Au Burkina, il existe un musée de la femme. Œuvre de la princesse Juliette Yabré Kongo, il est situé dans le village de Kolgendiessé, dans la commune de Ziniaré. Des objets d’art historiques consacrés uniquement à la femme y sont exposés et attirent beaucoup de visiteurs.
Devant une cour royale aux murs peints en rose, une statuette de la princesse Yennenga nous accueille. Juste au côté gauche, on y voit une cour clôturée d’un long grillage.
A l’intérieur, le « Musée de la femme » se dresse. Il est construit en pierres taillées sous la forme de trois cases traditionnelles africaines symbolisant les « trois pierres du foyer » de la femme. Il y a deux portes.
Au-dessus de la première et la principale, c’est écrit « Musée de la femme » tandis que sur la seconde, on peut lire « Paagb-Nooré » ou littéralement en langue locale mooré, la « porte des femmes ».
Devant le musée, toujours en chantier, la statuette de la princesse « Wemba Poko », la femme chargée du pardon et de la réconciliation, un foyer symbolique où il y a un feu et le monument des tombes des FDS, VDP et civils tombés lors des attaques terroristes se dressent.
En arrière- plan, le vestibule de la cuisine de la femme. Il est composé de la meule, d’une case maternelle, d’une hutte de la femme peulh et d’une case des fétiches. Un hangar d’accueil où repose le trône de la princesse, se dresse au milieu.
Objets d’art spécifiques
L’intérieur du musée est compartimenté en trois blocs. Dans le premier, les objets d’art symbolisant le mariage de la femme sont entreposés dans des vitres dont le panier de la nouvelle mariée.
Le second est consacré aux objets de parure et du rituel de la mort. Le troisième regroupe les ustensiles de cuisine dont la calebasse cassée bien cousue qui symbolise la patience, le pouvoir de reconcilier et d’unir les humains par la femme.
La princesse Juliette Kongo est la promotrice du musée et guide touristique. Elle est habillée en pagne traditionnel tissé de couleur noire surmonté d’une chemise blanche et d’un foulard, le cou bardé de jolis colliers en perles.
« Tout est parti d’une grande inspiration. J’étais couchée là, la nuit et l’idée m’est venue comme une vision », nous explique la fille du troisième fils du « Moogho Naaba Koom II », le visage plein de sourires.
Selon elle, « l’idée de créer ce musée est venue du fait qu’étant membre de la grande cour royale, je voyais que de plus en plus nos grand-mères, nos mamans, décédaient dans l’ombre et le silence et personne ne parlait plus d’elles », indique-t-elle.
« Les femmes sont les piliers de nos sociétés. C’est ainsi que j’ai décidé de mettre en exergue ce côté des femmes qui est un pan important par rapport à la chefferie coutumière », précise-t-elle.
Après le rituel obligatoire de l’eau qui symbolise l’accueil et la bienvenue aux visiteurs, celle qui est devenue Reine mère de Pangoula au Cameroun et coach en développement personnel, fait visiter le musée en étant elle-même le guide.
Objectif spécifique…
Elle revient sur l’objectif du musée. « A l’époque de nos grands-mères, il y avait ce qu’on appelait le Kéogo des femmes qui préparait la jeune fille à être mère, épouse, accompagnatrice de son mari et à savoir respecter, maitriser son corps et gérer sa libido », dit-elle. Ainsi, « nous voulons que cela puisse profiter à la prospérité », justifie-t-elle.
Le projet du musée date du 8 mars 2005 avec des activités qui se mènent depuis 2008. Beaucoup d’activités se mènent ici dont essentiellement la formation des jeunes filles, des cours d’art culinaire et des concours d’art de spectacle où les femmes apprennent à danser aux filles.
Mais « le plus important c’est l’education car elle est la base de tout. Si nous avons des citoyens bien éduqués, l’incivisme va régresser et c’est pour cela que je me suis engagée à le faire », indique-t-elle.
Tous les objets exposés sont exclusivement de la femme sauf un sabre de son grand-père ancien combattant, servant de trophée de la guerre mondiale. Des femmes regroupées au sein d’une association y travaillent.
Des visiteurs émerveillés
La période allant du 18 avril au 18 mai 2024 a été choisie comme mois du patrimoine culturel national par les autorités du Burkina. Arsène Birba est un visiteur rencontré sur les lieux.
Pour lui, « je ne regrette pas d’avoir effectué le déplacement ici car c’est très enrichissant avec beaucoup de conseils », dit-il avec le sourire aux lèvres.
« J’ai appris beaucoup de choses à travers l’histoire racontée sur la femme moagha. La femme dans la société moagha n’est pas rejetée. Au contraire, elle occupe une place importante dans cette société », poursuit-t-il.
Quant à Clémentine Dipama, une visiteuse du hasard et par curiosité, elle se dit émerveillée. « C’est vraiment magnifique. On n’était pas rassuré qu’on allait etre émerveillé à ce point », indique-t-elle.
« J’ai découvert beaucoup de choses car il y a beaucoup d’histoires, beaucoup d’objets qui nous rappellent l’époque de nos grand-parents, de nos grand-mères surtout la calebasse de la cohésion sociale qui m’a le plus marquée », précise-t-elle.
Cuisine et danse traditionnelles
Sur le site, une association mène plusieurs activités connexes en lien avec les pratiques traditionnelles chez la femme moagha.
Il s’agit de la gestion du foyer conjugal, de la cuisine, de la danse traditionnelle, de la saponification, etc. L’apprentissage concerne les filles ayant au moins 12 ans. Plus d’une cinquantaine de filles ont déjà bénéficié de la formation.
Christiane Bonkoungou est une écolière de la classe de 4e. Elle est venue apprendre la cuisine et les petits travaux ménagers en lien avec la tradition.
Le tablier au cou, elle passe d’une marmite au feu à l’autre qu’elle remue. Pour la jeune fille, « je suis contente de l’apprentissage car je découvre beaucoup de choses. Avant, je ne savais pas comment préparer les beignets et quels étaient les ingrédients qui composaient ce met local ».
Céline Zongo, membre de l’association, est chargée de l’encadrement des filles à la maitrise de la cuisine traditionnelle. Le regroupement des apprenantes se fait périodiquement en tenant compte de la proportion et du temps favorable.
Selon elle, « beaucoup de fillettes ne connaissaient rien. Mais, grâce à l’apprentissage, elles maitrisent aujourd’hui ».
Rachelle Compaoré s’occupe de la danse traditionnelle. Castagnettes en mains, elle joue une petite mélodie. Quant à elle, « c’est un choix personnel d’assurer cet encadrement », explique la dame.
« Le musée est important pour nous car il nous permet de découvrir », raconte la danseuse. « Il faut insister dans la formation et l’education des filles en matière de tradition », dit-t-elle.