureur poursuit que tout laisse croire qu’il y était pour des renseignements précis au profit d’un groupe auquel il appartiendrait.
« Il y était à des fins machiavéliques ; l’intention était de semer la terreur parce qu’attaquer ce lieu allait atteindre les effets escomptés. C’est un lieu privilégié pour ces personnes», dit-il.
« Monsieur le président, vous avez vu qu’à votre barre il n’a fait que mentir. C’est pourquoi le ministère public requiert qu’il soit maintenu dans les liens de la prévention».
Pour le procureur, les faits sont suffisamment caractérisés en ce sens qu’il faut reconnaître le prévenu coupable des faits d’association de malfaiteurs terroristes et retenir contre lui la peine de 21 ans de prison. Comme si cela ne lui causait aucun problème, le prévenu fait savoir au tribunal que les 21 ans requis par le procureur lui vont bien.
Dans sa décision, le tribunal a relaxé T.O au bénéfice du doute et a ordonné sa libération immédiate s’il n’est poursuivi pour une autre infraction. Les dépens ont été mis à la charge du Trésor public.