Au marché d’oignons du secteur 2 de la ville de Koudougou, située à près de 100 km de la capitale Ouagadougou, les vendeuses d’oignons font face aux impacts négatifs de l’arrêt du train voyageur. Si certaines arrivent à se reconvertir dans d’autres métiers, d’autres, par contre, croupissent dans la pauvreté et souhaitent la reprise du train voyageur et la réouverture de la frontière Burkina Faso-Côte d’Ivoire.
Par Daouda Kiekieta de retour de Koudougou
Marché d’oignons de Koudougou. Entrée nord. De loin, on l’aperçoit, assise sur une chaise, le regard hagard. Des sacs d’oignons, des cartons de piments et d’ails entassés devant elle à la recherche de clients. Geneviève Zoma, la soixantaine, semble perdue dans ses souvenirs.
“Je peux dire que je suis née à la gare de train, parce que depuis 6 ans, j’aidais ma mère à vendre. Souvent on dormait à la gare pour attendre l’arrivée du train ” raconte-t-elle, triste. Elle achetait, à en croire son récit, des oignons, des aubergines, des choux, du piment et bien d’autres fruits et légumes en grande quantité pour ensuite les revendre en Côte d’Ivoire. “Il y avait des wagons de plus de 400 sacs parfois qu’on amenait en Côte d’Ivoire et ça marchait très bien”. Ajoute-t-elle.
Mais aujourd’hui, celle qui rêvait léguer activités et fortunes à ses six (06) enfants, observe amèrement l’arrêt du train-voyageur dû à la fermeture des frontières entre le Burkina et la Côte d’Ivoire du fait de la pandémie de covid-19. Cela a précipité son départ de la gare ferroviaire. L’import-export fait place au petit commerce au marché d’oignons de la ville de Koudougou.
Comme elle, Korotimi Semdé, ancienne vendeuse à la gare de train, s’inquiète de l’avenir de ses enfants. « Imaginez quelqu’un qui pouvait vendre plusieurs centaines de sacs d’oignons à l’extérieur, et qui peine aujourd’hui à vendre une dizaine de sacs. Comment peut-on s’en sortir ? s’interroge-t-elle avant d’exhorter les autorités à rouvrir les frontières.
“Nous ne leur demandons pas de l’argent. Qu’ils relancent le train voyageur et qu’ils rouvrent la gare de train de Koudougou ainsi que celles situées le long du chemin de fer Ouagadougou-Abidjan ” lance madame Semdé.
En attendant, elle fait le tour des marchés environnants pour évacuer ses marchandises. « La semaine passée j’étais à Tanghin-Dassouri. Demain je dois y retourner pour chercher des oignons et de la tomate » confie-t-elle.
Awa Semdé par contre n’a pas abandonné l’axe Koudougou-Abidjan. A défaut du train, elle poursuit ses activités dans des camions malgré les nombreux risques auxquels elle est confrontée. « C’est le coût du transport qui engloutit nos bénéfices.
Avec le train, le transport de chaque carton coûtait 600 f CFA. Avec les camions de transport, nous payons 1250 f CFA pour chaque carton”, commente Awa Semdé, commerçante d’oignons, par ailleurs secrétaire générale de l’Association des exportateurs d’oignons du Burkina.
Outre le prix élevé des transports de marchandises, les commerçantes font face également à des tracasseries routières. Entre Koudougou et Niangoloko, Awa Semdé estime le nombre de postes de douanes à sept (07). “ A chacun de ses postes, même si tes papiers sont conformes, il faut payer. Pour chaque voyage, il faut débourser plus de 50 000 F CFA pour seulement les marchandises.
Pourtant avec le train, c’était seulement 25 000 F CFA », explique-t-elle. Pour minimiser ces tracasseries, Awa et ses camarades entendent mettre en place une coopérative. L’objectif de ce regroupement sera principalement de faciliter l’exportation des fruits et légumes, surtout les oignons. Elles entendent, par cette coopérative, plaider auprès des autorités pour atténuer la souffrance des exportateurs d’oignons.
Qu’attendent encore les autorités ivoiriennes pour rouvrir leurs frontières ? telle est la question que se posent toutes ces femmes qui souffrent des conséquences de cette mesure.