Le président togolais Faure Gnassingbé est devenu au fil des années, une personnalité visiblement incontournable dans la gestion des crises, grâce à une puissante diplomatie basée sur une médiation à succès. Il est parfois sollicité pour mettre fin aux rififis entre États surtout en Afrique de l’Ouest.
Par Nicolas Bazié
« Lomé, capitale de la paix, de la médiation, du dialogue et de la tolérance». C’est ce slogan qui guide sans doute la diplomatie togolaise axée sur la médiation dans les crises régionales ou sous-régionales.
Le président Faure Gnassingbé est devenu ainsi l’un des dirigeants en Afrique de l’Ouest qui joue un rôle clé dans les relations entre les États. Ses homologues n’hésitent pas à le solliciter pour régler quelques mésententes. C’est ce qui s’est passé le 29 novembre 2024. C’est lui qui est intervenu personnellement pour faire libérer les deux gendarmes ivoiriens qui avaient été arrêtés au Burkina depuis le 19 septembre 2023. Cette situation avait fragilisé davantage les relations entre le Burkina et son voisin la Côte d’Ivoire.
Les 49 soldats ivoiriens…
Lorsque les 49 militaires ivoiriens ont été arrêtés le 10 janvier 2022, à l’aéroport international Modibo keïta de Bamako, accusés de mercenariat, il a fallu la diplomatie togolaise pour mettre fin à la crise entre le Mali et la Côte d’Ivoire.
Pendant que le ministre togolais des Affaires étrangères, Robert Dussey, faisait des va-et-vient entre Lomé et Bamako pour négocier les autorités maliennes, le président Faure Gnassingbé recevait parallèlement à Lomé des délégations ivoiriennes qui avaient placé leur espoir en lui pour parvenir à un dénouement heureux de la situation.
Le chef de l’État malien, le général d’armée Assimi Goïta, accorde, le 6 janvier 2023, une grâce présidentielle avec remise totale de peine aux 49 soldats ivoiriens, après 5 mois et 26 jours de détention.
À noter que ces soldats ont comparu en justice pour les infractions suivantes : « de crimes d’attentat et de complot contre le Gouvernement ; atteinte à la sûreté extérieure de l’Etat ; détention, port et transport d’armes et de munitions de guerre ou de défense intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle et collective ayant pour but de troubler l’ordre public par l’intimidation ou la terreur ».
Le bras de fer avec la CEDEAO
Après le coup d’État du 26 juillet 2023 contre le régime de Mohamed Bazoum, les relations entre le Niger et la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) se sont dégradées et atteint même un niveau critique.
Alors que l’instance sous-régionale voulait activer sa force en attente pour intervenir militairement au Niger afin de remettre le président Bazoum au pouvoir, le Burkina et le Mali ont menacé de se lancer dans « une guerre » en réponse à cette intervention.
Au 64e Sommet extraordinaire des chefs d’États de la CEDEAO, le président Faure Gnassingbé est désigné pour mettre en action sa puissance diplomatique. Il devient donc le médiateur ou, du moins, le facilitateur entre le Niger et une CEDEAO en souffrance qui n’a pas besoin d’en rajouter en provoquant une guerre dont l’issue est inconnue.
Le 24 février 2024, lors d’un sommet extraordinaire décisif à Abuja au Nigeria, le président togolais aurait même tapé du poing sur la table déclarant que « la levée des sanctions sur le Niger doit se faire sans conditions ».
La fermeté du président Faure a eu un effet inouï, parce qu’à l’ouverture des discussions, le président nigérian Ahmed Bola Tinubu, par ailleurs président en exercice de la CEDEAO, a d’emblée demandé à ce que l’on aborde « les questions (sur la table des discussions, ndlr) avec un sentiment d’unité et d’engagement envers le bien-être de la population ».
Selon lui, « la complexité des enjeux nécessite une approche globale et collaborative » et il faut nécessairement exercer, en l’espèce, « un jugement prudent », fait-il savoir.
N’ayant plus de moyens de pression sur les autorités nigériennes, l’organisation sous-régionale a fini par lever les sanctions. Elle a préféré chercher des moyens de collaboration pour espérer se racheter de ses péchés et préserver l’unité et la cohésion en son sein.
S’il y a une chose qui a «terni» l’image de cette CEDEAO, c’est bien ces sanctions prises en violation flagrante de ses propres textes comme l’article 68 du chapitre 13 du Traité révisé de 2010 ; l’article 45 du protocole additionnel de 1999 sur la démocratie et la bonne gouvernance ou la Convention de Vienne de 1969 sur les droits des traités.
Si l’on fait appel à Faure Gnassingbé pour gérer les crises, c’est bien parce qu’il est écouté par les chefs d’États de la Confédération de l’Alliance des États du Sahel (AES).
Que ce soit le Capitaine Ibrahim Traoré du Burkina, le Général d’armée Assimi Goïta du Mali ou le Général de brigade Abdourahamane Tiani du Niger, tous écoutent le « jeune doyen » du Togo. Pourquoi ? Pendant que tous les pays membres de la CEDEAO ont décidé de mettre en application les sanctions, le Togo, quant à lui, plutôt que de suivre la tendance, a préféré entretenir une relation plus ou moins floue avec les trois pays. Presque toutes leurs marchandises transitent désormais par ce petit pays coincé entre le Bénin et le Ghana mais qui fait frontière au Nord avec le Burkina.
Un héritage….
La méditation, Faure Gnassingbé l’a héritée de son père, le Général Etienne Eyadema Gnassingbé. C’est après sa mort que son fils Faure prend le pouvoir en 2005. Malgré les tempêtes internes qui le secouent souvent, Faure est toujours resté … fort jusqu’à ce jour.
Médiateur au Biafra, au Liberia, en Sierra Leone, en Guinée-Bissau, au Tchad, en Côte d’Ivoire… le père semble avoir enseigné à son fils le talent de la médiation au fur et à mesure des fonctions que ce dernier a occupées : conseiller du président, ministre et député puis dauphin.