Le Burkina Faso à l’instar d’autres pays célèbrent ce 21 avril 2023, la fête de l’Aïd El fitr, marquant la fin du mois de Ramadan. Cela est l’aboutissement d’un travail d’arrache-pied de la commission lune de la Fédération des associations islamiques du Burkina Faso (FAIB).
Par Daouda Kiekieta
Il est 16h 23mn à la grande mosquée de Ouagadougou, ce jeudi 20 avril 2023. Nous sommes à la veille du vendredi. C’est un jour très important car, les fidèles musulmans ont besoin de savoir si l’on doit fêter le Ramadan le jour suivant ou pas.
Déjà, plusieurs jours avant, la Fédération des associations islamiques du Burkina (FAIB) avait annoncé dans un communiqué que la commission chargée de rechercher la lune, va se réunir le jeudi 20 avril à partir de 16h30 pour ses travaux.
Nous nous déplaçons à la grande mosquée de Ouagadougou, située au centre ville de la capitale burkinabè où cette commission doit travailler, pour suivre le processus technique jusqu’à l’annonce du communiqué final.
Près d’une demi-heure après la prière de 15h30, les membres de la Fédération des associations islamiques du Burkina (FAIB) commencent à faire leur apparition dans une salle de réunion.
Quelques membres de la commission lune commencent à s’installer, mais l’équipe technique d’observation de la lune est déjà sur le terrain, nous dit M. Daouda Sah, chargé de communication de la FAIB.

Monsieur Sah explique que l’équipe technique n’a pas un lieu statique. « Elle s’installe pour l’observation en fonction des conditions météorologiques notamment la position des nuages. Présentement, l’équipe est à la sortie ouest de la ville » raconte notre interlocuteur. Après ces propos, nous prenons la direction Zagtouli, quartier situé à une dizaine de km à l’ouest de Ouagadougou.
Après près d’une heure de trajet, nous voilà au pied d’un immeuble à cinq niveaux situé aux abords de la route nationale N°1.
L’appareil télescope servant à l’observation du croissant lunaire est visible à partir de notre position.
Du haut de ce building, trois appareils télescopes de différents champs sont disposés. Dans un air serein, le physicien Dr Adama Ouédraogo nous explique que ces appareils servent à accroître la chance d’observation du croissant.

« Le pourcentage de croissant tourne autour 0,1%. La météo nous a informé qu’il y aura un couvert de nuage sur l’ensemble du pays, néanmoins il y a une fenêtre d’observation à l’Est » indique Dr Ouédraogo, ancien membre de l’équipe d’observation venu pour appuyer l’équipe technique.
En ce moment où les Burkinabè sont suspendus sur la décision de la commission lune, c’est une course contre la montre. Lentement et sûrement, le soleil court va bientôt tomber..
Les techniciens sont focus, tantôt sur le viseur du télescope tantôt, sur l’écran d’un ordinateur portable connecté au télescope.

C’est en ce moment qu’on peut bien observer. Le soleil vient de se coucher, indique Dr Ouédraogo à l’endroit d’un de ses collègues alors qu’il était 18h18mn GMT dans notre montre.
M. André Zoungrana est doctorant en astrophysique à l’Université Joseph Ki-Zerbo de Ouagadougou. Positionné à côté du télescope, il affirme qu’à partir de 18h 45mn il n’est pas évident techniquement d’observer le croissant, s’il n’a été observé auparavant. Pour lui, l’intervalle pour cette opération paraît court.
«La lune ne produit pas de la lumière, mais reflète la lumière produite par le soleil. Par conséquent, si le ciel est couvert on ne pourra pas la voir » explique l’astrophysicien.
Ils se sont quittés aux environs de 19h sans apercevoir le croissant avec leur appareils.
À 18h 52mn, nous quittions les lieux pour rejoindre le QG (quartier général) de la commission basé à la grande mosquée de Ouagadougou.
Là, presque tous les membres ont le téléphone collé à l’oreille. Des coups de fil viennent de partout.
« Jusque-là, nous n’avons pas encore la confirmation » lance un membre à son correspondant au fil.
« Pour le moment nous avons deux provinces qui nous ont appelé, mais nous travaillons pour authentifier ces informations » nous confie M. Mahamadi Ilboudo, membre de la commission lune.
À 19 h 41 mn, la commission se retire pour préparer un communiqué augmentant le suspens chez les musulmans venus témoigner l’annonce de la fin du mois de Ramadan.
C’est finalement peu avant 20h que Dr Tidiane Ouédraogo, président de la Commission lune et ses collaborateurs ont annoncé la fin du mois de Ramadan 2023.

Ils affirment que le croissant lunaire a été aperçu dans plusieurs localités comme Poura, Fada N’Gourma, Ouahigouya et Nouna.
Dans un boubou gris, Dr Tidiane Ouédraogo nous explique le processus d’observation du croissant lunaire : « La commission a des démembrements dans toutes les provinces du pays. Ces derniers ont reçu une formation en la matière ».
Selon lui, l’observation technique avec les télescopes de la lune est une partie de la commission. Autrement dit, l’observation à l’œil nu reste d’actualité. Ainsi, la commission est structurée du village jusqu’à la région en passant par la commune et la province.
Un individu qui a aperçu la lune doit informer l’imam de sa mosquée et celui-ci doit à son tour transmettre l’information à sa hiérarchie jusqu’au QG de la commission basée à Ouagadougou.
Si deux personnes affirment avoir vu la lune, cela suffit pour décider, ajoute le président de la Commission.
Même si l’observation à l’œil nu reste importante dans ce processus, plusieurs scientifiques y sont impliqués. « Nous avons eu des agents de la météorologie ainsi que des universitaires ».
La question de l’observation de la lune pour débuter ou annoncer la fin du mois de Ramadan a fait couler beaucoup d’encre et de salive de par le passé.
De nos jours, ce problème semble résolu. C’est ce qu’on a pu constater ces dernières années où le consensus règne au sein de la communauté des musulmans au Burkina Faso.