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Haute-Volta: Comment Maurice a perdu le pouvoir en 1966

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Comment perdre le pouvoir ? le cas de Maurice Yaméogo est le titre d’un livre qui relate les événements du 3 janvier 1966. Cet article revient également sur les péripéties qui ont abouti à la chute du premier président de la République. Retour sur une insurrection populaire que les autorités de l’époque n’ont apparemment pas vu venir. Beaucoup de signes politiques pourtant prédisposaient à une telle fin de règne de ce pouvoir.

Par Merneptah Noufou Zougmoré

Le 3 octobre 1965, le président Maurice Yaméogo, candidat unique lors des élections présidentielles avait été réélu à 99,98%.

Il en était de même pour les candidats aux législatives qui pour le bon vouloir du prince n’étaient issue que de son parti, l’Union démocratique Voltaïque-Rassemblement démocratique Africain (UDV-RDA).

Pour boucler la boucle, les élections municipales du 5 décembre 1965 donnent les mêmes résultats. Les élus locaux sont le choix de Monsieur Maurice comme l’appelaient les humbles gens pendant son règne et de son parti à l’emblème de l’éléphant.

Tous ces résultats n’étaient pas un bon présage pour les gouvernants de la période et comme par prophétie, les étudiants de l’Association scolaire Voltaïque (ASV) de Dakar avaient mis en garde, le président Maurice Yaméogo contre sa tentative de museler toute voix dissonante.

Ils avaient également attiré son attention sur la dangerosité du coup d’arrêt de la démocratie dans une déclaration publiée le 9 mars 1960, 5 ans avant sa chute.

« Votre gouvernement ne respecte pas les principes démocratiques, principes qu’il aurait dû observer, ne serait-ce que dans le désir de conservation ; faute de le faire, il s’expose à ne pas savoir quel est le degré de mécontentement du peuple, mécontentement qui fera tout sauter, un jour, à la grande surprise de certains. ». Cette déclaration prémonitoire n’a pas manqué de se réaliser.

Le 28 décembre 1965, les autorités publiaient le budget d’austérité avec la réduction des salaires de 20% mais avant, les responsables syndicaux avaient appris qu’une telle décision étaient sur la table des gouvernants.

Ils entreprirent des démarches auprès de ces derniers sans avoir une oreille attentive. La dernière autorité à les rencontrer a été le Ministre de l’Intérieur du régime Yaméogo, son cousin Dénis Yaméogo.

Il avait au cours de ce rendez-vous couvert les syndicalistes des mots peu amènes. C’est l’un des facteurs qui les a décidés à affronter le gouvernement.

Le discours tenu par Maurice Yaméogo le 31 décembre à l’Assemblée Nationale n’a également pas manqué de jeter de l’huile sur le feu. « Je pose la question, à ceux qui voudraient élever de la voix, de savoir ce qu’ils proposent. Que nous-nous installons dans la mendicité, ou que nous assumions notre indépendance avec toutes les épreuves qu’elle comporte. »

Sur un ton de menace voilée, il ajoute : « Monsieur le président, Mesdames, Messieurs les députés, j’ai appris à mon retour d’Abidjan, que certains agitateurs s’essayaient d’exploiter la bonne foi de nos travailleurs. Je voudrais vous demander l’autorisation de profiter de votre tribune pour dire à tous ceux-là dont la langue, le bras et les jambes des pantins sont agités de l’extérieur, que la paix sociale ne cessera de régner dans notre pays ; cela je le dis de la manière la plus formelle et la plus solennelle, et je pense être compris. »

Le 1er janvier 1966, l’intersyndical amené par les adjoints des leaders syndicats déclenche la révolte populaire pendant que les principaux dirigeants des syndicats étaient terrés dans la clandestinité. Au même moment, le chef de l’Etat décrète l’Etat d’urgence.

Le 2 janvier, l’armée, la police et la gendarmerie ont la charge du maintien de l’ordre public. Elle réprime une manifestation à la Bourse du Travail. Le 3 Janvier 1966, la rue à raison du régime de Maurice Yaméogo.

Le locataire du palais présidentiel de Koulouba tente de revenir à la raison à travers une déclaration mais le peuple ne voulait plus rien entendre sauf son départ.

Une bonne frange appelle l’armée au pouvoir. Ce qui va se réaliser après que le président de la République ait rendu sa démission.

Ainsi le lieutenant-colonel Sangoulé Lamizana qui ne s’appelait pas encore Aboubacar, l’officier le plus ancien dans le grade élevé fut désigné pour assurer la Transition.

Refus de la bouée de sauvetage de Houphouët

C’est l’extrême assurance qui a perdu Maurice Yaméogo. Le président Félix Houphouët Boigny, son ami qui avait vent des difficultés financières de la Haute-Volta lui avait proposé un scénario de sortie de cette problématique.

Il indiquait ceci au président de la Première République de la Haute-Volta : « Mon cher Maurice, j’ai été député de la Haute-Volta. Je connais le pays. J’y ai des fidèles amis qui sont toujours en relation constante avec moi. Ils me renseignent. Tu as un problème que nous pouvons résoudre. Dans tes finances, il y a un trou de dix à vingt milliards. Tu ne surmonteras pas tes difficultés, présentes et prochaines si le trou n’est pas comblé. Si tu partages mes analyses et ma façon de voir les choses, tu me permettras alors de convoquer le bureau politique de notre parti. Nous te consentirons un prêt de vingt milliards. Qu’en penses-tu ? »

Maurice en guise de réponse a refusé la bouée de sauvetage du bélier de Yamoussokro. Il dit à Houphouët : « Mon cher Félix, c’est vrai, tu connais fort bien la Haute-Volta et ses hommes. Après Noël je vais rentrer à Ouagadougou. Je connais mon monde. Un groupuscule de politiciens, jaloux et aigris, et menés par Joseph Ouédraogo se remuent. Ce ne sont que des agitateurs qui se disent syndicalistes. Dès mon retour, je vais procéder à un vaste remaniement ministériel : tous les mous seront écartés. Puis je vais faire adopter des mesures d’austérité. Les fonctionnaires et les assimilés, en Haute-Volta sont des privilégiés par rapport à la masse. Il faut qu’ils acceptent des abattements de l’ordre de 20% . Nous devons accepter mon cher Félix, de vivre avec nos moyens. Autrement nous allons chuter dans la mendicité. »

Après le 3 janvier 1966 et après qu’on ait ramené l’ancien président Maurice Yaméogo dans sa ville Natale à Koudougou, il a tenté de se suicider mais grâce à la prompte réaction de l’exécutif avec à sa tête le président Lamizana, les médecins ont été appelés à sa rescousse. C’est ainsi qu’il a eu la vie sauve.

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