O.I, mécanicien de profession et père de deux enfants, a comparu le 26 août 2024 devant le Pôle judiciaire spécialisé dans la répression des actes de terrorisme. Libre info.net a suivi le procès au terme duquel il a été relaxé au bénéfice du doute.
Par Nicolas Bazié
Le procureur du Faso a mis en examen O.I pour financement du terrorisme. C’est le 7 décembre 2022 qu’il a été interpellé par des agents de sécurité dans la région du Nord du Burkina. Ce réparateur d’engins à deux roues est accusé de vente d’une moto à un terroriste présumé, S.K.
Ce dernier et O.I se connaissent bien. « Nous avons grandi ensemble. Mais, c’est ici que j’apprends qu’il est terroriste», soutient le prévenu à la barre du tribunal.
Tout commence lorsque S.K se rend chez O.I le mécanicien pour lui demander de lui trouver une moto neuve de type Apsonic.
À l’époque, interdiction formelle avait été faite de vendre ces motos, utilisées par les groupes armés terroristes pour se déplacer. O.I, qui le savait très bien, dit à S.K qu’il sera difficile d’en trouver une telle marque mais il verra ce qu’il peut faire.
Le terroriste présumé, confiant, attend le retour de O.I. Il n’a pas imaginé que le mécanicien va le tromper. En effet, O.I est allé prendre la vieille moto de son oncle qu’il a démontée, changé certaines pièces enfin de relooker l’engin.
En enquête préliminaire, il ressort que O.I a pris le soin de changer les feux rouges, les capots, les pneus, le cadre de la moto, le moteur et il a enlevé la plaque d’immatriculation. La vieille moto «retapée» est ensuite vendue, sans papiers, à S.K à plus de 500 000 francs CFA.
Après quelques temps d’utilisation, la moto commence à avoir des pannes, ce qui va conduire les terroristes à sommer O.I de rembourser la somme de 250 000 francs CFA sinon il sera enlevé. Cela a fini par arriver parce que le prévenu a été effectivement enlevé et conduit dans une base terroriste.
Il a fallu que son père trouve la somme demandée pour pouvoir le libérer. Lors de son audition par le juge d’instruction, le mis en examen avait déclaré qu’il a été «wacké» (victime de maraboutage, ndlr).
Matériellement, la justice reproche à O.I d’avoir vendu une moto à un terroriste présumé. Un fait assez constant dans le dossier. Ce n’est rien d’autre que du financement du terrorisme, fait remarquer le procureur, se basant sur la definition donnée par le Code pénal.
Devant les membres du tribunal, le prévenu persiste qu’il a fait cela juste pour aider S.K et qu’il ne savait pas qu’il était terroriste. « Moi je connais S.K comme vendeur de bétail. C’est ce qu’il fait. Il vient chez moi et nous causons ensemble. Je ne l’ai jamais vu avec une arme. Je ne peux pas dire qu’il est un terroriste», se défend O.I. Or, le tribunal est convaincu que le prévenu a appris que S.K est un terroriste. Selon lui, il a décidé de ne pas le dénoncer.
Pour le procureur, le mécanicien doit être maintenu dans les liens de la prévention et reconnu coupable de financement du terrorisme, justifiant que l’infraction est suffisamment constituée.
En répression, il a requis contre O.I, la peine de prison de 10 ans fermes dont 7 ans de sûreté et une amende ferme de 10 millions de francs CFA. Mais, le juge a estimé qu’il n’y a pas assez d’éléments à charge contre l’interessé et l’a relaxé au bénéfice du doute. Il a ordonné sa libération s’il n’est poursuivi pour une autre infraction.