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Tribune: Guillaume Kigbafori SORO en visite au Niger, bravade ou bravoure politique ?

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Ceci est une tribune du Dr. Jean-Baptiste GUIATIN, conseiller des affaires étrangères.

Avec la bonne nouvelle de la reprise de la ville de Kidal par les forces armées maliennes des mains des rebelles Touaregs et groupes terroristes affiliés à Al Qaida, un événement est passé presque inaperçu : la visite de Son Excellence Monsieur Guillaume K. SORO au Niger. Qu’est-ce qui pourrait expliquer une telle sortie ?

Tout récemment, l’ancien président de l’Assemblée nationale ivoirienne aurait échappé à une tentative de kidnapping en Turquie selon les responsables de sa formation politique Génération des Peuples Solidaires (GPS). A part quelques incidents de voyage rapportés souvent par la presse, comme celui de la Turquie, monsieur SORO est resté relativement discret, loin des radars de la presse et des paparazzi. Alors pourquoi est-il réapparu au Niger ? A quel avenir politique peut-il s’attendre en Côte d’Ivoire ? 

Guillaume K. SORO ou le réalisme politique 

Il est bien évident que monsieur SORO connait une véritable traversée de désert depuis quelques années. En effet, depuis 2019 il vit en exil, quelque part en l’Europe et en l’Asie sans que la presse internationale ne puisse nous dire avec exactitude où l’ancien chef rebelle ivoirien réside, depuis qu’il est en délicatesse avec le Président OUATTARA.

Il est moins intéressant d’évoquer ici les raisons de cette disgrâce que de parler du rapprochement de monsieur SORO avec les nouveaux régimes militaires au pouvoir en Afrique de l’Ouest francophone. 

Les raisons qui pourraient justifier la visite de l’ancien premier ministre ivoirien chez le général-président nigérien se résume en cette simple phrase : l’ennemi de mon ennemi est mon ami. Il est bien connu que la scène politique ressemble à un jeu, à une mise en scène dans laquelle les coalitions des acteurs se font et se défont en fonction de leurs identités et de leurs intérêts.

Fouetté par les affres de l’exil et de la nostalgie, probablement inquiet pour son avenir politique, monsieur SORO recherche des alliés surtout internationaux pour toujours garder la tête hors de l’eau et ainsi conserver ses chances présidentielles en Côte d’Ivoire. 

Cependant, l’intérêt d’une seule partie pour le jeu ne suffit pas car il faut être deux pour danser le tango. Alors du côté des nouveaux régimes civilo-militaires au Niger, au Mali et au Burkina un rapprochement avec Guillaume SORO est une belle pique aux autorités ivoiriennes pour leur signifier que la capacité de résistance et de nuisance des nouveaux maitres du Sahel à l’égard de leurs adversaires n’est pas nulle. Comme en témoigne la manière dont les actuels maitres de Bamako ont géré l’affaire des 49 militaires ivoiriens arrêtés au Mali.

Au-delà de la simple pique, un rapprochement avec monsieur SORO peut beaucoup rapporter dans la mesure où ce dernier, du fait de son expérience syndicale et politique, est un fin connaisseur et acteur de la scène politique ivoirienne, mais aussi un acteur aux multiples carnets d’adresse à l’international, ce qui pourrait expliquer sa résilience face à la traque dont il se dit victime. 

Une petite remarque s’impose. On constate que monsieur SORO semble plus proche de Bamako et de Niamey que de Ouagadougou. Sa distance avec Ouagadougou s’explique par l’existence d’un passif de l’insurrection de 2014 à son égard.

En effet, suite au coup d’Etat du Général Diendéré en septembre 2015 un mandat d’arrêt international avait été lancé contre monsieur SORO, alors président de l’Assemblée nationale ivoirienne.

Certes, ce mandat d’arrêt a été par la suite annulé, mais il ne faut pas oublier que ce sont les insurgés de 2014 et leurs sympathisants qui sont actuellement au pouvoir à Ouagadougou.

Dans tous les cas, cette distance peut être effacée dans la mesure où la dynamique actuelle en Afrique de l’Ouest a réuni les trois pays – Burkina Faso, Mali, Niger – dans une coalition de cause. Par l’intermédiaire de ses amis nigériens et maliens, monsieur SORO pourrait prendre langue avec les maîtres de Ouagadougou. 

En conclusion, aux yeux des nouveaux maitres du Sahel monsieur SORO est un possible couteau utile. Convaincu donc qu’il peut toujours être utile et conserver ses chances pour le fauteuil présidentiel en Côte d’Ivoire, monsieur SORO croit dur comme le fer qu’il dispose toujours d’un avenir politique dans son pays, et pourquoi pas en Afrique. Alors une question se pose : quels sont ses atouts ? 

Un éléphant reste toujours un éléphant, même amaigri

Lors de sa toute récente visite au Niger, l’ancien président de l’Assemblée nationale ivoirienne est apparu bien amaigri. Ses détracteurs ont peut-être vite fait de conclure que c’est le début de sa fin. Qu’ils se détrompent ! Son Excellence dispose toujours des formidables atouts qu’il n’hésitera pas capitaliser en temps opportun, fin homme politique qu’il est. Ces atouts semblent nombreux, mais on pourrait se hasarder à en citer trois. 

D’abord, on peut évoquer son expérience politique et sa relative jeunesse par rapport à ses adversaires principaux. Pour rappel, la scène politique ivoirienne est dominée depuis la mort d’Houphouët-Boigny par les trois grands : Henri Konan Bédié (qui vient de décéder), Laurent Gbagbo (qui vient d’être acquitté par la Cour pénale internationale pour crimes de guerre lors des violences post-électorales de 2011), et Alassane Ouattara (président de la Côte d’Ivoire depuis 2011).

Derrière ce trio se trouve une génération de jeunes loups aux dents longues, servant souvent de second couteau au trio. Guillaume K. SORO relève de cette génération de jeunes hommes politiques qui ont beaucoup appris auprès des trois aînés. En outre, par rapport à son rival actuel – le Président OUATTARA, son ancien mentor – il dispose des atouts de la jeunesse et de la fougue de la revanche. En fait, il n’a que 51 ans et peut toujours attendre le bon moment. 

Ensuite, il semble disposer d’un bon carnet d’adresses diversifié à l’international. Un simple clin d’œil à la presse internationale, notamment Jeune Afrique, et vous pouvez vous convaincre de la qualité du réseau de monsieur SORO : les photos avec Poutine de la Russie, Erdogan de la Turquie, certains dirigeants arabes, etc. 

Enfin, contrairement à son principal rival, le Président OUATTARA, qui a perdu ses appuis en Afrique de l’Ouest avec la chute de Kaboré au Burkina, Ibrahim Boubacar Keita au Mali, et Alpha Condé en Guinée, son positionnement diplomatique est en phase avec le contexte ouest africain francophone du moment.

En effet, monsieur SORO est, depuis qu’il n’est plus aux affaires, assez critique vis-à-vis de la France. Or cette dernière fait face, depuis l’avènement du terrorisme au Sahel, à un sentiment anti-français en Afrique de l’Ouest que tout futur aspirant au pouvoir au Sahel tente de capitaliser. Ses déboires avec les autorités françaises s’expliqueraient, selon certains analystes, par ses prises de position jugées inacceptables par le président français Emmanuel MACRON et son équipe. 

Au vu de ses atouts et du redimensionnement politico-diplomatique que connait le Sahel, il est trop tôt d’enterrer l’avenir politique de Son Excellence Monsieur Guillaume K. SORO en Côte d’Ivoire. En cela, sa récente apparition au Niger est plus une bravoure politique qu’une simple bravade. 

Dr. Jean-Baptiste GUIATIN

Fulbright 2016

Conseiller des affaires étrangères

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