C’est la période de l’hivernage au Burkina Faso mais aussi le moment par excellence de reboisement. Le président du Faso et les membres de son gouvernement ont lancé le samedi 8 août la journée nationale de l’arbre à Banfora dans la région des Cascades. La deuxième édition s’est fixée beaucoup d’objectifs pour la réussite de la reforestation. Mardi 18 août, le ministre de l’environnement, de l’économie verte et du changement climatique a reçu Libreinfo.net dans ses bureaux à Ouagadougou pour une interview exclusive avant de prendre la direction de Bobo -Dioulasso le lendemain où il va passer ses vacances. Tout enthousiasmé du dénouement de la forêt de Kua et les solutions à court terme pour la sauvegarder la forêt du prix Nobel Alternatif Yacouba Sawadogo,il s’est aussi exprimé sur des sujets de reformes du corps des eaux et forêts,des aires protégées et du reboisement en cours.
Propos recueillis par Albert Nagreogo
Comment se porte votre département aujourd’hui en tant que Ministre de l’Environnement ?
En tant que premier responsable du département, nous pensons que le ministère en charge de l’environnement se porte bien.
Nous sommes dans une période de reboisement partout au Burkina Faso, vous avez d’ailleurs participé à la Journée Nationale de l’Arbre à Banfora dans la région des cascades, il y a juste quelques jours avec le Chef de l’Etat. Quel est l’objectif du gouvernement en ce qui concerne le reboisement ?
Il faut dire que nous sommes aujourd’hui au niveau du ministère de l’environnement parti d’un constat qui est lié à la dégradation continue de notre couvert végétal, mais aussi le bilan de l’ensemble des opérations de reforestation que nous avons eu à mener bien sûr au Burkina Faso.
En termes de résultat nous avons constaté non seulement, une dégradation continue, mais également le taux de réussite de l’ensemble des opérations de reforestation était inférieur à 30%, alors il fallait en ce moment chercher la stratégie à mettre en place pour améliorer le couvert végétal à travers un meilleur taux de reforestation.
C’est ainsi qu’une stratégie nationale de reforestation a été élaborée par mon département et nous nous sommes fixés comme objectif, l’atteinte d’un taux de réussite supérieur à 80% mais aussi et surtout, renforcer la sensibilisation citoyenne de telle sorte que chaque burkinabè prenne conscience de la nécessité de mettre en terre un plant et de l’entretenir.
C’est dans ce sens que nous avons soumis un décret en Conseil des ministres pour demander à ce que la question de reforestation soit portée au plus haut sommet de l’Etat. C’est ainsi que le Conseil des ministres a adopté la Journée Nationale de l’Arbre dont nous avons célébré cette année la deuxième édition.
Parfois les gens se disent que le reboisement, c’est comme un phénomène de mode plutôt qu’une affaire utile. Est-ce qu’aujourd’hui, vous avez fait l’état des lieux du reboisement depuis la dernière décennie ?
Lorsque nous avons fait le bilan des campagnes de reforestation précédentes nous avons constaté que le taux de réussite des plants était inférieur à 30%. Il était quasiment impossible d’atteindre 50 ha de reforestation par an à travers les opérations tout azimut de reforestation. Pourtant des études ont démontré que le niveau de dégradation du couvert végétal par an se chiffre à 105 ha.
Cela voudrait dire que si nous voulons faire reculer le désert, il va falloir chaque année reboiser une superficie inférieure ou égale à au moins 110 hectares. Pour améliorer le taux de survie, il fallait non seulement changer de stratégie surtout d’approche. D’où la vision actuelle en matière de reboisement qui s’opère indubitablement sur des sites sécurisés.
Qu’est-ce que vous appelez site sécurisé ?
A notre entendement, un site sécurisé est d’abord et avant tout un site réservé à la reforestation. Précédemment, la majeure partie des sites de reboisement appartenaient à des particuliers.
De ce fait, lorsque les intéressés veulent utiliser leur terrain, ils déboisent totalement la surface déjà reboisée. La solution serait d’impliquer les collectivités territoriales. Chaque commune, chaque région détermine elle-même un site sur lequel le reboisement se fera.
Lorsque Le site est identifié de commun accord avec l’ensemble des acteurs de la commune ou de la région, le site est déjà sécurisé. Ensuite, nous demandons également de faire au moins un grillage ou des plantations (haie vive) en vue de clôturer les sites. Tous ceux qui s’intéressent aux questions de reforestation et qui n’ont pas de site seront orientés vers ces sites.
Donc on ne devrait plus voir des institutions ou des sociétés, des associations aller choisir un site ou une zone et commencer à faire du reboisement ?
Nous encourageons les institutions dans leur élan de reforestation du couvert végétal, et toutes celles qui sont désireuses de mener des activités de reboisement de se référer à nos services.
La procédure est la suivante : elles adressent une correspondance au ministère en charge de l’environnement. S’agissant des sites concernés, nous déployons préalablement nos services techniques pour les identifier. Si le site n’est pas adapté, nous préconisons à l’institution de changer de site ou nous l’orientons vers un autre site mieux adapté.
Notons qu’il y a des institutions qui veulent un site en leur nom pour en faire un bosquet, c’est le cas de la LONAB, Coris Bank… qui demandent au ministère en charge de l’environnement de mettre à leur disposition des sites. Nous encourageons les structures à mener des activités de reboisement mais nous leurs disons par ailleurs que les activités de reboisement doivent être encadrées pour accroître le taux de réussite.
Est-ce qu’il y’a une particularité qui est mise sur les espèces qu’il faut planter ? Est-ce que votre département a décidé de faire la promotion de certaines espèces ?
Pour nous d’abord, c’est de planter les espèces locales pour impliquer la population à mieux suivre les plantes. On préconise les espèces locales parce que ça été une recommandation du Président du Faso qui a estimé que si nous devons faire du reboisement par région, il faudrait d’abord privilégier les espèces de cette région de telle sorte que les gens aient à l’esprit cet engouement de protection de ces plants. C’est pourquoi le chef de l’Etat parle de planter utile, entretenir pour les générations présentes et futures.
Pourquoi vous avez choisi la région des cascades pour cette deuxième Journée Nationale de l’Arbre ? Quand on sait que la région des cascades n’est pas forcement la zone où le désert se fait sentir le plus.
C’est vrai la région des cascades est la région la plus boisée mais ce n’est pas non plus une raison de ne pas sensibiliser les gens à arrêter le déboisement et la déforestation. Nous avons voulu arrimer la Journée Nationale de l’Arbre(JNA)avec l’esprit du 11 décembre. L’année passée la Journée Nationale de l’Arbre a eu lieu à Tenkodogo, lieu des festivités de la fête de l’indépendance de notre pays. Cette année c’est Banfora pour la même raison.
Le gouvernement a changé de site pour la construction de l’hôpital de Kua,c’est ce qu’a appris Libreinfo.net quels sont les résultats de cette étude qui vous a poussé à changer d’avis ?
Merci, pour l’opportunité que vous me donnez de me prononcer pour une première fois sur la problématique. Je dirai que la question liée à la « Forêt de Kua » est devenue un dossier emblématique depuis un certain temps.
L’étude d’impact environnemental et social a été réalisée, et les résultats ont été présentés en Conseil de cabinet sous la présidence de son excellence Monsieur le Premier Ministre. Une dernière rencontre avec son Excellence Monsieur le Président du Faso pour présenter les conclusions de l’étude.
Conformément aux conclusions qui soulèvent des questions de pollution de nappes souterraines, des questions de non-conformité aux plans d’occupation des sols et d’aménagement de la commune de Bobo-Dioulasso et surtout non conforme au code forestier.
Le rapport a conclu qu’au regard de tous ces aspects, il serait plus judicieux que l’on examine un autre site pour la construction de l’hôpital afin d’éviter ce qui pourrait arriver comme préjudices. C’est en toute responsabilité que des orientations ont été données pour délocaliser le site de la construction de la « forêt de Kua » vers un autre site.
Ce site se trouve du côté opposé de l’ancien site, en dehors de la forêt de Kua. Il est conforme au plan d’aménagement de la commune de Bobo Dioulasso et respecte également le plan de l’occupation des sols. Nous pensons que ce site est idéal et permettra non seulement de construire l’hôpital mais également de préserver la forêt de Kua.
Telles sont les motivations pour la délocalisation du site. Ce n’est pas un changement sous la pression. C’est une décision responsable du gouvernement, qui est du reste conforme à la position de son Excellence Monsieur le Premier Ministre devant la Représentation Nationale «Attendre les résultats de l’étude d’impact environnemental et social pour décider ».
C’est aussi l’occasion de saluer les ONGs, la société civile qui ont manifestés un intérêt particulier vis-à-vis de ce dossier. Leur action d’interpellation du gouvernement est une bonne chose.
Cependant, il faut éviter dans ce genre de situation que le politique ne prenne le dessus sur le technique. Par ailleurs,pour sauver la forêt de Kua qui connait une dégradation accélérée, devenue urbaine,des instructions ont été données au ministre en charge de l’Environnement d’actualiser le plan d’aménagement de la forêt pour en faire une forêt urbaine au même titre que la forêt de Bangr Weogo de Ouagadougou au profit de la commune de Bobo Dioulasso. Le coût de la première phase du plan est estimé à plus d’un milliard de franc.
Est-ce que sur le nouveau site, l’étude sur l’impact environnemental a été faite ?
Ce nouveau site est conforme au code forestier, au plan d’occupation des sols, et au plan d’aménagement de la commune de Bobo-Dioulasso. Il était prévu à ce niveau, la construction d’un hôpital. C’est un site qui répond mieux à la construction de l’hôpital. Il est hors de portée d’une éventuelle pollution de nappe souterraine ou nappe superficielle.
Est-ce que vos partenaires chinois sont d’accord ?
Les partenaires ont donné leur accord et le gouvernement travaille pour mettre à leur disposition un site sécurisé. Il n’y a plus de problèmes avec les partenaires concernant la construction de l’hôpital de Bobo-Dioulasso.
On a vu des agents des eaux et forêts également qui s’opposaient sur le terrain, ça veut dire qu’au préalable l’étude n’avait pas été faite ?
Vous savez, ce que nous avons fait en tant que ministre en charge de l’environnement c’est le respect du code forestier. Avant le déclassement toute personne qui désire se rendre sur un site classé, doit avoir l’autorisation préalable du Ministre en charge de l’Environnement. Dans ce cas précis, cette autorisation a manqué. Nous avons voulu rattraper en demandant aux parties de saisir le Ministère pour le traitement du dossier
Yacouba Sawadogo, le prix Nobel alternatif appelle régulièrement au secours parce qu’il voit sa forêt menacée. Est-ce que vous êtes au courant de la situation ?
Nous reconnaissons les efforts qui ont été consentis par le doyen Sawadogo pour la réalisation de cette forêt. Des instructions ont été données, par le président du Faso pour accompagner le doyen pour la préservation de cette forêt. Nous avons reçu le vieux Sawadogo, nous avons entrepris des démarches conformément aux instructions pour travailler à sécuriser la forêt du vieux Sawadogo.
La première des choses : est-ce que Sawadogo Yacouba a un titre qui lui confère la forêt ? La réponse est non. Nous avons entrepris en relation avec la commune de Ouahigouya pour solutionner cette première équation afin de permettre au vieux Sawadogo de disposer d’au moins d’un titre de propriété.
La deuxième question c’est la sécurisation de la forêt. Disposant maintenant des limites réelles de la forêt (27 ha 89 a et 29 ca), elle sera entièrement clôturée conformément aux instructions du Président du Faso
La troisième question c’est l’aménagement de la forêt. Un dossier complet du plan d’aménagement de la forêt approuvé par le vieux Sawadogo, est disponible et nous sommes en pourparlers avec certains partenaires pour son financement. C’est le lieu d’inviter tous ceux qui sont sur les réseaux sociaux qu’ils peuvent également aider le vieux Sawadogo pour l’aménagement de sa forêt. C’est plus concret.
Qu’est-ce que le Fonds Vert M. le Ministre ?
Il existe plusieurs Fonds pour le climat. Le fonds vert pour le climat est en lien avec l’accord de Paris. L’accord de Paris qui a été signé en 2015 est un engagement de tous les Etats à limiter le réchauffement climatique. En retour, il a été demandé à chaque pays d’élaborer ce qu’on a appelé, ses contributions déterminées au niveau national, c’est-à-dire, ses engagements à limiter le réchauffement climatique, en termes d’investissement. Le fonds vert pour le climat mis en place est alimenté par de prélèvement et contributions des pays responsables de réchauffement climatique. Le Burkina Faso a mobilisé plus de 50 milliards de franc CFA du fond vert.
Aujourd’hui qu’est ce qui est fait pour lutter contre par exemple la présence des terroristes dans les aires protégées ?
Le Burkina Faso dispose de 77 aires protégées. La forêt c’est la zone de prédilection des groupes terroristes parce que les forêts leurs servent de refuge. La région de l’Est compte pratiquement onze concessions de chasse et vous conviendrez également que c’est la zone la plus difficile en termes d’occupation de ces groupes terroristes. Mais je suis d’avis avec vous que le corps des Eaux et forêts n’étaient pas encore préparé à ce genre d’action, c’est la lutte contre le braconnage. Le Ministère a élaboré un plan de sécurisation d’aires protégées avec les partenaires financiers ainsi que la mise en place d’une brigade mixe pour lutter contre les groupes terroristes dans nos aires protégées
Qu’est ce qui est fait pour que les Eaux et forêts puissent faire face au phénomène ?
Pour des questions militaires, nous ne dirons pas ce que nous avons acquis sur le plan militaire en termes d’équipement spécifique pour le corps. C’est le lieu de saluer l’engagement du Président du Faso qui depuis plus de trois ans accompagne le corps des Eaux et Forêts par une dotation spéciale pour permettre au corps de s’équiper davantage.
Nous travaillons à renforcer la capacité opérationnelle du corps des Eaux et Forêts. Nous avions tenu des états généraux sur le corps pour discuter quel peut être la nouvelle vision du corps au regard du nouveau phénomène. Bientôt, c’est la création d’une brigade spéciale, cette structure doit être opérationnelle. Aussi le Ministère de l’environnement est membre des instances en matière de sécurité. Ce qui permet une cohésion entre les FDS.
Le braconnage aussi est un phénomène qui gagne du terrain, on a vu tout récemment des ivoires saisis, des peaux de félins également, des gens qui ont été condamnés à un an, deux ans et même plus, quelle est la politique de protection de ces animaux qui sont quand même importants ?
Nous pensons que le premier acte, c’est notre présence sur le terrain. Il est vrai que le nombre d’agents ne permet pas une meilleure couverture du territoire national, mais ils font des efforts pour la protection du domaine forestier et faunique. Nous avons également acquis de nouveaux moyens de surveillances tels que les drones pour être plus efficace.
On dit qu’il est relégué à la commune de Ziniaré mais cela ne nous empêche pas de poser la question, qu’est ce qui est fait pour préserver ou renforcer le parc animalier de Ziniaré ? D’aucuns disent qu’après la chute de Blaise Compaoré le parc est délaissé, le ministère de l’environnement essaie-t-il de porter un regard sur ce parc ?
Dans mes attributions, j’ai en charge la gestion du domaine forestier et faunique de l’Etat. Le parc de Ziniaré est un domaine privé.
Mais il a un intérêt national ?
Il a un intérêt national, certes mais concédé à la commune de Ziniaré qui en assure sa gestion. C’est le lieu d’interpeller la commune de Ziniaré à une meilleure gestion du parc.
Mais si c’est un patrimoine il faut le sauver malgré tout, n’est-ce pas ?
Nous réaffirmons notre attachement aux règles républicaines et invitons les responsables du parc à assumer leur responsabilité. Mes services prendront attache avec la mairie de Ziniaré pour en savoir davantage.
Que pourriez-vous dire encore ?
C’est de saluer l’engouement du peuple Burkinabè à la campagne de reforestation, à la journée nationale de l’arbre. A l’ensemble des agents de mon département, c’est leur réaffirmer ma reconnaissance pour leur engagement à la préservation de notre environnement souvent au prix de leur vie. Je salue la mémoire de tous les Burkinabè tombés sous les bals des groupes terroristes.
Bonne saison hivernale à toutes et à tous