La ville de Dédougou (chef lieu de la Boucle du Mouhoun) vibre au rythme des masques à feuilles depuis le 10 février 2022. Il en est ainsi depuis fort longtemps à cette période de l’année. Cette sortie annuelle desdits masques, loin de revêtir uniquement un caractère figuratif, elle est aussi l’expression d’une croyance religieuse dans la communauté des Bwaba.
Par Tilgré Belem, correspondant Mouhoun
« Les masques à feuilles font partie de notre spiritualité. Ils sont une émanation, disons un envoyé de Dieu appelé le « Dô » dans notre religion traditionnelle », soutient Pierre Dakio, fonctionnaire à la retraite et porte-parole du chef de canton de Dédougou.
Selon ce fonctionnaire à la retraite, le « Dô » a confié à ses messagers la mission de sauvetage des hommes qui font face à des problèmes liés aux relations humaines, à la cohésion, à des maladies ou à des besoins matériels.
Ainsi la sortie des masques à cette période de l’année n’est pas fortuite. « Nous traversons actuellement une mauvaise période de saison : c’est le harmattan. Avec le grand vent qui souffle, cela apporte beaucoup d’épidémies comme la rougeole, la méningite ou la variole. Le masque vient en cette période pour favoriser la prière et la conjuration du mauvais sort afin de permettre à la communauté d’avoir la santé », a justifié M. Dakio.
En effet, depuis le 10 février 2022 et ce durant une décade, les masques iront de quartiers en quartiers, sillonnant rues et ruelles de la ville de Dédougou pour répandre le message du « Dô » constitué de paix, de cohésion, de joie et de la santé au sein de la population.
A en croire Pierre Dakio, les masques ne sont pas habillés de feuilles comme le diraient les profanes, mais de graisse selon une traduction littérale du mot mystique. La graisse a pour rôle de contribuer à l’assouplissement des relations interhumaines conférant alors aux masques leur mission de régulateur de la société bwaba.
Durant cette période de sortie traditionnelle et annuelle des masques à feuilles, de nombreux rites sont pratiqués, a souligné le porte-parole du chef de canton de Dédougou. Interdiction d’en parler oblige, il n’ira malheureusement pas loin.
Cette pratique sociétale dure depuis que la société bwa existe, affirme Pierre Dakio avant de relever que la rencontre entre le masque à feuilles et l’ancêtre des Bwaba a été favorisée par le griot. Cette relation étroite entre le masque et le griot a ainsi traversé les siècles et se matérialise par la présence dudit griot à chaque sortie des masques.
Dans leur promenade, les masques doivent éviter tout contact avec les non-initiés, précise Pierre Dakio. D’où la nécessité pour eux de se priver d’aller dans les marchés ou de s’introduire dans les cours. C’est d’ailleurs une des raisons qui a prévalu à la prise de décision par la communauté coutumière de Dédougou interdisant à ces derniers de se présenter dans les maquis et les restaurants.
Tout contrevenant à cette règle s’expose à une flagellation publique, s’est voulu catégorique le septuagénaire. Pour sa part, la population doit éviter toute provocation ou tentative de traverser une colonne de masques en pleine rue au risque de se faire fouetter.