L’arrêt du train voyageur fait souffrir plus d’un. Le secteur informel semble le plus éprouvé de cette situation, particulièrement les femmes vendeuses aux environs de la gare. Plus de ravitaillement en fruits à travers le train, plus de voyage par train. Et pour conséquence, la flambée des prix des produits, les tracasseries routières.
Par Daouda Kiekieta
En cette matinée du 29 septembre 2022, le soleil est déjà au plomb. De la gare routière de Koudougou, nous nous dirigeons vers le secteur n°1 où se trouve la gare de train.
À proximité de la gare, des femmes, vendeuses de fruits, sont installées. Sous des parasols, avocats, bananes, pompes, ananas, généralement produits dans les pays côtiers comme la Côte d’Ivoire y sont vendus sur place. Ces femmes vivent de la gare de train. Leur commerce se déroule aux encablures de la gare, où elles achètent et revendent en même temps.
Ravitaillées en grande partie par le chemin de fer, ces commerçantes éprouvent d’énormes difficultés pour s’approvisionner du fait du quasi arrêt des activités de la gare. Cela fait plus de trois ans que Asseta Birba, grande commerçante, n’a plus voyagé avec le train pour assurer le transport de ses marchandises.
Un foulard sur la tête et un petit sac à la main, dame Birba nous confie que sa carrière de commerçante est compromise depuis ce qu’elle qualifie de “périodes sombres”, de l’histoire du train. Elle n’arrive plus à convoyer ses fruits et autres marchandises de la Côte d’Ivoire au Burkina Faso à travers le train. “Je faisais la navette Burkina Faso-Côte d’Ivoire il y a plus 20 ans. Mais il n’y a plus de train voyageurs, on va faire comment ? “, s’interroge Madame Birba.
Face à cette situation intenable et aux regards des charges familiales, elle a décidé de transporter ses marchandises par des camions de transport. “Là aussi”, les difficultés n’en manquent pas. Compte tenu du temps pris pour le trajet, les marchandises se gâtent et cela nous cause d’énormes pertes. “Le coût de transport a également doublé. Nous sommes donc obligées de revendre cher. D’où la difficulté d’écouler nos marchandises”, poursuit-elle.
En plus, l’arrêt du train n’est pas sans conséquence sur les coûts et le volume des marchandises acheminées vers le Burkina ou vers la Côte d’Ivoire.
Alors les commerçants ne peuvent plus envoyer ou faire rentrer leurs marchandises en grand nombre, explique la commerçante. Mais, madame Birba n’est pas la seule dans cette situation.
Kadi Yaméogo, ancienne vendeuse à la gare de train, a dû plier bagages dans la vente des fruits pour les mêmes raisons. Avant la fermeture de la gare, on achetait ces avocats 4 à 200 FCFA. Maintenant on les achète 3 à 1000 FCFA, c’est vraiment difficile”, se désole dame Yaméogo.
Pour éviter le chômage, Kadi Yaméogo se lance dans la transformation des produits locaux notamment la production de jus et du couscous local.
A côté de ces femmes qui souffrent, d’autres acteurs du secteur informel vivent difficilement l’arrêt du train voyageur des activités de la gare. C’est le cas de Ousmane Konfé, ancien porteur à la gare de train de Koudougou. Il affirme avoir construit sa vie grâce à cette activité. Par jour, il pouvait gagner au moins 5 000. “Parfois dans la journée, je peux même rentrer avec 20 000 FCFA”.
Maintenant, il dit être obligé de compter sur les petites activités de ses femmes pour subvenir aux besoins de sa famille comprenant aussi 8 gosses.
La circulation sur le corridor Abidjan-Ouagadougou, long de 1 260 km, avait été suspendue le 16 mars 2020 en raison de la Covid-19. Le chemin de fer est géré par la SITARAIL, filiale du groupe Bolloré. La liaison ferroviaire entre ces deux pays a repris le 8 juillet 2020, concernant le transport de marchandises. Une situation qui met à mal le développement du secteur informel dans la cité du cavalier rouge.