Au Burkina Faso, les propos de certaines autorités sur des sujets importants sont « démentis » publiquement. Les derniers en date sont ceux de la famille Sankara et du Conseil supérieur de la magistrature, concernant une déclaration du premier ministre Albert Ouédraogo. Celui-ci avait affirmé le 23 août 2022 lors d’une émission à la télévision nationale que la famille de Thomas Sankara et le Conseil supérieur de la magistrature ont été approchés pour le retour de Blaise Compaoré le 8 juillet dernier. Ces propos ont été rejetés par les deux ci-cités. Ce n’est pas la première fois que les déclarations des membres de l’exécutif sont réfutées.
Par Tatiana Kaboré
Tout a commencé par le ministre des Affaires coutumières et religieuses, Issaka Sourwema.
Le 24 juillet, dans un communiqué, il déclarait que l’Imam de Gon-Bousgou dans la région du Centre-Sud, Abdallah Bancé, « aurait exprimé sa désapprobation de voir les femmes de sa communauté religieuse se faire consulter par des agents des services de santé de l’État ».
Le ministre dans sa lettre devenue virale sur la toile accusait le leader religieux d’avoir tenu des propos « extrémistes ».
Une accusation que la Fédération des associations islamiques du Burkina (FAIB) avait rejetée déclarant que « les accusations du ministre contre les propos de l’Imam ne sont pas conformes à la réalité ».
Après intervention du premier ministre Albert Ouédraogo sur le sujet, le ministre Issaka Sourwema a reconnu avoir fauté et s’est excusé auprès de l’Imam de la mosquée sunnite de Gon-Boussougou.
Il est même allé à la rencontre de l’Imam avec une délégation pour faire son mea culpa devant la communauté religieuse à Gon-Bousgou.
Le 12 août 2022, lors d’une conférence de presse, le ministre de la Cohésion sociale et de la Réconciliation nationale, Yéro Boly a fait savoir que les actions du gouvernement dans la lutte contre le terrorisme ont conduit à un retour progressif des populations dans certaines localités notamment à Thiou dans la province du Yatenga, region du Nord.
«Dans certaines provinces, les marchés hebdomadaires qui ont souvent lieu tous les trois jours, sont déjà ouverts et fonctionnels et les populations les fréquentent», avait déclaré le ministre.
Cependant, les personnes déplacées internes de la commune de Thiou, ayant trouvé refuge à Ouahigouya, ont démenti l’affirmation.
Ces personnes ont manifesté leur mécontentement suite aux propos du ministre d’Etat en se rendant même à la résidence du Naaba Kiba, roi du Yatenga pour lui faire savoir.
«Ce n’est pas dans le mensonge que le gouvernement va lutter contre l’insécurité. Aucun ressortissant de Thiou n’est reparti », avaient déclaré ces déplacés internes au journal Le Pays.
Après le démenti des propos des ministres Yéro Boly et Issaka Sourwema, c’est le tour du Chef du gouvernement Albert Ouédraogo, himself de rentrer dans le cercle des membres de l’exécutif ayant tenu des propos erronés.
En effet, le 23 août dernier, lors d’un entretien à la télévision nationale sur le bilan de ses six mois à la tête de la primature, le chef du gouvernement avait confié qu’avant l’arrivée de Blaise Compaoré, des démarches préalables ont été faites auprès du Conseil supérieur de la magistrature et de la famille du père de la révolution burkinabè Thomas Sankara.
Il a déclaré que la famille Sankara et le Conseil supérieur de la magistrature ont été approchés pour faire part du retour de Blaise Compaoré et de ce qui se préparait.
Une déclaration que la Famille de l’ancien Président Thomas Sankara a rejetée, affirmant ne pas se reconnaître dans les propos du premier ministre Albert Ouédraogo.
«Nous, famille du feu Président Thomas Sankara, venons apporter le démenti sur les propos du Premier Ministre Albert Ouédraogo», pouvait-on lire dans un communiqué.
«Nous n’avons pas été informés d’une quelconque venue de Blaise Compaoré», précise la famille de l’ancien chef d’Etat assassiné le 15 octobre 1987.
Elle déclare à contrario, avoir appris la venue de Blaise Compaoré grâce aux médias comme tout le monde. Toutefois, la famille a reconnu avoir reçu des autorités, mais il n’a pas été question de parler du président Blaise Compaoré.
24 heures après le démenti de la famille Sankara, c’est au tour du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) d’apporter « un démenti » concernant les mêmes propos du premier ministre Albert Ouédraogo.
Le conseil supérieur de la magistrature a dit regretter de ne pouvoir s’associer à cette information du chef du gouvernement.
Ce n’est pas la première fois que cela arrive au Burkina Faso. On se rappelle qu’en avril 2021, l’ancienne ministre de la Santé sous Roch Kaboré, Claudine Lougué affirmait, suite aux polémiques sur le décès pendant la COVID 19, de la députée Rose Marie Compaoré que ses collaborateurs lui ont fait « mentir».
Le premier ministre Albert Ouédraogo, les ministres Issaka Sourwema et Yero Boly ont -ils été induits en erreur par leurs collaborateurs? Suite aux démentis, l’opinion publique fustige de plus en plus les déclarations de l’autorité.
Au vue de toutes ces incompréhensions au sommet de l’Etat, quelle légitimité peuvent désormais donner les dirigeants aux populations? Comme l’a si bien dit le ministre du Commerce, de l’Artisanat et des Petites et Moyennes entreprises, Abdoulaye Tall suite aux rumeurs sur la pénurie d’essence le mercredi 20 avril 2022, “les gens ne croient pas aux paroles des dirigeants”.
Il déclarait ceci « On a la malchance d’être dans une situation où nos concitoyens ne croient pas beaucoup aux paroles de leurs dirigeants».
N’est-ce pas là des raisons pour les citoyens de ne pas croire aux paroles des autorités? Jusque-là, ni le ministre d’Etat, Yéro Boly ou encore le chef du gouvernement n’a répondu aux démentis de la famille Sankara, du Conseil supérieur de la magistrature et aux populations déplacées internes de Thiou.