Dans la ville de Tenkodogo, l’entreprenariat féminin est développé. L’un des exemples, provient des tisseuses sexagénaires de pagnes traditionnels « Faso Dan Fani », qui ont créé leurs propres centres d’apprentissage. Libreinfo.net est allé à leur découverte le 18 février 2022.
Le port du « Faso Dan Fani » est entré dans les habitudes des Burkinabè depuis un certain temps. Le métier de tisseuse de pagnes traditionnels, devient de plus en plus valorisant. Dans la ville de Tenkodogo, des femmes d’un certain âge ont créé des centres d’apprentissage de tissage de pagnes traditionnels « Faso Dan Fani ». En se lançant dans cet entreprenariat, elles participent à la lutte contre la précarité de la femme dans l’employabilité. « Il n’y a pas de sot métier », dit-on.
Dans la ville de Tenkodogo, nous avons rencontré des sexagénaires tisseuses, responsables d’atelier de tissage. La première est Euphrasie Kyelem. Elle est élancée. Elle habite le secteur n°6 de Tenkodogo. Elle est dans le tissage depuis 1981.
Elle est actuellement la responsable section tissage au niveau de la maison de la femme de Tenkodogo. Elle a 65 ans. Elle assure la formation en métier de tissage aux jeunes filles en tant que monitrice. Elle est dans le tissage des pagnes traditionnels « Faso Dan Fani », depuis plus d’une vingtaine d’années.
Après son CEP (Certificat d’Etude Primaire), elle été inscrite dans un collège d’enseignement technique qu’elle a abandonnée par la suite. « C’est par manque d’emploi qu’elle s’est mise dans le tissage, a–t-elle confié. Au-delà, l’apprentissage d’un métier lui portait à cœur.
Elle a ouvert deux centres privés d’apprentissage de tissage de pagnes traditionnels. Elle encadre plus de 32 filles à la maison de la femme et 35 dans ses propres ateliers. Elle dispose de plus d’une trentaine de métiers à tisser.
Tissage de pages traditionnels, métier rentable
Euphrasie Kyelem reconnait également que le métier de tissage de pagnes traditionnels « Faso Dan Fani » est rentable. « Le tissage des pagnes traditionnel est rentable. Si d’aucuns récusent que le métier de tisseuse de pagnes traditionnels n’est pas rentable, nous qui y sommes depuis des années, nous nous réjouissons d’avoir trouvé un bon métier. C’est rentable ».
Evoquant ses difficultés, elle dira que « le marché connait une forte baisse à cause de la maladie à coronavirus et surtout le phénomène du terrorisme au Burkina. Au niveau du coronavirus, il n’y a plus assez de touristes étrangers. Egalement, la fermeture des frontières a aussi impacté négativement sur la vente de nos pagnes.
Deuxièmement, le fil utilisé pour le tissage fabriqué au Burkina connait actuellement une grande rupture alors que la concurrence avec le Ghana est là. Le Ghana a fabriqué son fil et la majorité des tisseuses se sont intéressées à ce produit ».
Les clients préfèrent les pagnes tissés à base des fils issus du coton pur qu’ils payent sans hésitation. Pour cela, elle lance un cri de cœur. « Il faut éviter la rupture de stock du fil à tisser. Pour elle, « même si tu as fait l’école, il est intéressant d’apprendre un métier parallèlement parce qu’en apprenant un métier, tu pourras t’en sortir un jour car rien n’est garanti et tout se complète ».
Elle déclare qu’« avec le tissage, j’arrive à me prendre en charge, ainsi que mes enfants, et mes apprenants ». Elle affirme que ses clients sont nombreux et de tous les horizons. Les fonctionnaires, les commerçants, les revendeurs… Elle exporte également ses produits. Leurs pagnes sont de plusieurs qualités avec des motifs, simples et dessins.
Selon elle, il faut que « les frontières soient ouvertes de part et d’autres. Les pays voisins sont aussi intéressés par nos pagnes traditionnels. La fermeture des frontières ralentit nos marchés et fait chuter notre économie ».
Noëlie Zabsonré gagne sa vie dans le tissage
La deuxième tisseuse que nous avons rencontrée est Noëlie Zabsonré. Elle a commencé le tissage des pagnes traditionnels depuis son enfance à l’âge de 15 ans. Aujourd’hui, elle a 61 ans. Elle a été simplement attirée par le plaisir du métier. Elle dispose de 35 métiers à tisser et encadre 38 apprenantes.
C’est parce que le tissage des pagnes traditionnels est rentable qu’elle a son atelier d’apprentissage. Elle dira que « du tissage, pour être sincère et honnête, je dirai que je gagne ma vie. J’ai commencé avec un seul métier à tisser. Mais vu que l’activité prospérait, j’ai pu m’acquérir d’autres métiers et ainsi de suite jusqu’à l’heure actuelle où je dispose de 35 métiers à tisser ».
Ces clients proviennent de divers horizons également. « Nos clients sont constitués majoritairement des Burkinabè qui préfèrent maintenant s’habiller en Faso Dan Fani. Des Ivoiriens aussi venaient s’en procurer avant la fermeture des frontières. Nous avons aussi des clients au Benin et au Togo ». Elle a ouvert une vitrine qu’elle expose ses pagnes.
Elle abandonne l’école en 5e et commence le tissage en 1983
La troisième fut une vieille femme. Elle est âgée de 69 ans. Elle habite également le secteur n°6. Elle est dans le tissage des pagnes traditionnels depuis 1983. C’était après avoir abandonné l’école en classe de 5e pour des raisons sociales.
C’est un hangar dressé devant son domicile qui sert d’atelier d’apprentissage. Elle dispose de 10 métiers à tisser. Là, 9 filles sont en apprentissage sous sa conduite. Elle-même, est installée à l’intérieur de sa cour. C’était sous un arbre ombrageux. Elle a les cheveux tout blanc. Sereinement assise sur son métier à tisser, elle a laissé entendre que « ce métier m’a rapporté beaucoup d’argent parce que j’ai pu payer plus de métiers à tisser ». Elle ajoute que « le tissage est un métier rentable ».
Elle précise que « Si tu travailles bien dans ça, tu peux nourrir ta famille, t’occuper de tes enfants, aidé ton mari à payer les frais de scolarité des enfants, t’occuper de toi-même, et de la famille ». Pour cela, elle donne des conseils. « Je conseille à mes petites sœurs et mes enfants, même mes petites-filles de s’intéresser au métier de tisseuse et bien mener cette activité car c’est très rentable ».
Son travail consiste ici à acheter le fil cru, puis mouiller, teindre, faire ressortir le motif avant d’entamer le tissage proprement dit pour en confectionner un pagne à la satisfaction des clients. Ses clients viennent de partout. Il y a Tenkodogo, Ouaga, Côte d’ivoire et Lomé.
Elle déplore que « la crise sécuritaire que vit le pays, a fortement fait chuter son marché et qu’avec le phénomène de djihadisme, elle a perdu ses clients en provenance de Fada et Pouytenga ». Elle reconnait toutefois qu’elle rencontre des difficultés de financements malgré le soutien d’une association avec des prêts remboursables à tempérament par moments qu’elle bénéficie. Elle se dit « vouloir que son tissage soit de qualité ». Elle a des motifs de pagnes de toutes sortes de qualité.
« Des motifs de couleur unique, de couleur rayée, avec dessin et simple ». Elle a tenu à lancer un appel. « Je lance mon appel aux jeunes femmes, aux jeunes filles même aux jeunes garçons qu’il n’y a pas un sot métier. Nous ne sommes pas nés dans le tissage. Ça s’apprend. Qu’ils viennent vers nous apprendre, deux ans trois ans, ils pourront être autonomes un jour ; travailler pour leur propre compte, se nourrir, se vêtir plutôt que de quémander ».
Au-delà de ces sexagénaires, nous avons rencontré la jeune tisseuse Julienne Balima. Elle est au secteur 4 de Tenkodogo. Elle a 30 ans. Son atelier de tissage est un petit un hangar de 10 tôles. Elle l’a ouvert dans la cour paternelle. « C’est quand j’avais l’âge de 16 ans que mon père m’a confiée à une tante tisseuse pour un apprentissage » a-t-elle laissé entendre.
Elle dit s’inspirer de l’exemple des sexagénaires ci-dessus citées qu’elle connait très bien pour créer son propre atelier. « Comme j’ai acquis des connaissances et après mon mariage, j’ai créé mon propre atelier de tissage de pagnes traditionnels ». Encore que « Euphrasie, Mme Zabsonré et ma tante sont toujours dans le métier malgré leur âge, cela m’inspire ».
Son atelier dispose de 6 métiers à tisser. Elle conclut que « C’est la débrouillardise ». Le visage plein d’espoir, elle révèle que « C’est la précarité de l’emploi qui m’a conduit à m’intéresser au métier de tisseuse. En plus c’est un bon métier, très rentable. Voilà pourquoi, je me suis lancée dans cette activité ».