Notre quête de souveraineté et de développement propre et authentique passera nécessairement par une refonte audacieuse et profonde de notre politique éducative.
L’objectif recherché à travers cet écrit est de contribuer à une plus grande efficacité de l’action gouvernementale dans la conduite de réformes fondamentalement porteuses de germes d’un Burkina libre et maître de son destin, dans le contexte particulier du « tout est urgent ».
Malgré les nombreux chantiers engagés par le gouvernement de transition, le chapitre des réformes montre peu d’engagement dans le secteur de l’Education. Cette situation est d’autant plus apostrophant quand on sait que l’Education est au centre de tous les leviers du développement d’un pays.
«L’éducation est l’arme la plus puissante que l’on puisse utiliser pour changer le monde » disait Nelson Mandela. Malheureusement, la transition politique en cours n’a pas encore réussi à donner de la visibilité dans la réforme de notre politique éducative dont la pertinence n’est pourtant plus à démontrer. Est-ce parce que le gouvernement manque de lisibilité sur sa vision en matière de politique éducative ?
Quel genre d’hommes et de femmes voulons-nous désormais sortir de nos écoles pour porter haut les couleurs d’un Burkina Faso décomplexé, qui assume avec confiance et authenticité son développement ? Quelle mentalité voulons-nous désormais inculquer dans le hakili (esprit) du Burkinabè au regard des défis de développement qui sont les nôtres ?
Avons-nous pris la juste mesure du rôle et de la place de l’Education dans ce que nous sommes aujourd’hui et ce que nous voulons être demain en tant que nation ? Bref, les réponses à ces interrogations résident en grande partie dans le contenu de ce que nous enseignons à nos enfants dans nos écoles.
La transition dirigée par le Capitaine Ibrahim TRAORE a certes, entrepris des réformes courageuses dans les domaines de la défense, de l’agriculture, mais aussi de la santé et de la fonction publique dans une moindre mesure.
L’équipement de notre armée en matériels de combat de dernière génération, le renforcement significatif et continuel des effectifs des FDS (Forces de Défense et de Sécurité) et VDP (Volontaires pour la Défense de la Patrie), la modernisation de notre système de renseignement en si peu de temps, montrent une ambition fièrement affichée de la transition de doter notre pays d’une armée professionnelle et républicaine, à la hauteur de nos ambitions de souveraineté politique, économique et culturelle.
Les grands chantiers innovants en cours dans le secteurs agricole (aménagement de 11 000 hectares de terres agricoles, introductions de nouvelles spéculations telles que le blé…) sont autant de dynamiques engagés et qui rassurent pour l’avenir.
Si les Burkinabè dans une grande majorité apprécient positivement ces réformes, beaucoup attendent impatiemment de voir une redéfinition de notre vision en matière de politique éducative. Par ce que l’Education est un outil d’éveil de conscience, de transmission de valeurs et de changement de mentalités, il s’impose alors comme le catalyseur de la dynamique de transformation sociale que nous avons amorcée.
Il est temps que le gouvernement de Apollinaire Joachim Kyélem de Tambèla entreprenne une véritable remise à plat de notre politique éducative si nous voulons non seulement lui imprimer un contenu qui reflète notre volonté de bâtir une société authentique et fidèle à nos valeurs et aspirations, mais surtout en faire le moteur de notre marche vers une libération des mentalités des générations présentes et futures.
Il est inacceptable que notre politique éducative léguée par le colon, passe à côté des grands chantiers de réforme de la transition qui suscite tous les espoirs d’une véritable refondation et de restauration de notre dignité.
Nous ne pouvons pas continuer à dispenser sans gêne des contenus éducatifs qui, non seulement dépaysent nos enfants dans leurs propres terroirs, mais surtout promeuvent les valeurs culturelles des autres tout en les rendant ignorants dès le bas âge de leur propre histoire.
Le contenu des programmes enseignés à nos enfants depuis l’école primaire jusqu’à l’université reste en déphasage avec nos ambitions de développement souverainistes et le modèle de société basé sur l’Etre et non l’Avoir.
Le développement de l’incivisme que nous observons par exemple depuis quelques années dans notre pays est une des conséquences d’une politique éducatives dont le contenu ne fixe pas suffisamment l’être dans sa société.
Allons-nous donc continuer à « bourrer » les cerveaux de nos enfants des pensées philosophiques des autres (Nietzche, Karl Max, Sigmund Freud, Voltaire etc), sans préalablement les rudiments qui les enracinent dans leurs propres sociétés ?
Les pratiques perverses des sociétés occidentales telles que l’homosexualité, la pédophilie, le transgenre, tout comme la corruption, que nous combattons maladroitement aujourd’hui sont les fruits d’une vision du monde importée que nous distillons dans nos salles de classes.
Il est certes bien de s’ouvrir au monde et à la culture des autres, mais les soubassements de notre société doivent être d’abord nos propres valeurs et convictions. On ne se développe jamais en adoptant la langue d’autrui comme moyen de réflexion et de projection dans le monde.
Dès l’école primaire, nos enfants apprennent que pour devenir quelqu’un qui compte dans la société, il faut pouvoir lire, écrire et surtout bien s’exprimer dans la langue d’autrui. Aussi impensable que cela puisse paraître, c’est malheureusement le paradoxe que revêt notre politique éducative.
Qu’on se le dise : la langue française qui est devenue le gouvernail de notre façon d’interpréter, de comprendre et d’exprimer le monde constitue l’un des obstacles létaux à notre capacité de penser et de concevoir un développement authentique endogène digne de nous-mêmes pour nos sociétés.
Nous ne pourrons jamais nous développer en utilisant comme moyen de réflexion et de conception la langue française, elle-même produit de la culture française.
De grands traditionalistes et linguistes africains comme Ngugi Wa Thiong’O, Amadou Hampaté Ba ou encore l’historien sénégalais Cheikh Anta Diop ont soutenu que les langues africaines doivent être mises en avant dans les programmes scolaires, pour éviter de produire des intellectuels qui n’apporteront pas grand-chose à l’Afrique.
En imposant à nos enfants la langue française comme outil de base de leur éducation au détriment de nos propres langues, nous leur imposons inconsciemment la culture française. La langue est le véhicule par excellence de la culture dit-on.
Le gouvernement Kyélem et partant, toute la transition aura échoué sur un grand pan des chantiers attendus de la transition, si toutefois notre politique éducative était laissée en l’état.
Nous plaidons donc ici et maintenant pour une remise à plat de notre politique éducative à travers une approche inclusive de l’ensemble des parties prenantes en vue de lui donner une orientation plus valorisante de nous-mêmes, en mettant nos langues au cœur de l’éducation de nos enfants.
C’est la seule option qui vaille pour une nation qui veut oser redéfinir son avenir. Cela implique nécessairement une redynamisation de l’équipe gouvernementale pour dresser une horde d’hommes et femmes de combat de haute intensité sur les terrains des grands chantiers de refondation, à l’exemple de nos vaillants FDS et VDP sur les champs de combat. Wake up, Mr Kyélem !
Pato DONDASSE