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Nigéria : Un géant d’Afrique dans l’argile sociopolitique 

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Le climat sociopolitique est plutôt préoccupant au Nigéria, géant de l’Afrique de l’Ouest et pays le plus peuplé du continent. Les manifestations de ce mois d’août contre, entre autres, la hausse exponentielle des prix des produits de première nécessité, la mauvaise gouvernance et la corruption endémique sont encore fraîches. Pourtant, le gouvernement ne semble pas avoir pris la pleine mesure de la situation du pays qui, selon le président de la Conférence des évêques catholiques, « est assis sur une bombe à retardement »… 

Par Serge Mathias Tomondji

C’est l’un des plus grands pays de l’Afrique ! Avec ses 923 768 km2, le Nigéria occupe, en termes de superficie, le quatorzième rang des États du continent. En revanche, ce pays, qui abrite plus de 170 tribus et 500 langues, est le plus peuplé d’Afrique avec, selon Contrymeters, plus de 230 121 805 habitants.

Le Nigéria devrait d’ailleurs devenir, en 2050, « la troisième nation la plus peuplée du globe, juste devant les États-Unis et seulement derrière l’Inde et la Chine », avec une population de 377 millions d’habitants.

Le Nigéria est aussi un pays de gagnants, possédant l’une des plus fortes économies du continent.

Le pays perd son fauteuil de première puissance économique africaine en termes de Produit intérieur brut (PIB), selon le classement 2024 des pays les plus riches d’Afrique.

Cependant, son PIB s’est accru au deuxième trimestre 2024 à 3,19%, indique l’Agence Ecofin, même si l’on reste « loin de l’objectif de 6% annoncé par le président Bola Tinubu lors de la prise de ses fonctions en mai 2023 ».

C’est un fait, la croissance de l’économie nigériane reste encore faible « malgré les réformes audacieuses engagées par les autorités ».

Mais le pays restera, selon le Fonds monétaire international, dans le Top 4 des premières économies d’Afrique jusqu’en 2030, avec l’Afrique du Sud, l’Égypte et l’Algérie.

Géant d’Afrique par sa taille, mais surtout par sa population, son économie et ses performances internationales dans plusieurs domaines, le Nigéria reste toutefois fragile sur le plan sociopolitique.

Une démission qui tombe mal…

La démission surprise, le 24 août dernier, du directeur général de l’Agence nationale de renseignement (NIA), Ahmed Abubakar, constitue sans doute l’un des épisodes du feuilleton qui se joue dans ce pays depuis quelques semaines.

En poste depuis 2018, Ahmed Abubakar dit avoir quitté son poste pour convenance personnelle. « J’ai discuté avec Monsieur le Président, il a très bien compris et j’ai promis de rester engagé dans les questions de sécurité dans le pays », indique le désormais ancien chef des renseignements, qui évoque « des problèmes personnels, familiaux » pour justifier sa décision.

Cette décision ne peut cependant pas plus mal tomber, au moment où le Nigéria traverse une forte zone de turbulences sociopolitiques sur fond de rumeurs de coups d’État, jusque-là démenties.

Des milliers de Nigérians ont en effet colonisé, au début de ce mois d’août, les rues du pays, sous la bannière du mouvement End Bad Governance qui exige notamment « le rétablissement des subventions aux carburants » et des actions concrètes et fortes pour contrer « la hausse exponentielle des prix des produits de première nécessité ». 

Le panier des revendications comprend également, précise l’Agence Fides ce 26 août, « un salaire minimum pour les travailleurs, des réformes de la police, considérée comme corrompue et violente, et du système judiciaire, considéré comme injuste et corrompu ».

Résumant la situation du pays en ces temps plutôt troublés, Mgr Lucius Ugorji, archevêque d’Owerri et président de la Conférence des évêques catholiques du Nigeria (CBCN), n’a pas manqué d’afficher son inquiétude.

« Le Nigéria est assis sur une bombe à retardement », a-t-il martelé ce 26 août, lors de l’ouverture de la deuxième Assemblée plénière de la CBCN, à Auchi, dans l’État d’Edo.

Le prélat fait bien entendu référence aux manifestations qui ont violenté le Nigéria, lorsque le pays a vécu, entre le 1er et le 10 août 2024, au rythme de grèves et de manifestations qui ont dégénéré dans des violences inouïes, surtout dans les États du Nord.

Comme à Kano, où « des voyous déguisés en manifestants ont attaqué et vandalisé des bureaux gouvernementaux et pillé des biens privés ».

Un couvre-feu a ainsi été imposé dans cet État, le deuxième plus grand du pays, où plus de 870 suspects ont été arrêtés par la police. Certains de ces manifestants ont été « surpris en train d’agiter des drapeaux russes tout en appelant à la mise en place d’un gouvernement militaire au Nigéria ». 

La jeunesse nigériane a donc crié sa faim, face à l’inflation galopante consécutive aux mesures économiques du gouvernement, et a appelé à la bonne gouvernance dans la gestion des affaires du pays. Et il faut croire que les choses n’en resteront pas là. « Tant que la nation sera en proie à la pauvreté, à la souffrance et à la corruption, et tant que l’avenir de la jeunesse dans notre pays restera sombre, nous continuerons de connaître des protestations », a notamment prévenu Mgr Lucius Ugorji.

Attitude « illusoire et condamnable »

D’ailleurs, le président de la Conférence des évêques catholiques du Nigéria appelle vivement le président Bola Ahmed Tinubu à revoir ses politiques économiques afin de diminuer la souffrance de ses compatriotes. Non sans avoir déploré le fait que les agents de sécurité… « essaient de priver les citoyens de leurs droits et libertés démocratiques de protester ou de donner l’impression que tout va bien dans le pays et qu’il n’y a vraiment pas lieu de protester ».Pour lui, une telle attitude est parfaitement « illusoire et condamnable » !

D’autant que, indique la presse nigériane, de nouvelles manifestations sont prévues pour le mois d’octobre. Pendant ce temps, le gouvernement de Tinubu vient d’acquérir un nouvel avion présidentiel, un Airbus A330, qui suscite polémique et indignation.

La grogne est donc montée d’un cran dans le pays le plus peuplé d’Afrique et l’indignation s’affiche sur les réseaux sociaux.

Intervenant moins de deux semaines après la gigantesque protestation contre la vie chère, beaucoup de Nigérians perçoivent l’acquisition de cet appareil comme une provocation, « la dernière d’une série d’acquisitions extravagantes du gouvernement ».

Assurément, il y a lieu, au Nigeria, comme dans d’autres pays, de tenir compte de la colère de la population et du pouvoir de la rue.

La lutte contre la vie chère, la corruption, la mauvaise administration de la justice, ainsi que la promotion des secteurs productifs et de meilleures opportunités d’emplois pour la jeunesse doivent être les principales préoccupations des gouvernants.

Le Nigeria doit donc rapidement trouver les ressorts politiques et économiques adéquats pour ne pas s’enrhumer et apaiser le climat social dans le pays.

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