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CEDEAO : En attendant le gâteau aux 50 bougies !

Ahmed Bola Tinubu président en exercice de la CEDEAO lors d'un sommet

Le compte à rebours a commencé ! La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) s’apprête à boucler son cinquantenaire d’existence sur fond de division et de divorce. De seize pays au départ, lorsqu’elle a été portée sur les fonts baptismaux le 28 mai 1975 à Lagos, au Nigeria, les « quinze du bloc régional ouest-africain » — suite au départ de la Mauritanie en 2000 — ne seront plus que douze pour allumer les 50 bougies. Le Burkina, le Mali et le Niger ont, en effet, décidé de rompre les amarres et de faire bande à part…

Par Serge Mathias Tomondji

Quelques cinq mois nous séparent de la célébration, le 25 mai 2025, du cinquantenaire d’existence de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Un anniversaire déjà en demi-teinte puisque trois des États fondateurs de cette institution régionale ont décidé de la quitter. Annoncé en janvier 2024 pour s’appliquer avec « effet immédiat », ce divorce, assumé jusque-là par le Burkina, le Mali et le Niger, devrait se concrétiser à partir du 29 janvier 2025, conformément aux textes de l’organisation.

Réunis en conférence ordinaire ce 15 décembre à Abuja, la capitale fédérale nigériane, les chefs d’État des pays membres de la CEDEAO ont en effet « acté » la volonté des trois pays de constituer un bloc à part au sein de la Confédération Alliance des États du Sahel (AES). Cependant, la conférence au sommet aménage une fenêtre de repli, et fixe une période de transition allant du 29 janvier au 29 juillet 2025 « au cours de laquelle les portes de la CEDEAO resteront ouvertes aux trois pays ».

66e Sommet des chefs d'État des pays membres de la CEDEAO
66e Sommet des chefs d’État des pays membres de la CEDEAO

En même temps que cette période permettra aux facilitations déjà en cours, notamment avec les présidents Bassirou Diomaye Faye du Sénégal et Faure Gnassingbé du Togo de se poursuivre, les dispositions administratives et politiques seront prises pour signer définitivement l’acte de divorce. Un revirement de la situation paraît donc improbable et les compromis impossibles. D’autant que la 66e session ordinaire de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO a réaffirmé son attachement aux valeurs démocratiques.

Profondes divergences

La Conférence réaffirme, indique en effet le point 48 de son communiqué final rendu public dans l’après-midi du 16 décembre, « son indéfectible adhésion aux dispositions du Protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance ». Le communiqué met d’ailleurs l’accent sur la « tolérance zéro », prévue par les dispositions de ce Protocole, « pour tout pouvoir obtenu ou maintenu par des moyens anticonstitutionnels ».

C’est sans doute l’un des points majeurs de la discorde entre la CEDEAO et les pays membres de l’AES, qui font face à des défis majeurs de sécurité et à des attaques terroristes récurrentes, et qui sont dirigés depuis quelques années par des pouvoirs non issus des urnes.

L’interprétation et l’application des dispositions de ce protocole adopté en décembre 2001 — axées sur « le développement de l’État de droit, la consolidation de la démocratie et l’adoption de principes communs de bonne gouvernance dans l’espace CEDEAO » — ont en effet allumé, ces dernières années, les flammèches d’une implosion de l’institution communautaire, suite à la série de coups d’État qui ont secoué plusieurs de ses États membres.

Visiblement, il y a donc, sur cette question, de profondes divergences de vision, d’approche et de finalité qui ne pourront pas être aplanies d’ici à juillet 2025. En témoigne du reste les bons points de la Conférence des chefs d’État de la CEDEAO au Sénégal et au Ghana, qui viennent de conclure avec panache des processus électoraux majeurs. En soulignant « avec satisfaction l’adhésion continue aux valeurs et principes communautaires en matière de démocratie, de bonne gouvernance et de dialogue », les chefs d’État de la CEDEAO se réjouissent de « la conduite de processus constitutionnels, électoraux et de dialogues inclusifs, pacifiques et crédibles » dans plusieurs pays membres.

Au-delà des discours…

La rencontre du 15 décembre dernier s’est ainsi penchée sur d’importantes questions politiques, notamment en Sierra Leone où un Accord d’unité nationale a été signé en octobre 2023, en Guinée où le processus de transition manque de lisibilité et en Guinée-Bissau où l’on doit réinitialiser le calendrier électoral.

Sur un autre volet, les chefs d’État ont également évoqué, précise le communiqué final du sommet, les questions de sécurité, notant avec inquiétude « les défis constants à la sécurité et à la stabilité dans la région, alimentés par les activités des Groupes armés terroristes (GAT) et des extrémistes violents… » ainsi que « la montée de la désinformation et la diffusion de fausses informations, dans le but de semer la méfiance et de saper les valeurs et les normes régionales ».

Évidemment, et c’est là que le bât blesse, ces dénonciations restent trop souvent dans la sphère des discours et des proclamations d’intention sans emprunter les chemins vertueux de l’application concrète des mesures en faveur des peuples. Comme ces « nombreux barrages routiers illégaux (qui pullulent) le long des corridors routiers régionaux » et qui « entravent la libre circulation des personnes et le développement du commerce intracommunautaire ».

À cet effet, la sensibilisation et le renforcement des structures institutionnelles préconisées par les chefs d’État ne suffisent pas, à eux seuls, pour réconcilier la CEDEAO avec les peuples qui ont soif d’intégration véritable et de déplacements sereins dans cet espace. Là-dessus d’ailleurs, les peuples des différents pays s’inquiètent des conséquences du divorce entre l’AES et la CEDEAO sur la libre circulation des personnes et des biens, un principe fondateur de cet espace qui annule l’exigence de visas pour les citoyens.

Être visa-compatible ou non !

On peut donc déjà se réjouir du fait que l’AES ait réaffirmé ce principe, à la veille du sommet de la CEDEAO. « La Confédération des États du Sahel est un espace sans visa pour tout ressortissant des États membres de la CEDEAO », indique une déclaration signée par le président du Mali, Assimi Goïta, président en exercice de la Confédération AES. Ainsi, précise la déclaration, « les ressortissants de la CEDEAO ont le droit d’entrer, de circuler, de résider, de s’établir et de sortir sur le territoire des États membres de la Confédération des États du Sahel dans le respect des textes nationaux en vigueur ».

De 15 membres, la CEDEAO passe à 12 avec le retrait des pays de l'AES
De 15 membres, la CEDEAO passe à 12 avec le retrait des pays de l’AES

Les chefs d’État de la CEDEAO n’ont pas formellement répondu à cette déclaration qui constitue, somme toutes, le cœur de l’action intégrationniste de l’institution communautaire cinquantenaire. Sans doute parce que cela va de soi… Sinon, on voit mal comment la CEDEAO pourrait davantage diviser les peuples par des mesures coercitives d’établissement et d’exigence de visa dans ce bloc régional ouest-africain pour lequel on nourrit encore le secret espoir d’une véritable union fondée sur des valeurs et le respect des spécificités de chaque État.

Se réinventer ou disparaître

En attendant, la CEDEAO se prépare à célébrer son cinquantième anniversaire avec douze pays — Bénin, Cap-Vert, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Liberia, Nigeria, Sénégal, Sierra Leone, Togo — au lieu de quinze. Un jubilé d’or qui sera marqué par « des activités durant toute une année dans tous les États membres, à commencer par le Ghana, pendant que l’apothéose se tiendra au Togo en 2025 ». De plus, précise le communiqué final de la 66e session ordinaire de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement, « un accent particulier sera mis sur le Nigéria, pays abritant le siège de la CEDEAO et le seul Père fondateur encore en vie, à savoir le Général Yakubu Gowon ».

Il y a sans doute là une formidable opportunité pour repenser l’institution régionale, relire son ADN, esquisser de nouveaux plans pour la projeter plus efficacement dans l’avenir, en tenant grand compte du nouveau contexte géopolitique et sécuritaire complètement tourneboulé. Indéniablement, la CEDEAO doit impérativement faire sa mue dans les cendres de ses 50 bougies, se réinventer au service des peuples de son espace, se rendre plus efficace sur le terrain face aux défis des nations … ou disparaître !

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