39 États africains ont réduit de 18% la part de leur budget national consacré à l’agriculture entre 2019 et 2021. Et deux tiers d’entre eux (26) ont dépensé moins de 5 % de leur budget annuel dans le secteur agricole. C’est ce qu’a révélé Oxfam dans un communiqué rendu public le 17 juillet 2022. L’ONG appelle les gouvernements africains à donner la priorité aux petits producteurs et productrices de denrées alimentaires.
Par Tatiana Kaboré
Dans un communiqué, Oxfam a indiqué que « La Corne de l’Afrique et l’Afrique de l’Ouest sont confrontées à l’une des pires crises alimentaires de la décennie, avec 66 millions de personnes qui risquent de mourir de faim en raison de la sécheresse, de l’irrégularité des précipitations et des conflits ».
Alors que la famine continue de s’aggraver, affectant des millions de personnes sur le continent, 39 États africains ont réduit de 18% la part de leur budget national consacré à l’agriculture entre 2019 et 2021, selon l’ONG. Et deux tiers d’entre eux (26) ont dépensé moins de 5 % de leur budget annuel dans le secteur agricole.
« Le continent africain détient environ un quart des terres agricoles du monde mais il fait face à une crise de la faim alarmante, et ce, tandis que le continent dépense plus de 60 milliards de dollars par an pour importer des aliments qu’il pourrait produire localement s’il investissait dans ses propres agriculteurs et agricultrices, producteurs et productrices alimentaires », a déclaré Peter Kamalingin, directeur panafricain d’Oxfam International.
Pour l’organisation, la majorité des États membres de l’Union africaine n’ont pas honoré leur engagement d’investir au moins 10 % de leur budget dans l’agriculture, conformément à la déclaration de Malabo de 2014.
Cependant, elle regrette le fait que malgré le déficit de dépenses dans le secteur agricole, les gouvernements africains dépensent des milliards de dollars pour renforcer leurs défenses militaires. Une chose qui, pour elle, alimente les conflits, les déplacements des populations et la faim.
« Le budget de la défense est supérieur à celui de l’agriculture dans plus de la moitié des pays d’Afrique. De nombreux programmes publics dans le domaine de l’agriculture profitent principalement à une poignée de grandes entreprises agroalimentaires qui monopolisent les exportations de produits alimentaires, laissant les petits exploitants agricoles, qui représentent une part importante de la main-d’œuvre du continent, sans accès au crédit, aux assurances, à la propriété foncière », déplore l’organisation.
Le FMI et la Banque mondiale accusé d’avoir contribué à la faible production agricole de l’Afrique
L’ONG souligne aussi que la pandémie de covid-19, le changement climatique et les tensions sur les marchés mondiaux ont porté un coup dur à l’économie africaine et ont affecté la capacité des gouvernements à investir dans des secteurs clés tels que la santé, l’éducation, l’agriculture et la protection sociale.
Oxfam ajoute que le continent est également paralysé par la dette, qui absorbe en moyenne 51 % de ses recettes budgétaires.
« Dans un certain nombre d’États membres de l’UA, le remboursement de la dette constitue désormais le plus gros poste de dépenses du budget national, ce qui est insoutenable et se fait au détriment des services publics destinés aux personnes vulnérables », précise-t-elle.
Pour ce faire, elle accuse le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale d’avoir contribué à la faible production agricole de l’Afrique, notamment en recommandant aux gouvernements de mettre en œuvre des mesures d’austérité et d’investir dans les cultures de rente plutôt que dans les cultures vivrières.
Cela se justifie par le fait que « 14 des 16 gouvernements d’Afrique de l’Ouest ont l’intention de réduire leurs budgets nationaux d’un montant combiné de 69,8 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années ».
A en croire l’organisation, la communauté internationale a également un rôle important à jouer dans la lutte contre les mouvements illicites de capitaux, privant l’Afrique d’environ 88,6 milliards de dollars par an.
Une perte qui se traduit par des déficits de financement dans des secteurs clés tels que l’agriculture, la santé, l’éducation et la protection sociale. Ce montant est suffisant pour multiplier par dix les dépenses dans l’agriculture.
Donner la priorité aux petits producteurs et productrices de denrées alimentaires
En revanche, Oxfam, recommande aux nations africaines d’accélérer leur progression vers l’intégration régionale et supprimer tous les obstacles au commerce régional afin que les denrées alimentaires et les intrants agricoles puissent circuler librement au-delà des frontières nationales.
Aussi, elle estime que pour briser le cycle de la faim en Afrique, les gouvernements doivent augmenter les dépenses consacrées à l’agriculture pour atteindre au moins 10 % de leur budget total, en donnant la priorité aux petits producteurs et productrices de denrées alimentaires. Ils doivent renforcer le système alimentaire en démantelant les cartels qui exploitent les agriculteurs, agricultrices et la population qui consomme.
« De nombreuses femmes africaines commerçantes transfrontalières subissent beaucoup de harcèlement et d’exploitation sexuelle aux frontières alors qu’elles jouent un rôle important dans la distribution de nourriture. Nous devons délibérément chercher à écouter leurs voix, qui ont été jusqu’à présent étouffées par les discussions de haut niveau autour de l’intégration régionale et du commerce », a proposé Mercia Andrews, directrice de Rural Women’s Assembly Southern Africa.
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