Le Président du Niger, le général Abdourahmane Tiani a abrogé par ordonnance la loi de 2015 qui criminalise le trafic de migrants. en guise de réponse aux représailles financières de l’Union européenne au Niger. Le général va-t-il parvenir à infléchir la position de l’Europe ?
En décidant d’abroger cette loi anti-migrant par ordonnance, le président du Niger, Abdourahmane Tiani, veut à son tour « sanctionner » l’Union européenne sur ses prises de position contre le coup d’Etat du 26 juillet 2023. Et surtout son soutien aux sanctions de la Communauté des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et ses appels au rétablissement du Président déchu Mohamed Bazoum.
En 2015, sous la gouvernance Bazoum, une loi a été prise sur le trafic de migrants. Elle avait pour but de promouvoir et de faciliter la coopération nationale et internationale en vue de prévenir et de combattre le trafic illicite des migrants sous toutes ses formes.
Aujourd’hui, cette abrogation sonne comme une stratégie de la junte militaire au pouvoir pour faire assoupir la position de l’Union européenne à son égard en cette période où se débat avec hystérie en Europe sur la question migratoire.
Le général Abdourahmane Tiani va-t-il réussir à atteindre cet objectif ? En tout cas, c’est une trouvaille qui ne manquera pas d’avoir des répercussions sur le flux des migrants en direction de l’Europe. Et qui, par conséquent gênerait l’Occident.
Auparavant, avec la loi de 2015, le régime socialiste renversé en juillet 2023 avait affiché sa volonté de lutter contre les flux de migrants cherchant à rejoindre l’Europe à partir de la Libye.
Elle permettait d’engager des poursuites pénales contre les nigériens qui facilitaient le transport des migrants étrangers vers le nord de la Libye et de l’Algérie. Les contrevenants étaient passibles de peine d’emprisonnement de cinq à dix ans et d’amendes d’un million à cinq millions de francs CFA.
En effet, depuis l’adoption de cette loi, le 26 mai 2015, les réseaux de passeurs basés dans le nord du Niger avaient été démantelés et une grande partie de leurs infrastructures d’accueil et de transport saisies, même si l’activité se poursuivait clandestinement.
La politique européenne migratoire étant fondée sur l’externalisation des contrôles aux frontières, l’Union Européenne (UE) se retrouve un peu dépendante du contrôle des flux migratoires au Niger. Et le gouvernement nigérien compte peut-être utiliser l’argument migratoire pour faire pression sur l’Union Européenne.
De ce fait, le Niger veut montrer comment l’UE s’éloigne de ses responsabilités à travers la mise ne place d’une politique migratoire d’externalisation du contrôle des frontières.
Au Niger, la ville d’Agadez, avec sa position géographique lui permet d’avoir le statut de carrefour migratoire, puisqu’elle est l’itinéraire le plus emprunté par l’immigration subsaharienne qui tente de rejoindre l’Afrique du Nord et, ultimement, l’Europe.
Et comme l’UE au parlement européen vient de voter une résolution exigeant la libération immédiate et inconditionnelle du Président Mohamed Bazoum, l’abandon de toutes les charges pesant contre lui et son rétablissement dans ses fonctions.
Le général Tiani va aussi utiliser son levier pour ouvrir les portes de la Libye et de l’Algérie aux migrants. Et l’abrogation de cette loi est comme un ouf de soulagement pour les passeurs dans la ville d’Agadez.
La population et les organisations de la société civile qui ont décrié la loi aux premières heures de son adoption ne pourraient que se réjouir aujourd’hui de cette initiative du général Tiani.