Après Son Excellence Monsieur Guillaume Kigbafori SORO, ancien président de l’Assemblée nationale de la Côte d’Ivoire, c’est le tour du Général Tiani, président du Niger depuis le coup d’Etat de juillet de 2023, d’être reçu par le IB National ? Que cherche-t-il au pays des Hommes intègres ?
D’abord il sied de remarquer qu’il existe une logique d’action dans les initiatives diplomatiques de Son Excellence le Président de la Transition. En fait, le IB National est obsédé par la sécurisation de son territoire qu’il aime tant, donc tout ce qu’il fait semble être subordonné à cela.
Par exemple, en termes de contre-exemple on peut affirmer sans risque de se tromper qu’il est très très improbable que le IB National reçoive en audience le président français Emmanuel MACRON en ce moment selon les termes protocolaires que l’on connait.
Mais, le Général Tiani, a eu cette faveur. Pourquoi ? On peut se hasarder à proposer trois explications.
D’abord, l’obsession du IB National pour la sécurisation du territoire explique tout, y compris le contenu du carnet de ses audiences présidentielles. En effet, le Burkina Faso est partie prenante d’une alliance dite du Sahel, qui regroupe le Mali, le Burkina Faso et le Niger dans le cadre de la lutte contre le terrorisme qui mobilise toutes les énergies disponibles.
En donnant au Général Tiani la possibilité de faire son premier voyage hors du Niger, le IB National lui envoie non seulement un sceau de reconnaissance au sens juridique du terme, mais aussi il lance un signal selon lequel l’affaire de l’Alliance des Etats du Sahel est bien sérieuse.
En droit international, les juristes vous diront, la main sur le cœur comme s’ils vont mourir demain, que la reconnaissance est tout ce que tout nouveau gouvernement recherche, surtout celui qui est venu au pouvoir par un coup d’Etat.
Quel que soit le nombre des Etats qui vous reconnaissent, reconnaissance est reconnaissance, car les juristes ne disent-ils pas que la forme tient le fond en état.
Ensuite, cette tournée africaine du Général Tiani dont l’escale à Ouagadougou n’est qu’une étape, a une portée beaucoup plus profonde que l’on oserait imaginer. En effet, la consolidation des liens de l’Alliance des Etats du Sahel (AES), met fin à l’internationalisation désastreuse de la lutte contre le terrorisme au Sahel.
C’est bien évident à tous les analystes qu’avec l’implication multiforme et multiple des acteurs internationaux (ONU, grandes puissances, Union européenne, G5 Sahel, etc.) on ne peut pas dire que les résultats ont été au rendez-vous.
Certes, ces acteurs internationaux ne peuvent ou ne veulent pas assumer la responsabilité de cette tragédie du terrorisme au Sahel.
En témoignent les propos du président français Emmanuel MACRON lors du sommet de Pau lorsqu’il rappelle aux dirigeants africains présents à ce sommet que c’est de leur responsabilité de reprendre le terrain une fois que les terroristes sont délogés par les forces françaises.
Mais ce que le président français n’a pas voulu dire ou reconnaître c’est que l’internationalisation même de la lutte contre le terrorisme a largement déresponsabilisé les dirigeants africains.
Elle a été, en fait, une forme d’émasculation politique et militaire des Etats sahéliens.
Enfin, la visite du Général Tiani marque une étape importante dans le processus d’appropriation des stratégies de lutte contre le terrorisme au Sahel par les Etats africains eux-mêmes.
En demandant le retrait des forces étrangères sur leurs sols, en dénonçant certaines conventions jugées défavorables, en proclamant haut et fort qu’ils veulent avoir le contrôle de stratégies de lutte contre le terrorisme par le choix des partenaires qui leur conviennent, les trois Etats africains de l’Alliance des Etats du Sahel veulent tout simplement prendre le taureau du terrorisme par les cornes.
Cela n’est ni plus ni moins qu’un processus d’appropriation, toute chose que la visite du Général Tiani chez le IB National semble renforcer.
Ce qui est très intéressant c’est que ce processus d’appropriation des stratégies de lutte contre le terrorisme au Sahel se fait sur fond d’antagonisme entre les trois Etats de l’AES et les organisations internationales africaines (OIA).
En effet, l’Union africaine, la sœur ainée des OIA, est aux abonnés absents tandis que la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) se montre très belliqueuse.
En témoignent les scènes de rixes entre la CEDEAO et chacun des Etats frondeurs, c’est-à-dire le Mali, le Burkina Faso, la Guinée-Conakry et le Niger.
En conclusion, il est fort probable que la visite du Général Tiani au Burkina et au Mali soit le début de l’opérationnalisation de l’initiative de l’Alliance des Etats du Sahel (AES).
La principale condition pour la réussite de cette opérationnalisation – qui ne doit pas plaire à tout le monde – est bel et bien une volonté politique de trois chefs d’Etat. En signalant qu’ils regardent dans la même direction, les trois leaders politico-militaires, nouveaux maîtres du Sahel, veulent signifier que l’AES n’est pas une coquille vide.
Comme quoi, ensemble l’espoir est permis, d’autant plus que dans la lutte contre le terrorisme non seulement la survie des Etats sahéliens est en jeu, mais aussi l’avenir politique de ces trois leaders de l’AES ! Comme le disent les Anglophones, united we stand, divided we fall. C’est une bonne chose que les nouveaux maîtres du Sahel semblent avoir compris la portée de cette maxime. Pour la suite, le temps nous dira….
Dr. Jean-Baptiste GUIATIN
Fulbright 2016
Conseiller des affaires étrangères.
Après Son Excellence Monsieur Guillaume Kigbafori SORO, ancien président de l’Assemblée nationale de la Côte d’Ivoire, c’est le tour du Général Tiani, président du Niger depuis le coup d’Etat de juillet de 2023, d’être reçu par le IB National ? Que cherche-t-il au pays des Hommes intègres ?
D’abord il sied de remarquer qu’il existe une logique d’action dans les initiatives diplomatiques de Son Excellence le Président de la Transition. En fait, le IB National est obsédé par la sécurisation de son territoire qu’il aime tant, donc tout ce qu’il fait semble être subordonné à cela.
Par exemple, en termes de contre-exemple on peut affirmer sans risque de se tromper qu’il est très très improbable que le IB National reçoive en audience le président français Emmanuel MACRON en ce moment selon les termes protocolaires que l’on connait.
Mais, le Général Tiani, a eu cette faveur. Pourquoi ? On peut se hasarder à proposer trois explications.
D’abord, l’obsession du IB National pour la sécurisation du territoire explique tout, y compris le contenu du carnet de ses audiences présidentielles.
En effet, le Burkina Faso est partie prenante d’une alliance dite du Sahel, qui regroupe le Mali, le Burkina Faso et le Niger dans le cadre de la lutte contre le terrorisme qui mobilise toutes les énergies disponibles.
En donnant au Général Tiani la possibilité de faire son premier voyage hors du Niger, le IB National lui envoie non seulement un sceau de reconnaissance au sens juridique du terme, mais aussi il lance un signal selon lequel l’affaire de l’Alliance des Etats du Sahel est bien sérieuse.
En droit international, les juristes vous diront, la main sur le cœur comme s’ils vont mourir demain, que la reconnaissance est tout ce que tout nouveau gouvernement recherche, surtout celui qui est venu au pouvoir par un coup d’Etat.
Quel que soit le nombre des Etats qui vous reconnaissent, reconnaissance est reconnaissance, car les juristes ne disent-ils pas que la forme tient le fond en état.
Ensuite, cette tournée africaine du Général Tiani dont l’escale à Ouagadougou n’est qu’une étape, a une portée beaucoup plus profonde que l’on oserait imaginer. En effet, la consolidation des liens de l’Alliance des Etats du Sahel (AES), met fin à l’internationalisation désastreuse de la lutte contre le terrorisme au Sahel.
C’est bien évident à tous les analystes qu’avec l’implication multiforme et multiple des acteurs internationaux (ONU, grandes puissances, Union européenne, G5 Sahel, etc.) on ne peut pas dire que les résultats ont été au rendez-vous.
Certes, ces acteurs internationaux ne peuvent ou ne veulent pas assumer la responsabilité de cette tragédie du terrorisme au Sahel. En témoignent les propos du président français Emmanuel MACRON lors du sommet de Pau lorsqu’il rappelle aux dirigeants africains présents à ce sommet que c’est de leur responsabilité de reprendre le terrain une fois que les terroristes sont délogés par les forces françaises.
Mais ce que le président français n’a pas voulu dire ou reconnaître c’est que l’internationalisation même de la lutte contre le terrorisme a largement déresponsabilisé les dirigeants africains. Elle a été, en fait, une forme d’émasculation politique et militaire des Etats sahéliens.
Enfin, la visite du Général Tiani marque une étape importante dans le processus d’appropriation des stratégies de lutte contre le terrorisme au Sahel par les Etats africains eux-mêmes.
En demandant le retrait des forces étrangères sur leurs sols, en dénonçant certaines conventions jugées défavorables, en proclamant haut et fort qu’ils veulent avoir le contrôle de stratégies de lutte contre le terrorisme par le choix des partenaires qui leur conviennent, les trois Etats africains de l’Alliance des Etats du Sahel veulent tout simplement prendre le taureau du terrorisme par les cornes.
Cela n’est ni plus ni moins qu’un processus d’appropriation, toute chose que la visite du Général Tiani chez le IB National semble renforcer.
Ce qui est très intéressant c’est que ce processus d’appropriation des stratégies de lutte contre le terrorisme au Sahel se fait sur fond d’antagonisme entre les trois Etats de l’AES et les organisations internationales africaines (OIA). En effet, l’Union africaine, la sœur ainée des OIA, est aux abonnés absents tandis que la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) se montre très belliqueuse.
En témoignent les scènes de rixes entre la CEDEAO et chacun des Etats frondeurs, c’est-à-dire le Mali, le Burkina Faso, la Guinée-Conakry et le Niger.
En conclusion, il est fort probable que la visite du Général Tiani au Burkina et au Mali soit le début de l’opérationnalisation de l’initiative de l’Alliance des Etats du Sahel (AES).
La principale condition pour la réussite de cette opérationnalisation – qui ne doit pas plaire à tout le monde – est bel et bien une volonté politique de trois chefs d’Etat.
En signalant qu’ils regardent dans la même direction, les trois leaders politico-militaires, nouveaux maîtres du Sahel, veulent signifier que l’AES n’est pas une coquille vide.
Comme quoi, ensemble l’espoir est permis, d’autant plus que dans la lutte contre le terrorisme non seulement la survie des Etats sahéliens est en jeu, mais aussi l’avenir politique de ces trois leaders de l’AES ! Comme le disent les Anglophones, united we stand, divided we fall.
C’est une bonne chose que les nouveaux maîtres du Sahel semblent avoir compris la portée de cette maxime. Pour la suite, le temps nous dira….
Dr. Jean-Baptiste GUIATIN
Fulbright 2016
Conseiller des affaires étrangères.