Jean Roger Zabsonré travaille dans le secteur de l’artisanat à Tenkodogo, chef- lieu de la région du Centre-Est. Malgré son handicape physique, il force l’admiration des populations. C’est un homme âgé de 62 ans que Libreinfo.net a rencontré dans son atelier. Son portrait.
A Tenkodogo, ville située à 187 km de Ouagadougou la capitale, un homme s’illustre très bien dans le domaine de l’artisanat et il s’appelle Jean Roger Zabsonré. Il est maroquinier-cordonnier. Son handicape physique n’est pas du tout un obstacle à ses activités, bien au contraire, il est un modèle de combativité.
L’atelier de l’artisanat de Jean Roger Zabsonré se situe à Tenkodogo en face du mur principal du centre médical urbain, côté Est. L’intérieur de son atelier est rempli de chaussures, de sacs, de chapeaux, de carquois et autres objets en cuir exposés sur des étagères.
Assis sur le plancher, côté gauche de la porte d’entrée, les deux jambes paralysées, M. Zabsonré est en pleine confection de chaussures commandées par un couple de futurs mariés. A ses côtés, sont assis, un jeune apprenti malvoyant, sourd-muet et une jeune fille qui l’aide dans la vente de ses produits.
Agé de 62 ans, marié et père de quatre enfants, M. Zabsonré me dit exercer le métier depuis 1977. A l’entendre, le métier lui est très profitable car il vit de cela. Il a déclaré avoir fait beaucoup de réalisations et de nombreux voyages à travers l’Afrique occidentale et l’Europe grâce à la maroquinerie.
Avant la crise internationale de 1998 qui avait fait chuter le marché, se rappelle-t-il, le métier avait connu un boom. Il envoyait ses produits en Europe (Italie, Angleterre, France) et dans la boutique « Tiers monde ». « Je faisais alors un chiffre d’affaires compris entre 15 à 20 millions de F. CFA » m’indique-t-il.
L’histoire de son amour pour la maroquinerie remonte à son enfance, en 1968, alors qu’il suivait une rééducation avec une expatriée de l’Ile Maurice, enseignante au collège Marie Reine de Tenkodogo. C’est ainsi qu’il s’est intéressé au métier.
Il se rendait alors souvent à quatre pattes, à l’école primaire catholique de Tenkodogo où il était inscrit. Parfois, c’était sa grande sœur qui le portait au dos. Ensuite, trois ans plus tard, il a bénéficié d’un tricycle.
« Franchement, je n’ai pas voulu aller au collège à cause de mon handicap. J’ai préféré apprendre le métier, très passionnant quand je voyais mes camarades le faire, cela me plaisait » m’indique-t-il en souriant.
C’est ainsi qu’il a crée, en 1978, son atelier à Tenkodogo. Il va se perfectionner ensuite, en 1981, au Centre national d’artisanat d’art à Ouagadougou. Dans la capitale, il deviendra gérant d’une boutique où cinq centres de personnes handicapées exposent leurs produits.
Ses nombreuses rencontres avec des clients touristes expatriés l’obligent à poursuivre les cours du soir jusqu’en classe de 3e du collège pour améliorer son expression française.
En 1994, il revient s’installer à Tenkodogo. Il confectionne ses articles sur commandes et suivant des modèles. Il a été ainsi un des grands fournisseurs d’articles fabriqués à base de cuir du grand marché central de Ouagadougou, Rood Woko et à l’étranger.
Aujourd’hui, son marché a chuté, constate-t-il. Un de ses clients belges, rencontré au SIAO de 1994, auquel il livrait annuellement des commandes jusqu’en 2016, l’a même abandonné pour se tourner vers la maroquinerie industrielle marocaine à cause des coûts de fret trop chers au Burkina.
Apprendre un métier d’artisanat est très avantageux
« Mes promotionnaires fonctionnaires et même des petits frères sont allés à la retraite et moi je continue de travailler. C’est ça, le véritable avantage d’apprendre un métier comme celui que j’exerce » m’explique -t-il.
Il a été l’un des 16 pionniers artisans à la création du SIAO (Salon international de l’artisanat de Ouagadougou) en 1988. Il a régulièrement participé à toutes les éditions du salon sauf à celle de 2021.
Par jour, il affirme fabriquer de 3 à 5 modèles de chaussures de différentes qualités. Sa force, c’est l’innovation, la création, le renouvellement et la transformation du cuir pour plaire toujours à ses clients. A son actif, il compte plus d’une trentaine d’artisans de plusieurs nationalités africaines composés d’handicapés et de personnes valides qu’il a formés.
« Il faut soutenir et inscrire les enfants en situation de handicap à l’école » invite-t-il les parents des personnes vivant avec un handicap. « Même si l’enfant est aveugle, il faut qu’il aille à l’école. Aujourd’hui, à part la personne handicapée mentale, pour le reste, on peut bien vivre avec le handicap » justifie-t-il.
Ensuite, il faut demander aux enfants handicapés ce qu’ils veulent ou ont envie de faire car « il faut que les enfants voient leurs idoles, ceux qui évoluent dans le métier, qu’ils les découvrent, qu’ils s’en inspirent et qu’ils décident de faire leurs choix. » déclare-t-il.
Il dit avoir cependant une crainte : « J’ai peur que les jeunes n’arrivent pas à poursuivre mon œuvre. Tout le monde veut de l’argent et personne ne veut apprendre ». Son rêve est de « former les jeunes pour la relève » car « il manque de centre de formation » regrette-t-il.
Actuellement, il utilise des rejets de cuir en provenance de l’Italie pour la fabrication des chaussures car l’entreprise TAN-ALIZ, seule tannerie industrielle au Burkina Faso est fermée depuis 2014.
« Nos tanneries sont traditionnelles. On améliore le cuir national. Or, c’est dans la tannerie que l’on voit la qualité du cuir » déplore-t-il.
En dehors de la maroquinerie-cordonnerie, M. Zabsonré est aussi agriculteur et éleveur.
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