Dans la ville de Ouagadougou, capitale du Burkina, des passerelles érigées en certains points des voies pour faciliter les traversées par les piétons ne sont pas utilisées comme cela se doit. Constat.
A Ouagadougou, afin de fluidifier la circulation et de réduire les risques d’accidents, l’État a construit des passerelles.
Elles sont situées devant des centres hospitaliers universitaires, des gares routières, des marchés et « yaars » et au pied des échangeurs.
Ces ponts étroits réservés aux piétons pour leur permettre de traverser en toute sécurité des voies, sont tous proches de feux tricolores et d’intersections.
Au constat, leur usage est toujours moins fréquent. Les piétons préfèrent souvent traverser directement la chaussée.
Il est 12 h30, le lundi 18 septembre 2023. Nous sommes sous la passerelle du Centre hospitalier universitaire Yalgado Ouédraogo, le plus grand hôpital de la capitale.
Des sachets sont jetés sur les escaliers et au nombre des motos du parking qui longent l’ouvrage, quatre grosses motos gênent l’accès aux escaliers de la passerelle.
A 14h10 mn, le constat n’est pas meilleur au précédent. Sous le passage à niveau sis devant le Centre hospitalier universitaire de Bogodogo, dans l’arrondissement 2 de Ouagadougou, des blocs de béton protègent la voie. Le bas des escaliers, situé au côté Ouest de la voie, est envahi par l’herbe.
Ce pilier de la passerelle jouxte le mur d’enceinte de l’Institut supérieur de génie électrique du Burkina Faso (ISGE-BF).
Du côté Est, le pied de l’escalier se termine dans un canal d’évacuation d’eau bien entouré par des barrières métalliques. L’accès à la passerelle à ce point est impossible.
Centre-ville et périphéries de Ouagadougou : même constat
Un peu plus tôt dans la matinée aux environs de 10 H, nous sommes à la passerelle de Nioko II, 4e arrondissement (Nongremassom), toujours dans la ville de Ouagadougou.
Ce passage à niveau est situé devant le marché dudit quartier, des blocs de béton longent la passerelle et en protègent l’accès. Des adultes les enjambent puis traversent la chaussée dans tous les sens.
Des cyclistes et des motocyclistes forcent aussi le passage et traversent la voie. Il y a quelques enfants qui empruntent la passerelle.
Une femme qui a souhaité garder l’anonymat nous raconte : « le pont-là, c’est pour les enfants. Moi, je suis adulte. Voilà pourquoi, je n’ai pas emprunté la passerelle. Je crains certes les véhicules mais je fais très attention en traversant ».
« Pour celui qui sait que la traversée de la chaussée est très risquée, qu’il utilise les escaliers » conseille-t-elle cependant.
Après Nioko II, ( 4e arrondissement (Nongremassom) nous voici à la passerelle de la gare routière de l’Est. Elle se trouve à 10 m du feu tricolore et dans un sens giratoire.
Son accès est à sens unique. Quatre chaussées principales et deux pistes cyclables ont été construites. Ce qui augmente le risque d’accidents.
Entre 11h15 et 12h20, seuls deux enfants, des vendeurs ambulants, ont utilisé la passerelle pour traverser la voie.
Les piétons profitent du feu stop pour franchir la chaussée. Des tricycles en stationnement ferment l’accès aux escaliers qui mènent à la passerelle.
A Loumbila, une commune située dans la province de l’Oubritenga, à une vingtaine de km de la capitale, une passerelle facilite le franchissement de la grande voie traversant la localité.
Elle est à double sens et couvre une chaussée principale et deux pistes cyclables. Cette infrastructure est endommagée. Les barres de fer de la structure du pont, dénudées, sont bien visibles.
Ici, seuls de petits enfants et des riverains utilisent la passerelle. « Parfois, des élèves durant les périodes de cours » explique Pascal Sawadogo surnommé « le Maire » qui ajoute que « des personnes l’utilisent pour y pratiquer leur sport de maintien. »
Les explications du sociologue Bouraiman Zongo
Selon Bouraiman Zongo, Dr en sociologie, enseignant-chercheur à l’Université de Ouagadougou Joseph Ki Zerbo, ces passerelles ne sont pas dans les habitudes culturelles des citadins de Ouagadougou.
« Les habitants de la ville de Ouagadougou aiment beaucoup les raccourcis. Les piétons à Ouagadougou ont toujours appris à se débrouiller en l’absence d’un aménagement spécifique de la route pour eux. » explique-t-il.
« C’est cette envie du raccourci qui fait qu’on prend ce détour dangereux alors que les passerelles viennent nous aider à minimiser les risques d’accidents qui sont de plus en plus nombreux avec l’augmentation des automobiles et des motos dans la ville de Ouagadougou », soutient le sociologue Bouraiman Zongo
Il préconise la sensibilisation et l’éducation pour remédier au phénomène. « Sur la voirie, la grosse question, c’est l’éducation. Au-delà de ces passerelles, on n’est pas très sûr que les usagers de la route aient la pleine conscience de l’utilité des passerelles pour chacun et pour tous. » dit-il
Si bien que le sociologue affirme qu’on a l’impression que chacun pense que la route lui appartient et il a ses propres règles de conduite.
« Il y a donc un travail d’éducation routière qu’il faut intensifier chez les petites catégories, dans les écoles primaires, les lycées et dans les médias pour les grandes personnes » selon le docteur en sociologie et enseignant-chercheur Bouraiman Zongo.