Après moults reports, le procès du détournement de deniers publics au ministère en charge de l’Action humanitaire s’est finalement ouvert ce 9 décembre 2024 au Tribunal de grande instance (TGI) Ouaga I. Le principal prévenu, Amidou Tiegnan, s’est prêté aux questions du Tribunal.
Par Prisca Konkobo
9h20 mn. Le Tribunal de grande instance (TGI) Ouaga I fait son entrée dans la salle d’audience. Les prévenus dans ce dossier sont Amidou Tiegnan, Phillipe Bayoulou, Salifou Ouédraogo, Petronine Tarpaga. Ils sont poursuivis, entre autres, pour des faits de détournement de deniers publics, d’enrichissement illicite, de blanchiment de capitaux, de faux et usage de faux.
Amidou Tiegnan est le premier appelé à la barre. Sans ambages, il reconnaît les faits à lui reprochés. Alors qu’on s’apprêtait à entrer dans le fond du dossier, ses conseils, qui se sont déportés et reconstitués, ont soulevé une exception.
Le 3 décembre dernier, par jugement avant dire droit, le Tribunal a ordonné le sursis à statuer en attendant l’avis du Conseil constitutionnel sur l’exception d’inconstitutionnalité soulevée par Me Geneviève Ouédraogo concernant l’infraction de blanchiment de capitaux. Il avait aussi ordonné la disjonction des différentes poursuites c’est-à-dire séparer l’infraction blanchiment de capitaux des autres infractions et ordonner la poursuite des débats pour les autres infractions.
Ce matin du 9 décembre, Me Geneviève Ouédraogo a demandé de prononcer la nullité de la procédure.
« Vous entendez juger M. Tiegnan sur la base d’une disjonction de poursuite. Cette procédure manque de base légale. On ne peut pas juger un prévenu sur la base d’une disjonction de poursuite. Ce ne sont pas les bases de notre Code pénal », a-t-elle déclaré.
Selon le parquet, le conseil de Amidou Tiegnan est dans une logique de dilatoire. « C’est le stress de l’attente de son jugement qui l’amène à vouloir repousser la date des débats au fond », a-t-il déclaré . Il a demandé de rejeter l’exception comme étant mal fondée. Il est suivi par le REN-LAC (Réseau national anti-corruption) représenté par Me Prosper Farama et l’agent judiciaire de l’Etat, Karfa Gnanou.
Me Adama Kondombo, avocat de Petronine Tarpaga, a également soulevé une exception de prescription sur deux chèques dont la dissipation des sommes est reprochée à sa cliente. Des chèques qui datent de 2018 et de 2021.
« La prescription est acquise à partir de 3 ans. De 2018 à octobre 2024 et d’octobre 2021 à novembre 2024, nous sommes au-dessus de la prescription », a indiqué Me Adama Kondombo. Pour le parquet, il n’y a pas de prescription dans le dossier car les chèques datent de 2022 et non de 2018 et de 2021. Le Tribunal a reçu les exceptions soulevées et les a joint au fond.
Plusieurs millions détournés
Invité à se prononcer sur les faits à lui reprochés, Amidou Tiegnan s’est expliqué clairement. Il affirme avoir agi sous les ordres de son supérieur, Camille Yé. « Nous ne sommes que des agents exécutants et nous exécutons des ordres venant de nos supérieurs hiérarchiques. En ce qui concerne le faux, je n’ai jamais imité de faux de mon propre gré. Nous avons des commanditaires : Yé Camille , directeur de la gestion des finances et Gnoumou Amidou chef de service de la commande publique. Mon compte était le plus gros compte du ministère. Je suis le co-signataire et Yé Camille est le signataire. Tout ce que je prenais, j’enlève ma part et je lui donne sa part. Je le rejoins souvent pour lui remettre des millions en liquide dans des sacs. M.Yé Camille me fait sortir de l’argent même pour les déplacements de la ministre ».
En somme , Amidou Tiegnan reconnait avoir eu pour sa part 900 millions de FCFA et avoir donné 1 milliard 800 millions de FCFA à Yé Camille.
Les débats se sont poursuivis jusqu’aux alentours de 17h. Ils reprennent demain 10 décembre.