L’occupation anarchique des trottoirs à Ouagadougou, la capitale du Burkina, est une pratique qui perdure. Malgré les multiples descentes policières, la pratique reste inchangée voire répandue. Bien qu’informés de l’interdiction de ces occupations de trottoirs, les acteurs du secteur informel s’y adonnent à fond tout en développant des astuces pour sécuriser leurs potentiels clients et éviter des embouteillages ou des drames. Libreinfo.net en a fait le constat le 16 janvier 2023 en parcourant quelques artères de la ville.
On peut dire sans hésitation qu’il n’y a plus de trottoirs à Ouagadougou.
La ville est devenue un commerce à ciel ouvert au point où les abords des voies sont anarchiquement occupés par des commerçants qui ne se gênent pas du tout à y mener leurs activités.
L’implantation de boutiques, de tentes sert de lieu de service à des commerçants qui vendent des articles de tout genre.
Pour toucher du doigt cette réalité, j’ai sillonné quelques endroits de la capitale, le lundi 16 janvier.
Au quartier Toéyibin, je rencontre Mme Fatimata Ouédraogo. Elle est une commerçante installée au bord d’une voie bitumée.
Assise dans ses sacs de friperies, elle dépoussière un à un les sacs restants pour les mettre à la disposition des clients.
Ces habits sont «versés» presque sur la voie. Lorsque j’engage la discussion avec elle, elle me fait comprendre qu’elle reconnaît avoir occupé un trottoir.
« Lorsqu’on reçoit un client, on l’invite à placer sa moto à côté avant de venir» dit-elle. Déposer la moto sur la voie? A peine je me pose la question. Débordée de fois par la clientèle, des embouteillages se créent même à son insu.
« Parfois, il peut y avoir des embouteillages à notre insu. Le jour de marché, chacun stationne là où il veut parce que nous sommes de fois débordés par les clients» affirme mon interlocutrice qui dit néanmoins ne pas vouloir avoir affaire à la police municipale.
De loin, juste à côté d’une boutique, je trouve Soumaïla Tenkodogo. Son métier, coller les chambres à air des motos qui crèvent. Assis sur une chaise, il scrute l’horizon en attendant un éventuel client.
Il est bien conscient du problème qui peut survenir lorsqu’on occupe anarchiquement un trottoir d’une voie. Il m’indique qu’il exerce le métier avec précautions.
« Lorsque nous voulons pomper ici, on le fait avec précaution. On s’assure qu’on ne gêne personne. S’il y a du monde, on arrête en attendant la fluidité du trafic », a-t-il expliqué.
En plus de lui, il y a Naraouna Poulayéré, un vendeur de pneus. Il occupe partiellement la voie pour son travail une fois son hangar plein.
En vue d’éviter les embouteillages, il dit interpeller fréquemment les clients à se stationner un peu plus loin en attendant leur tour.
Mme Maimouna Nikiema que je rencontre est contre ces occupations anarchiques qui causent le plus souvent d’accidents. Cette commerçante de carottes, y voit un danger potentiel.
« La construction de boutiques sur les voies constitue un danger potentiel. Cela peut causer des accidents. De nos jours, les gens roulent la tête ailleurs. La moindre erreur peut être fatale et causer d’autres dégâts » a-t-elle indiqué.
Pindwendé Ilboudo, usager, s’est aussi inscrit dans cette même logique. Pour lui, bien que ces constructions soient des moyens de procuration des marchandises sans difficulté, les implantations de boutiques troublent la circulation dans les moments à fortes affluences.
Cela consiste à restreindre la voie et exposer des risques selon lui. « On constate qu’il y a partout des constructions sur les voies.
Déjà que les voies sont petites, elles deviennent encore plus petites avec ces boutiques construites ça et là. C’est un risque pour les usagers de la voie avec ces clients qui stationnent sur le goudron. Cela présente tellement de risques », a-t-il conclu.
Des piétons qui se plaignent
M. Moumouni Sakandé est un piéton. Il dit marcher le plus souvent sur les trottoirs. Cependant, depuis longtemps, confie-t-il, il n’y a presque plus de trottoirs dans la ville de Ouagadougou.
« L’occupation des trottoirs est ancrée dans les habitudes des Ouagavillois » affirme M. Sakandé. « Aujourd’hui, on ne peut plus voir de trottoirs libres. Chacun occupe les lieux pour exercer son commerce pourtant cela est interdit » dit-il.
C’est une forme « d’incivisme » qui, pour lui, occasionne aussi des accidents. « Les occupations, en plus de rétrécir les voies, entraînent des accidents », a-t-il indiqué.
Intervenant dans le même sens, Muriel Ouédraogo qui emprunte aussi les trottoirs parfois, trouve que le phénomène est criard et qu’il faut le prendre à bras le corps.
Que fait la Police municipale ?
Selon Stéphanie Bonzi/Savadogo chef de service de l’Information et de la communication de la Police municipale de Ouagadougou, l’occupation du domaine est encadrée par des textes dont la délibération n°2010-006, portant réglementation de l’occupation du domaine public dans la ville de Ouagadougou.
De cette réglementation, sont définies les conditions d’occupation du domaine public, la procédure de demande d’autorisation d’occupation du domaine public ainsi que les taxes selon les zones.
« La Police Municipale dans ses missions de sécurité publique mène au quotidien des opérations de lutte contre l’occupation du domaine public dans la ville de Ouagadougou. Mais jusqu’ici, le constat est toujours alarmant parce que la population fait la sourde oreille sur ce problème et pourtant elle est belle et bien consciente des conséquences », a-t-elle laissé entendre.
La cheffe de service a indiqué que les causes principales de ce phénomène sont motivées par l’incivisme de la population. Malgré les différentes sensibilisations menées par la police municipale au quotidien, rien n’a changé.
Ces pratiques, selon elle, occasionnent des accidents liés à l’encombrement du domaine et l’insalubrité de la voie publique. Toutefois, la police municipale ne cesse de jouer son rôle dans la lutte contre ce fléau.
« Nous sommes toujours sur nos gardes concernant ce fléau et nous ne nous reposerons que si la population Ouaga-villoise nous montre par son comportement que la leçon sur l’occupation du domaine public est bien comprise et bien appliquée», a indiqué Stéphanie Bonzi/Savadogo.
Par ailleurs, elle a appelé la population à respecter la réglementation sur l’occupation du domaine public et à comprendre que ces codes sont pour leur propre sécurité.
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