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UEMOA : état des lieux sociopolitiques

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Le président de la Commission de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), Abdoulaye Diop, présente ce 21 mars à Lomé, capitale du Togo, le rapport général sur le fonctionnement et l’évolution de l’Union devant les députés du Comité interparlementaire de l’institution sous-régionale. Exercice annuel, cette sortie qui s’inscrit au titre de l’année 2023 permettra d’établir la cartographie sociopolitique actuelle de l’Uemoa nourrie par des échanges avec les députés de ses huit États membres…

Par Serge Mathias Tomondji

La capitale togolaise abrite, depuis le 20 mars, la 53e session ordinaire de Comité interparlementaire de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (CIP-Uemoa). Une session qui, pendant dix jours, se penchera sur le fonctionnement et l’évolution de l’Union.

Dans l’agenda de cette rencontre, et conformément aux dispositions des articles 26 et 36 du traité de l’institution, le président de la Commission de l’Uemoa soumettra aux députés membres du comité interparlementaire son rapport général sur le fonctionnement et l’évolution de l’Union.

Organe de contrôle démocratique de l’Uemoa, le Comité interparlementaire est composé de 40 membres, soit cinq députés par État — Bénin, Burkina, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo — désignés par l’organe législatif de chaque pays.

La communication du président de la Commission et les échanges qui s’en suivront permettront sans doute de mieux cerner les défis actuels de l’institution, et surtout de dessiner des perspectives heureuses quant à son évolution.

Mais que peut-on retenir d’essentiel, au plan sociopolitique, des huit pays qui composent l’Uemoa, dont le traité a été signé le 10 janvier 1994 à Dakar, en même temps que la dévaluation du franc CFA?

Bénin : un régime présidentiel renforcé

La République du Bénin fait bande à part sur le plan institutionnel avec un régime présidentiel fort depuis la Constitution de 1990, au sortir de la Conférence nationale.

C’est en effet le seul des huit États membres de l’Uemoa qui n’a pas fait le choix de «constitutionnaliser» un Premier ministre. Hier «enfant malade de l’Afrique» avec une flopée de coups d’État militaires, le pays a réussi à se stabiliser après 18 années d’un régime militaire et plus de trente ans d’une «vie constitutionnelle normale». Le dernier coup d’État remonte au 26 octobre 1972 et, depuis 1991, quatre présidents se sont succédé à la tête de l’État.

Cependant, plusieurs observateurs dénoncent un recul des valeurs démocratiques. La révision de la Constitution en novembre 2029, presqu’en catimini par un parlement dont les 83 députés appartiennent tous aux deux partis de la mouvance présidentielle, a été fortement critiquée.

D’autant que cette révision a consacré un changement majeur, l’introduction d’un poste de vice-président dans l’armada institutionnel et l’obligation d’opérationnaliser désormais l’élection présidentielle avec des duos de candidature. Récemment encore, l’adoption et la promulgation d’un code électoral qui corse notamment les conditions d’éligibilité et de répartition des sièges des députés à l’Assemblée nationale continue de faire débat et polémique…

Burkina-Mali-Niger : le trio du Sahel

Impossible de ne pas associer ces trois pays membres de l’Uemoa, puisqu’ils font bloc et partagent la même communauté de destin. Ils forment d’ailleurs, depuis le 16 septembre 2023, l’Alliance des États du Sahel (AES), qui devrait évoluer vers l’établissement d’une confédération.

Dirigés actuellement par des régimes militaires suite à différents coups d’État — 24 janvier et 30 septembre 2023 au Burkina ; 18 août 2020 et 24 mai 2021 au Mali ; 26 juillet 2023 au Niger — ces trois pays du Liptako-Gourma ont ainsi renforcé leur alliance en décidant de créer, le 7 mars dernier à Niamey, une force conjointe pour mener la lutte contre les groupes terroristes. Non sans avoir tourné le dos, le 28 janvier 2024, à la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao).

Il est donc évident que la question de leur maintien au sein de l’Uemoa revient régulièrement dans les discussions. En effet, les huit pays membres de l’Uemoa partagent la même monnaie, le franc CFA, considérée comme une monnaie coloniale et d’asservissement dont les pays de l’AES voudraient bien se passer.

Sur le plan institutionnel, en dehors du Mali qui a déjà promulgué, le 22 juillet 2023, une nouvelle Constitution adoptée un mois plus tôt, le Burkina a annoncé l’élaboration d’une Loi fondamentale basée sur les valeurs et les réalités du pays et qui consacrerait une cinquième République. Le Niger est, semble-t-il sur la même ligne…

On apprend d’ailleurs que des experts des pays membres de l’AES, très proches de la Russie, devraient participer, le 27 mars prochain à Moscou, à une table ronde afin de réfléchir, entre autres, sur les «capacités réelles de l’Alliance à repousser les menaces externes et internes». Plusieurs interrogations animeront les travaux de cette table ronde intitulée «L’Alliance des États du Sahel comme nouvel élément de la sécurité régionale: défis et opportunités pour la Russie».

Des questions importantes auxquelles les experts doivent apporter des réponses pratiques et pertinentes, et qui ont notamment trait aux «tendances possibles du développement sociopolitique des pays de l’Alliance des États du Sahel dans les conditions du transit politique», ainsi qu’aux «raisons internes et externes de l’expansion du contrôle territorial par des groupes radicaux liés aux structures djihadistes mondiales».

Également au menu des échanges de cette table ronde, des préoccupations sur «les moyens d’action de la France et des États-Unis sur les pays du Sahel», «les possibilités d’expansion de l’influence pour la Russie, la Chine, la Turquie et les pays arabes», «la probabilité d’une intégration effective des formations paramilitaires dans les forces armées»…

Comme on peut bien le voir, l’opposition AES-Cedeao est bien entamée et les pays du Liptako-Gourma affichent et affirment leur volonté de rupture d’avec le passé. Il est donc primordial ici de se demander quand et comment cette position de rupture touchera aussi l’Uemoa.

Côte d’Ivoire: l’élephant d’Afrique

La République de Côte d’Ivoire est l’un des plus riches de l’espace Uemoa. Après une longue période de stabilité suite aux indépendances des anciennes colonies françaises d’Afrique en 1960, le pays a enregistré son premier et seul coup d’État en 1999. Mais des rivalités entre les ténors de la classe politique nationale ont entraîné, de 2002 à 2011, une grave crise politico-militaire et même une guerre qui a fait plus de 3 000 victimes.

Le pays se redresse depuis quelques temps, mais la révision constitutionnelle de 2016, puis le décès brutal, le 8 juillet 2020, de Ibrahim Gon Coulibaly choisi pour représenter le Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP, au pouvoir) à l’élection présidentielle du 31 octobre 2020 amène Alassane Ouattara à briguer un nouveau mandat.

«Troisième mandat» proscrit pour les uns, premier mandat d’une nouvelle République pour ses soutiens, celui qui dirige la Côte d’Ivoire depuis la violente élection présidentielle de 2011, serait en passe de prolonger son bail à la tête de l’État à partir de 2025.

Fervent défenseur du franc CFA, qui cimente l’unité monétaire des pays membres de l’Uemoa, Alassane Ouattara préside aux destinées de la Côte d’Ivoire avec un exécutif à trois piliers: président, vice-président et Premier ministre. Auréolé par le récent succès organisationnel et sportif de la 34e édition de la Coupe d’Afrique des nations que son pays a rempotée, il caresse le rêve d’un nouveau quinquennat à la tête du pays.

Il doit cependant encore gérer le cas Laurent Gbagbo, qui a déjà annoncé sa candidature quoiqu’inéligible, alors que se profilent à l’horizon les obsèques de l’autre mastodonte politique, Henri Konan Bédié, décédé le 1er août 2023.

Guinée-Bissau: un pays fragile

Pays lusophone, la Guinée-Bissau, indépendante depuis 1975, a longtemps été instable, avec des coups d’État, des assassinats politiques et autres difficultés sociales et militaires liées notamment au trafic de la drogue.

Tant et si bien qu’on l’appelait (ou qu’on l’appelle encore) un narco-État. Huitième pays ayant adhéré à l’Union économique et monétaire ouest-africaine le 2 mai 1997, la Guinée-Bissau a ainsi fait le choix du franc CFA.

Porté à la tête de l’État en 2014 à l’issue d’une élection présidentielle, José Mario Vaz a connu des difficultés à maintenir l’équilibre institutionnel du pays. La crise est permanente avec une valse ininterrompue de Premiers ministres.

Cependant, pour une première fois, son mandat arrive à terme, jusqu’à l’élection, en 2019, dans des conditions difficiles et troubles, de Umaro Sissoco Embaló à la présidence de la République.

La crise sociopolitique ne s’estompe pas pour autant, mais jusque-là, l’attelage constitutionnel et la dévolution du pouvoir par les urnes tient timidement la route.

Après avoir déjoué un putsch le 1er février 2022, le président Embaló dissout le Parlement dominé par l’opposition le 4 décembre 2023 suite à des affrontements armés qu’il qualifie de «tentative de coup d’État». Une énième crise, qualifiée de «coup d’État constitutionnel» par l’opposition de ce pays toujours fragile, qui devrait organiser cette année une nouvelle élection présidentielle.

Sénégal : dans l’attente du nouveau président

Phare de la démocratie africaine depuis plusieurs décennies, le Sénégal, qui n’a enregistré le moindre coup d’État depuis son indépendance en 1960, œuvre à sortir actuellement par le haut d’une crise sociopolitique majeure. L’élection présidentielle qui devait se tenir le 25 février à en effet été reportée par le président Macky Sall, plongeant le pays dans des incertitudes monstres après des violences inouïes.

Fort heureusement, le Conseil constitutionnel a remis, à chaque fois, les pendules à l’heure et le pays sort à présent d’une campagne électorale raccourcie et éreintante, en plein mois de Ramadan. Le premier tour de l’élection du cinquième président de ce pays, qui compte aussi parmi les plus en vue de l’Uemoa, est fixé au 24 mars prochain. Quant au président Macky Sall, il devrait quitter ses fonctions le 2 avril 2024.

Togo: Vous avez dit régime parlementaire

Les députés de la majorité présidentielle à l’Assemblée nationale ont introduit récemment une proposition de loi visant à changer la Constitution du pays. Un pays qui a évolué en dents de scie et que dirige, depuis 2005, Faure Gnassingbé, suite au décès de son père, Gnassingbé Eyadéma après 38 ans de règne.

La nouvelle Constitution projetée, objet de controverses politiques, vise notamment à édifier un régime parlementaire avec un président qui ne sera plus élu au suffrage direct, mais par l’Assemblée nationale pour un mandat de sept ans renouvelable une fois. La proposition fait d’autant plus polémique que la législature actuelle est sur le départ, de nouvelles élections étant prévues en avril prochain…

Au total, ainsi que l’on peut en juger, l’Union économique et monétaire ouest-africaine a du pain sur la planche et doit faire face à une diversité contradictoire de situations politiques et démocratiques qui menacent sa survie. Le rapport général du président de la Commission n’en est que plus attendu…

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