Réunis au sein d’un Think Tank professionnel dénommé ‘’AVOVID-19’’, des avocats burkinabè, au nombre de treize dont Me Batibié Benao, Me Samuel Ibrahim Guitanga, Me Antoine P. Kaboré, entendent apporter leurs contributions à la gestion de la pandémie du Covid-19, notamment sur le plan juridique. Dans ce sens, ils ont produit leur premier rapport dont Libreinfo.net a obtenu copie. C’est un rapport d’audit juridique comportant aussi bien l’analyse des mesures prises dans le cadre de la gestion du Covid-19, que l’expression de la disponibilité de ses auteurs à contribuer au renforcement de l’Etat de droit dans ce contexte de crise pandémique qui a apparemment affecté la sérénité de nos dirigeants.
Par la Rédaction
Partant du constat que les autorités burkinabé ont, dès le début de la pandémie, pris des mesures relatives au couvre-feu, à la fermeture des écoles et institutions universitaires, à la fermeture des marchés et yaars, à la mise en quarantaine des villes touchées, à la limitation des conséquences socio-économiques de la crise, Me Benao et ses confrères trouvent que le « droit n’est (…) pas étranger à la pandémie de la COVID-19 » dans notre pays.
Mais, relèvent-ils, ces mesures ont été prises « le plus souvent de manière hâtive et sans une analyse approfondie de toutes les implications, notamment juridiques ». Or, même en cas d’urgence, les mesures nécessaires « doivent rester conformes à des exigences juridiques minimales aussi bien dans le fond que dans la forme ». Il s’agit notamment d’exigences de légalité qui voudraient que les mesures à prendre soient conformes aux normes juridiques relatives aux situations de crise. La soumission à ces exigences est gage, non seulement de sécurité sur le plan juridique de sorte que ces mesures ne puissent pas exposer l’Etat à une éventuelle condamnation devant les juridictions, mais aussi d’efficacité sur le plan opérationnel. Telle est du moins, la conviction des membres du Think Tank ‘’AVOVID-19’’.
Des mesures sans base juridique confortable
Concernant le décret ayant institué le couvre-feu, ces praticiens du droit trouvent qu’il devrait intervenir à la suite de l’adoption – par l’Assemblée nationale – d’une loi consacrant l’état d’urgence ou l’état d’exception, ou encore d’une loi d’habilitation limitée à domaines bien énumérés et encadrée dans un délai précis. Ils déplorent alors le manque de base juridique conséquente au couvre-feu. Selon eux, il en va de même pour les mesures relatives à la fermeture des frontières, à la fermeture des marchés et yaars, à l’interdiction des rassemblements, à la mise en quarantaine des villes qui, du reste, ne peuvent pas se justifier valablement par le décret instituant l’état d’alerte sanitaire. Annoncé sur le fondement du Code de la santé publique, Me Benao et ses confrères trouvent que ce décret aussi « n’est pas conforme à ce qui est prévu par le Code de la santé publique ».
Pourtant, selon eux, la loi 023-2019 portant réglementation de l’état de siège et de l’état d’urgence au Burkina Faso, même si elle ne couvre pas expressément toutes les situations d’urgence, aurait pu servir de « base juridique suffisante pour décréter l’état d’urgence sanitaire » ; et ce, conformément ensuite à l’article 58 de la Constitution qui dispose que : « Le Président du Faso décrète, après délibération en Conseil des ministres, l’état de siège et l’état d’urgence ».
Au-delà de l’absence de base juridique confortable au regard de la législation nationale, la non-conformité des mesures par rapport aux textes juridiques internationaux – comme le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) – qui lient notre pays, inquiètent les membres du Think Tank ‘’AVOVID-19’’.
En plus de cette inquiétude, la conviction des avocats semble établie que la riposte contre le Covid-19 « ne peut être rigoureusement réalisée sans la prescription des règles juridiques pertinentes et l’agencement harmonieux desdites règles ». D’où, l’expression de leur disponibilité « à préparer les avant-projets de textes de crise nécessaires pour régir légalement et constitutionnellement la situation que traverse le Burkina Faso » ; et ce, « à titre gracieux » ; avec la seule motivation tenant à « la conviction d’avoir rendu service » à leur pays.