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Guinée : Vous avez dit nouvelle Constitution ?

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Le Conseil national de Transition de Guinée a présenté, fin juillet, l’avant-projet de la nouvelle Constitution que le pays ambitionne de se donner, avant de publier le texte le 13 août dernier. Et l’on s’éloigne d’un recours à la vie constitutionnelle initialement fixé pour la fin de cette année. D’autant que les autorités militaires qui dirigent le pays depuis septembre 2021 ont ouvertement annoncé ne pas pouvoir respecter le calendrier établi pour marquer la fin de la Transition. Et pour cause, on n’en est qu’au premier acte des dix commandements que la junte a elle-même fixés… 

Par Serge Mathias Tomondji

Après le Gabon il y a quelques semaines, la Guinée vient de donner le la de la refonte de son architecture institutionnelle. Un nouveau projet de Constitution est ainsi dans les starting-blocks du processus référendaire qui doit consacrer, d’ici à la fin de l’année, la mise en place de la sixième République. Présentée fin juillet 2024, l’avant-projet de cette Loi fondamentale compte 205 articles.

Si l’esquisse gabonaise ne rassemble… que 150 articles, la démarche vers le référendum constitutionnel, qui aura vraisemblablement lieu en décembre 2024 dans les deux pays, offre quelques similitudes. Sans doute parce que, dans la forme, le Gabon et la Guinée sont aujourd’hui gouvernés par une Transition militaire, suite à des putschs diversement appréciés. Ensuite parce que, dans le fond, les deux pays proposent un Parlement bicaméral pour gérer le pouvoir législatif.

Ainsi, trois années après le coup d’État du 5 septembre 2021, la Guinée effeuille un programme de Transition plutôt flou, le terme de fin décembre 2024 initialement indiqué pour transférer le pouvoir aux civils étant fermement compromis. Il faudra d’abord organiser le référendum pour adopter la nouvelle Constitution, gérer les questions relatives au code électoral avant, sans doute en se hâtant lentement, de penser à une élection présidentielle qui fermera la parenthèse de la Transition.

Engagement en pointillés…

Le retour à l’ordre constitutionnel s’écrit donc plus que jamais en pointillés en Guinée, la junte militaire au pouvoir ayant déjà fait savoir que le rendez-vous de fin 2024 ne pourra pas être tenu. D’ailleurs, le Premier ministre, Amadou Oury Bah, s’est refusé, en juin dernier, à garantir que des élections se tiendraient en 2025. Après le référendum, a-t-il notamment indiqué, « tout le reste pourra se faire de manière concertée, parce que les conditionnalités les plus difficiles seront derrière nous à partir de ce moment-là ».

Ce glissement de fait n’est pas du goût des acteurs de la société civile guinéenne qui bandent déjà leurs muscles afin de contraindre le pouvoir militaire à respecter les engagements qu’il a pris avec la Cedeao (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest), et qui fixait la fin de la Transition au mois de décembre 2024. « Nous avons estimé qu’il était temps d’exprimer notre opposition à toute prolongation de la Transition », a ainsi martelé, le 21 mai dernier, Ibrahima Diallo, l’une des voix fortes de la société civile guinéenne.

Au-delà de cette querelle de fond sur le calendrier de la Transition, s’invite un débat non moins crucial sur la candidature de l’actuel chef de l’État, le général Mamadi Doumbouya. Alors que la charte de la Transition prescrit que ses acteurs ne pourront pas solliciter des mandats électifs, la nouvelle Constitution leur en ouvre plutôt la voie. Une dualité qui entretient le flou autour des réelles intentions des militaires actuellement au pouvoir, et qui nourrit bien des protestations dans le pays de Sékou Touré.

Réelles préoccupations

Les forces vives entendent ainsi élever leurs réprobations sur la marche du pays à travers diverses manifestations, qui sont restées jusque-là timides. Accusée de vouloir confisquer le pouvoir, la junte guinéenne boit actuellement son petit lait et entend dérouler son agenda politique, sans doute envers et contre tous. L’appel des principaux partis d’opposition et d’organisations de la société civile pour une opération ville morte le 12 août dernier n’a ainsi pas mobilisé la rue conakryka. 

Cette action visait notamment à « exiger la libération inconditionnelle et immédiate de Foniké Mengué et de Mamadou Billo Bah, deux leaders du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), enlevés le 9 juillet dernier par un groupe mixte de gendarmes et de militaires ». Mais aussi, plus généralement, « le retour à l’ordre constitutionnel par l’organisation d’élections inclusives et transparentes avant le 31 décembre 2024 ».

Ces préoccupations restent donc sur la table au moment où le pouvoir présente l’avant-projet de Constitution qu’il compte faire adopter en décembre prochain. Et là encore, sur le fond, plusieurs dispositions font débat. Notamment le choix du bicaméralisme, l’instauration d’un système de parrainage pour l’élection présidentielle et le plafonnage de l’âge des candidats à 80 ans. En clair, si au niveau plancher un jeune de 35 ans peut briguer la magistrature suprême en Guinée, il est également permis aux octogénaires de faire acte de candidature. 

En tout état de cause, le président du Conseil national de la Transition, Dansa Kourouma, a vanté le « souci ardent de l’inclusivité nationale entretenu tout au long du processus d’élaboration de ce document historique, un dialogue ouvert et permanent avec toutes les composantes de la nation ». Un texte qui consacre, entre autres, à part le bicaméralisme parlementaire avec l’introduction d’un sénat, « l’éducation gratuite jusqu’à l’âge de 16 ans » et « le service militaire obligatoire à partir de 18 ans, selon les règles définies par l’État ».

Monsieur le Président !

De même, l’avant-projet de la nouvelle Constitution de la République de Guinée ambitionne, assurent ses concepteurs, de renforcer l’indépendance judiciaire et de réorganiser l’espace partisan, notamment avec « l’introduction de la candidature indépendante aux élections nationales (à l’exception de la proportionnelle), afin de réduire l’hégémonie des partis politiques et de recentrer les citoyens au cœur de la vie politique ».

Bien évidemment, on regarde aussi, et surtout, les pouvoirs dévolus au président de la République dans cette Constitution. Pour les rédacteurs du texte fondamental, les attributions du premier magistrat du pays sont désormais encadrées et limitées. Sans compter, ajoutent-ils, une « clarification de ses relations avec les pouvoirs législatif et judiciaire pour éviter un présidentialisme renforcé ».

Ainsi par exemple, et contrairement à la Constitution de 2020 qui stipule en son article 40 que « le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de six (6) ans, renouvelable une fois », la durée du mandat du chef de l’État est ramenée à cinq ans, renouvelable une fois. De plus, précise l’article 44 du nouveau texte, « en aucun cas, nul ne peut, de sa vie, exercer plus de deux mandats de Président de la République. Nul ne peut, de sa vie, faire acte de candidature aux fonctions de Président de la République, après avoir exercé deux mandats de Président de la République ».

C’est sans doute l’un des points positifs de cette nouvelle Loi fondamentale qui doit à présent nourrir encore des débats avant son adoption formelle en décembre prochain. Pendant ce temps, des voix s’élèvent pour réclamer plutôt un retour à la Constitution de 2010. Et estiment même que « la Guinée n’a pas un problème de Constitution mais d’hommes et de femmes capables de respecter les principes de liberté et de démocratie ».

Écouter toutes les voix 

Il y a sans doute lieu de s’accorder sur l’essentiel dans ce pays abonné aux violences sociopolitiques et qui a hardiment besoin de prendre un nouveau départ. Cela passe aussi peut-être par une exploration minutieuse et pédagogique de son histoire et de sa nomenclature institutionnelle, déjà forte de cinq Constitutions depuis son indépendance : 1958, 1982 (suspendue en 1984), 1991 (suspendue en 2008), 2010, 2020 (suspendue en 2021).

Pour y arriver, il faudra certainement écouter toutes les voix, toutes les contradictions pour doter le pays d’une Constitution qui « nous ressemble et qui nous rassemble », ainsi que le préconise le Gabonais Dieudonné Minlama Mithogo, dont le pays est également engagé dans un processus similaire. Pour le président du parti Ensemble pour la République et candidat à l’élection présidentielle de 2016 au Gabon en effet, « la Constitution est plus qu’un simple document juridique ; elle est le socle fondateur qui régit les institutions et guide la vie publique de la nation »  

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