A la chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance Ouaga I, ce 30 novembre 2023, dans l’affaire dite charbon fin, les débats ont essentiellement porté sur la procédure d’acquisition de l’autorisation pour exporter du charbon fin en 2015.
Par Nicolas Bazié
Il est 9h environ passées de 6 minutes. L’expert douanier est de nouveau appelé à la barre pour poursuivre sa présentation sur la procédure de la société minière IAMGOLD Essakane SA pour obtenir, auprès des autorités burkinabè, l’autorisation d’exportation de charbon fin. Les faits remontent à 2015.
Lorsque Essakane SA a exprimé le besoin d’exporter le charbon fin, elle aurait avancé la raison selon laquelle elle entend s’acheter un incinérateur qui coûterait 1 milliard 250 millions de francs CFA, selon un document projeté par l’expert douanier.
Le juge cherche d’abord à savoir si la société poursuivie pour, entre autres, les faits de fraude en matière de commercialisation d’or reconnaît le document dont parle l’expert. «Oui», répond la directrice pays de la société minière, Blandine Kaboré.
Les avocats de Essakane SA projettent, à leur tour, une lettre du directeur général des Mines et de la géologie qui autoriserait de façon spéciale, l’exportation du charbon fin. Dans cette lettre, justement, on note de façon matérielle, que le directeur général des Mines a signé l’autorisation spéciale.
Sauf que, pour l’expert douanier, le DG des Mines n’est pas compétent pour signer une autorisation spéciale d’exportation de charbon fin, il ne peut que donner un avis, d’après lui. Pour l’expert douanier, c’est plutôt le secrétariat permanent du guichet unique de commerce qui a qualité à le faire.
L’expert douanier fait d’autres déclarations, qui, visiblement n’ont pas été du goût de Me Pierre Yanogo, l’un des avocats de la société minière IAMGOLD Essakane SA.
L’avocat lui demande de confirmer s’il a eu à dire à la barre que la société a donné des dessous de table pour obtenir l’autorisation d’exporter le charbon fin.
L’expert répond qu’il a déclaré que la procédure que l’on suit pour obtenir l’autorisation d’exporter le charbon fin ne se fait pas sous les tables et que les avocats de la défense n’ont pas compris sa pensée.
L’expert douanier persiste et signe que le directeur général des Mines n’a pas qualité à signer une autorisation spéciale d’exportation de charbon fin. Me Pierre Yanogo va s’insurger, affirmant que les propos de l’expert douanier sont assez graves, car selon lui, ils laissent croire que Essakane SA aurait passé par la corruption pour obtenir l’autorisation d’exportation.
Ce qui est important selon les avocats de la défense, c’est que la société IAMGOLD Essakane SA a eu l’autorisation des services compétents de l’Etat pour exporter le charbon fin.
Ils disent avoir comme l’impression que l’expert douanier qui a été inspecteur des douanes remet en cause une autorisation des autorités compétentes du pays.
C’est au tour de Me André Ouédraogo, avocat de l’État de prendre la parole. Il semble ne pas vouloir créer un débat autour du sujet. « On ne va pas faire un cours de droit administratif ici», lance-t-il d’entrée de jeu. Me André Ouédraogo veut la preuve que le ministre des Mines à l’époque avait donné l’autorisation d’exporter le charbon fin.
« Qu’on nous apporte la preuve que le ministre des Mines à autoriser l’exportation du charbon fin, après avoir reçu la demande d’autorisation de la société IAMGOLD Essakane SA. Qu’on nous donne aussi la preuve que le ministre a donné une habilitation au Directeur général des Mines d’autoriser de façon spéciale l’exportation de 399 059 kg de charbon fin», a dit l’avocat de l’État.
À la sortie de la salle d’audience, Me Pierre Yanogo dit ne pas comprendre cette attitude de l’État. Il fait noter que ce sont les autorités compétentes du pays qui ont donné l’autorisation à la société minière IAMGOLD Essakane SA d’exporter le charbon fin. « L’Etat est la cheville ouvrière de cette opération », a affirmé Me Yanogo.
À l’écouter, « si l’État n’avait pas donné des autorisations, Essakane SA n’aurait pas pu sortir avec du charbon fin». L’audience reprend demain vendredi 1er décembre, toujours au Tribunal de grande instance Ouaga I.