Le chef d’état major de la gendarmerie nationale du Burkina Faso, le Lieutenant-colonel Evrard Somda a animé le samedi 2 septembre 2023, un panel au profit de plusieurs jeunes à Ouagadougou, organisé par la conférence des jeunes leaders pour le développement (CJLD), sixième édition. Au cours de ces échanges, il a prodigué plusieurs conseils aux jeunes dans le sens de la prévention contre la radicalisation. Libreinfo.net a retranscrit la substance de ses conseils.
Propos retranscrits par Daouda Kikieta
Le Lieutenant-colonel Evrard Somda a animé le panel autour du thème :«contexte sécuritaire et extrémisme violent, collaboration entre jeunes et forces de défense de sécurité » .
Il a expliqué d’emblée que : « c’est l’occasion de sensibiliser les jeunes sur les dangers de la consultation des sites (internet ndlr) destinés à l’endoctrinement et au recrutement des jeunes. La curiosité, comme ils sont informés qu’ils recrutent sur les réseaux sociaux, les jeunes peuvent être tentés d’aller voir sur ce site de recrutement.
C’est comme le phénomène de la drogue ; si vous essayez, vous risquez de tomber dans le piège. Ce n’est même pas la peine de chercher à savoir sur quel site le recrutement se fait.
Les terroristes ont des éléments incisifs de langage qu’ils utilisent. Ils prennent des exemples d’injustice que vous subissez et qui sont vraies. Sauf que la réponse qu’ils vous proposent, c’est de prendre des armes contre votre pays. Donc, si vous faites l’erreur d’aller voir ce qu’ils font, ils peuvent vous approcher.
Malheureusement, aujourd’hui ils ont approché beaucoup de jeunes qui sont tombés dans leur piège et qui sont du mauvais côté de la société.
Cela permet aussi de vous conseiller, vous les jeunes, d’introduire toujours des références de sécurité. Par exemple, sans qu’il y ait besoin de la présence de gendarmes ou de policiers, il faut quand même avoir quelqu’un qui s’occupe de la question sécuritaire dans toute initiative.
La question sécuritaire ne demande pas un homme avec une arme. Non, cela peut-être de l’information. On peut prévenir la police d’une localité pour lui dire qu’on a une activité, on a pas d’argent pour que vous veniez sécuriser, mais en cas de problème, on a besoin d’un numéro pour appeler.
Quelqu’un qui n’est pas régulièrement inscrit et qui assiste à votre conférence, personne ne le connaît, vous pouvez le signaler, lui demander d’où il vient. Vous devez avoir le réflexe sécuritaire un peu partout.
Dans le langage, évitez les propos qui peuvent porter atteinte à la sensibilité religieuse des uns et des autres. Peu importe l’association dans laquelle on est.
En tant que jeunes, également, vous devez vous engager en masse dans les rangs des forces de défense et de sécurité.
On a besoin de votre vigueur et de votre intelligence. A force d’échanger avec les jeunes, je me rends compte que l’Etat investit beaucoup d’argent pour les armes, les véhicules blindés, les drones à l’étranger.
Alors qu’à l’interne, ici, des solutions endogènes, venant des jeunes, peuvent nous permettre d’avancer. J’en ai une expérience personnelle ; si je vous le dis, vous n’allez pas y croire. On est en association dans la gendarmerie avec des jeunes qui fabriquent des drones.
Ils sont en train de faire en sorte que ces drones soient armés. Ce sont des jeunes burkinabè. Le cerveau de l’homme est le même, que tu sois Chinois, Japonais, Coulibaly ou Ouattara, c’est le même cerveau. Tout ce qui se fait ailleurs, on est capable de le faire.
Il faut que vous veniez au sein des FDS avec différents profils. Aujourd’hui, on a besoin de psychologue dans l’armée parce que les gens vivent des atrocités. On a besoin d’ingénieurs. On veut construire des baraquements avec des normes qui permettent de résister à une attaque terroriste. On a besoin de divers profils dans l’armée.
Et je vous exhorte à venir. Ce qui vous freine, ce sont les faux concepts. Venez, vous allez vous rendre compte de ce que je dis. Tous ceux qui ont l’âge, engagez-vous ; vous n’allez pas le regretter. Vous allez vous épanouir de manière exceptionnelle. Je le dis, je le pense et j’en suis convaincu.
Vous devez également vous organiser. Comme vous êtes tous sur les réseaux sociaux, on est devenu l’agence de communication n°1 des terroristes. On fait la course pour être le premier à communiquer. Comme s’ il y avait un prix pour cela. Il faut que vous jeunes, responsables dans vos groupes Whatsapp et sur vos plateformes, il faut faire changer cela.
Il n’y a aucun mérite particulier à dire que ton pays a été attaqué et qu’on a tué tant d’individus et qu’on a récupéré tant de matériels. C’est un devoir d’informer la population de ce qui se passe, mais communiquer pour les terroristes, il n’y a aucun mérite à le faire. Il faut qu’on revoie cela.
Ensuite, il faut que vous soyez des combattants de seconde zone. Avec le smartphone, vous êtes un combattant pour tuer les idées qui sont véhiculées.
Faites très attention parce que les terroristes se basent le plus souvent sur des cas de vraies injustices, de pauvreté, de vulnérabilité pour facilement gagner des gens.
Souvent, ils n’arrivent pas à vous recruter physiquement mais ils peuvent changer votre mentalité. Ou alors obtenir votre silence coupable. Le silence coupable est un problème et cela nous empêche de dénoncer.
Nous devons aussi nous impliquer davantage dans la fourniture du renseignement. Je sais que c’est très difficile parce qu’on a des systèmes de sécurité pas très adaptés aux réalités socio-culturelles.
Donc pour permettre aux citoyens de dénoncer de manière rapide et discrète, on a créé une brigade numérique de gendarmerie avec une application. C’est une application téléchargeable et il y a des équipes de gendarmes pour vous accueillir en ligne .
Il faut aussi renforcer la légitimité de l’action publique via les réseaux sociaux pour faire obstacle à la désinformation. Parce qu’on est tous à la recherche de scoop. Donc dès qu’il y a une information d’actualité, tout le monde partage cela. Mais dès qu’il y a une communication pour rétablir les faits, il y a moins de gens qui partagent cela.
On doit instaurer de plus en plus une conscience populaire d’autodéfense des habitants. Si je prends un village comme Sidéradougou, ceux qui sont en mesure de défendre le village le mieux, ce sont les habitants de Sidéradougou. Ce ne sont pas les militaires formés à Kaya, à Bobo et déployés à Banfora qui vont venir rapidement défendre Sidéradougou.
La sécurité, par essence, est d’abord un élément personnel. Le sujet d’insécurité pour mon amie est le même que pour moi. Je prends un exemple. Si j’ai peur d’un chien, si un chien enragé entre ici, je vais entrer sous la table. »