En 2019, des déplacés internes fuyant des attaques terroristes dans certaines localités du pays ont pris d’assaut Ouagadougou et ont trouvé refuge dans des écoles de Pazani, un quartier non loti de l’arrondissement 9 de la capitale du Burkina. 4 ans après, que sont-ils devenues ? Libreinfo s’est mis sur les traces des PDI de Pazani.
Par Mahomed Nitiema ( Stagiaire)
Vendredi 26 mai 2023. Il est 8 heures. Le soleil se lève sur Pazani, ce quartier non loti de Ouagadougou qui abritait les Personnes Déplacées Internes ( PDI). Mais, ce jour-là, aucune trace de PDI sur un quelconque site comme nous en avions vu en 2019.
« Le gouvernement n’a jamais construit un camp de réfugiés à Pazani » informe un résident du quartier. Face à notre étonnement, il nous indique de loin une mosquée. « Là bas, vous avez la chance de rencontrer des PDI » conseille notre interlocuteur.
Quelques minutes de marche et nous voici devant une mosquée majestueusement dressée au milieu des habitations dont la promiscuité rappelle les tristes réalités des non lotis. Combien de temps devrions nous attendre encore pour rencontrer le représentant des PDI ? Une minute ? 10 minutes ?
Finalement, au bout d’une trentaine de minutes d’attente, un septuagénaire s’avance vers nous. C’est le représentant des PDI de Pazani. Il s’appelle Oumarou.
La mésaventure des PDI de Pazani
Avec lui, nous avons eu confirmation que le gouvernement n’a jamais construit un camp de réfugiés ici ( Ndlr : Pazani ), il n’y a jamais eu non plus un site officiel pour réfugiés.
Lorsque nous avions exprimé le besoin, explique Oumarou, le gouvernement avait catégoriquement refusé sous prétexte que les PDI seront une porte d’entrée pour les terroristes à Ouagadougou.
« Nous, on va servir de voie d’entrée pour les terroristes dans la capitale Ouagadougou. Voilà ce que les membres du gouvernement ont dit » se désole le représentant des PDI.
La suite a été un drame dans l’indifférence totale, soutient notre interlocuteur puisque « les membres du gouvernement d’alors nous ont signifiés de retourner à Bassalgho ou Foubé où des sites ont été aménagés pour nous accueillir » se souvient-il
« Notre refus de retourner dans ces deux localités où sévissent les groupes terroristes nous ont valu une descente « musclée » des autorités gouvernementales à Pazani.
« Elles ont enfermé deux de nos concitoyens ( El Hadj Moumouni Sawadogo et Bassirou Sawadogo) pendant une semaine au commissariat » en guise de sanction pour briser toute résistance au sein des PDI.
Après cela : « elles sont revenues prendre les citernes qui nous servaient de l’eau à boire » déplore le septuagénaire qui explique que le gouvernement d’alors avait réussi à effrayer tout le monde et « ceux d’entre nous qui sont repartis vers ces deux localités ( Ndlr : Bassalgho ou Foubé) ont péri dans des attaques ou ont été portés disparus. » révèle Oumarou
Quid des écoles qui abritaient les PDI !
Évidemment, « à notre arrivée, ce sont des salles de classe des écoles qui nous abritaient » confirme le représentant des PDI, Oumarou qui rappelle que c’était pendant la période des vacances.
Seulement, voilà : « A la rentrée des classes, nous avons été sommés de libérer ces écoles ». Il marque une pause comme s’il avait oublié la suite de l’histoire et d’un coup, il nous confie : « C’est en ce moment précis que nous avons demandé au gouvernement de nous reloger et il nous ont dit de s’en aller d’ici ».
Délaissées, les Personnes Déplacées Internes ( PDI) de Pazani ont « vidé » les salles de classe en faisant contre mauvaise fortune, bon cœur.
Des PDI livrées à elles-mêmes.
« Nous voici, face à une autre réalité. Dormir, se nourrir, se vêtir constituent un autre chemin de croix. » explique le représentant des PDI de Pazani qui indique que la situation était devenue infernale. C’était « un sauve qui peut » a-t-il ajouté.
Aminata, la seule femme qui a accepté se confier à libreinfo.net, explique que pour subvenir à leurs besoins et s’ assurer de quoi manger, la majorité des femmes ramassent du sable pendant que d’autres se promènent à longueur de journée à la recherche des vêtements à laver.
« Je ramassais le sable , maintenant j’ai laissé avec mon âge c’est difficile. Je vends du charbon, le savon liquide et je ramasse les sachets plastiques pour vendre » dit-elle.
Et à la question de savoir les difficultés auxquelles, elle font surtout face, Aminata répond sur le vif : « C’est le logement qui cause problème, beaucoup d’entre nous n’ont pas d’abris. J’ai eu une maison où le propriétaire me demande de l’argent à la fin du mois; c’est une maison sans toilette, ni WC …»
La situation des élèves PDI
Ils se comptent sur le bout du doigt, ces enfants PDI qui s’intéressent encore à l’école.
Selon Oumarou Sawadogo, la plupart des jeunes élèves sont partis sur les sites d’orpaillage…. « L’école a longtemps cessé d’être une priorité » affirme-t-il.
Ali Tapsoba le responsable des PDI, abonde dans le même sens . Pire, les quelques-uns qui s’efforcent à se rendre à l’école « n’ont pas bénéficié du programme scolaire d’urgence du gouvernement » lorsque nous le lui avons demandé
Sur les lieux, on retrouve quelques élèves qui sont pour la plupart du primaire.
Le fondateur de l’école primaire Kougnonlê, Gouba B. Tite, dit avoir enregistré à titre gratuit, 80 élèves dans son établissement scolaire en 2020.
Selon lui, les élèves PDI se débrouillent comme tous les autres apprenants mais il faut avouer que certains élèves PDI ne sont pas préparés à recevoir des cours. «Ils sont en classe physiquement mais leur esprit est ailleurs, ils sont un peu traumatisés».
Toutefois, il a reconnu que certains de ces élèves se distinguent et fournissent assez d’efforts.« Le premier et le deuxième de la classe de CM2 sont des élèves PDI » a conclu M. Gouba.