S.H, né en 1991 dans un pays voisin du Burkina, est accusé d’avoir volé des téléphones portables en territoire burkinabè et dans lesquels se trouvent des fichiers à caractère terroriste. Ce qui l’a conduit devant le Pôle judiciaire spécialisé dans la repression des actes de terrorisme. Libre info.net a assisté, le 28 août 2024, à son procès. A l’issue de celui-ci, il a été condamné à 21 ans fermes assortis d’une période de sûreté de 15 ans et à une amende ferme de 2 millions de francs CFA.
Par Nicolas Bazié
Si voler des téléphones d’autrui était à refaire, peut-être que S.H n’oserait plus jamais poser un tel acte. Ce célibataire et père de deux enfants a été jugé le 28 août 2024 pour des faits d’association de malfaiteurs terroristes, de vol de portables et de petits ruminants, et de financement du terrorisme.
Les faits remontent au 1er janvier 2019. S.H est arrêté par des Kogleweogo (groupe d’autodéfense, ndlr) de Bani dans la province du Séno, région du Sahel, sur un site d’orpaillage pour vol de petits ruminants.
Le mis en cause avait en sa possession 33 petits ruminants (6 moutons et 27 chèvres) ainsi que des téléphones portables. Un Kogleweogo reconnaît même ses animaux volés dans le troupeau.
C’est ainsi que S.H est conduit à un poste de sécurité de Thiou dans la province du Yatenga. Là-bas, le mis en cause soutient qu’il a effectivement volé les animaux mais déclare que les téléphones lui appartiennent. D’ailleurs, leur contenu attire l’attention des agents de sécurité.
Dans lesdits téléphones, en effet, il y avait des vidéos d’attaques, des terroristes en armes, des corps de Dozo (groupe d’autodéfense, ndrl) abattus et des prêches.
Les relevés téléphoniques ont également révélé que le détenteur des téléphones était en contact avec des cibles terroristes. Pire, S.H s’est présenté sous une fausse identité aux agents de sécurité.
Lorsqu’il a été déféré au parquet, S.H change immédiatement de version. Cette fois, il affirme à contrario que les animaux lui appartiennent et que les téléphones ont été volés. Peine perdue puisqu’il sera mis en examen et auditionné par un juge d’instruction.
Dans un premier temps, S.H a dit avoir acheté les téléphones dans lesquels les enquêteurs ont trouvé des fichiers à caractère terroriste. Ce qui lui a valu l’infraction d’association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste.
Dans un second temps, il a déclaré avoir volé les animaux et un Kogleweogo a même reconnu les siens. En plus, les Kogleweogo ont informé les agents de sécurité que S.H a été arrêté alors qu’il se dirigeait vers une base terroriste avec des animaux.
Le prévenu se voit coller deux infractions : vol d’animaux au profit des terroristes et financement du terrorisme.
À la barre, il nie en bloc les faits et maintient mordicus qu’il reconnaît avoir volé les téléphones et que les animaux, par contre, sont à lui. Il plaide non coupable des faits à lui reprochés.
Mais, rien ne semble convaincre le procureur encore moins les membres du tribunal car, depuis l’enquête préliminaire, S.H a fait des déclarations contradictoires et s’est même présenté sous plusieurs fausses identités.
Le tribunal va chercher à savoir à qui appartiennent réellement les téléphones. « Je ne connais pas le propriétaire», répond le prévenu qui ajoute ceci : «Je les ai volés…».
Et de poursuivre : « les Kogleweogo m’ont arrêté avec les animaux. Ils m’appartiennent. Je partais chez moi avec. Je suis un berger ». Les Kogleweogo ont pourtant indiqué que S.H n’avait pas de matériel de berger sur lui. Pour ce qui est du contenu des téléphones, il a fait savoir qu’il n’est au courant de rien et qu’il ne les a pas visionnés après le vol.
Le juge lui présente sa propre image extraite de son téléphone. Aussi surprenant que cela puisse paraître, S.H dit ne pas reconnaître la personne qui est sur la photo, alors qu’il s’agit de sa propre image.
Avez-vous un frère jumeau ? Dites- nous qui est cette personne sur la photo, a martelé le juge. «Ce n’est pas moi. Je n’ai pas de frère jumeau aussi. Je ne reconnais pas cette personne sur la photo », se défend le prévenu.
Réquisitions…
Dans son réquisitoire, le procureur a fait appel à tous les éléments constitutifs du dossier. Il a d’abord relevé qu’il y avait un problème sur l’identité de S.H parce qu’il avait plusieurs noms de famille.
Ensuite, lorsqu’il a été arrêté, il se dirigeait vers une base terroriste. Enfin, il se contredit sur le vol des téléphones et des animaux.
Pour le procureur, il est constant que les animaux en sa possession étaient pour ravitailler les terroristes. En tout état de cause, lorsqu’il y a culpabilité, il y a sanction, note le procureur qui demande au tribunal de maintenir le prévenu dans les liens de la prévention et de le déclarer coupable de tous les faits à lui reprochés.
En répression, il a requis 21 ans de prison assortis d’une période de sûreté de 15 ans et d’une amende ferme de 2 millions de francs CFA contre S.H.
Dans son dernier mot, le prévenu a réitéré cette version : « Je reconnais avoir volé les téléphones. Mais les animaux m’appartiennent. Je ne fais pas partie d’une organisation terroriste».
Dans son jugement, le tribunal a relaxé S.H des faits de vol d’animaux à caractère terroriste et financement du terrorisme. Par contre, il est reconnu coupable des faits d’association de malfaiteurs terroristes et a écopé d’une peine d’emprisonnement de 21 ans fermes assortis d’une période de sûreté de 15 ans et d’une amende ferme de 2 millions de francs CFA.