Les élections couplées présidentielle et législatives du 22 novembre 2020 a changé le cours de l’opposition politique au Burkina. Zéphirin Diabré ne sera vraisemblablement pas encore le chef de file de l’opposition dans les cinq années à venir. Avec douze députés provisoirement derrière le MPP et le CDP, il pourrait céder la place à Eddie Komboigo du CDP qui a remporté vingt sièges. Mais que retenir de ses huit années à la tête de chef de file de l’opposition? Libre info fait une rétrospection sur le parcours de cet homme de 61 ans durant tout ce temps.
Par Siébou Kansié, Directeur de l’information
En décembre 2012 après les élections couplées législatives et municipales, le paysage politique burkinabè découvre un nouveau chef de file de l’opposition. Il s’agit de Zéphirin Diabré, l’économiste de 61 ans. Pour la première participation de son parti UPC au scrutin il remporte dix neuf sièges de députés deuxième force politique après le parti au pouvoir CDP,19 maires et plus de 1600 conseillers municipaux. Ce qui fait de lui le remplaçant de Me Bénewendé Sankara de l’UNIR/PS. Avec Zéphirin Diabré à la tête de l’opposition c’est une nouvelle page de la politique burkinabè qui commence.
Elu député il refuse de siéger à l’Assemblée nationale mais fait de son principal combat l’alternance démocratique. Depuis lors, il réussit la prouesse de rassembler les partis politiques de l’opposition autour d’une union sacrée qui est d’empêcher Blaise Compaoré de modifier l’article 37 de la constitution pour briguer un autre mandat en 2015. A ce combat s’ajoute celui de l’anti sénat.
Le 2 novembre 2013 lors de la rentrée politique de l’opposition, Zéphirin Diabré appelle les dignitaires du CDP en désaccord avec la manœuvre constitutionnelle de l’ex-président Compaoré à démissionner et rejoindre l’opposition. Un appel bien entendu puisqu’en 2014, certaines grosses têtes du parti au pouvoir tels que Roch Kaboré, Simon Compaoré, Salif Diallo entre autres démissionnent du parti pour créer le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), l’actuel parti au pouvoir. Du sang neuf qui va propulser la lutte contre le régime Compaoré.
L’opposition conduite par Zéphirin Diabré réussi sa victoire avec l’annulation du projet de sénat. En effet, le 18 janvier 2014, à moins de dix jours du vote, l’opposition de Zéphirin Diabré multiplie les pressions pour contraindre Blaise Compaoré à renoncer à son projet. Il organise avec des organisations de la société civile, des marches contre le Sénat et la modification de l’article 37. Les manifestations portent fruit. Le Président Compaoré, renonce au projet du Sénat mais maintient la modification de l’article 37 par voie parlementaire. Zeph. tente vainement d’obtenir le ralliement du syndicat. Malgré tout le lion de la politique burkinabè continue la lutte.
Le chef de file de l’opposition politique incarné par Zéphirin Diabré ne perd pas du temps à mobiliser les populations, des marches, meetings et des protestations à l’échelle nationale sont organisés régulièrement afin de pousser le régime Compaoré à abandonner son projet de révision constitutionnelle. Chaque camp: l’opposition, le front républicain né subitement dans la période de lutte pour soutenir Blaise Compaoré et le CDP rivalisent avec les mobilisations. Chaque partie mesure sa force de mobilisation dans les stades en remplissant « recto verso » et les rues.
Le 28 octobre 2014,Zeph et ses camarades de l’opposition politique passent à une vitesse supérieure. Ils appellent à la désobéissance civile qui a été largement suivie. Le lion rugit partout, dans les médias, les stades, à la place de la révolution etc. Zéphirin Diabré est entrain d’écrire une nouvelle page de l’ histoire politique lentement et surement.
Le 30 octobre 2014, le jour-même du vote de la loi controversée, les manifestations populaires emportent le régime Compaoré. L’Assemblée nationale est incendiée et des morts sont enregistrés. Zéphirin Diabré change de revendication et appelle à la démission du président du Faso Blaise Compaoré qui totalisait 27 ans de pouvoir sans une véritable opposition à la hauteur de sa politique. Le président Compaoré dépassé par les évènements annonce sa démission et prend la fuite en direction de la Côte d’Ivoire. Le chef de file de l’opposition et ses compagnons de lutte peuvent parler désormais d’alternance. Une nouvelle ère politique commence au Faso.
Les militaires avec à leur tête Yacouba Isaac Zida, prennent le pouvoir. M. Diabré refuse de diriger la transition mais au nom de l’opposition politique participe à l’élaboration de la charte de transition et à la mise en place des institutions de la transition.
Investi candidat de l’UPC à l’élection présidentielle du 29 novembre 2015, il sort encore deuxième dès le premier tour derrière Roch Kaboré du MPP avec 29,65% des voix. Aux législatives couplées à la présidentielle, son parti arrive également en deuxième position derrière le MPP. Ce score lui renouvelle le statut du chef de file de l’opposition.
Ayant mené la même lutte, des Burkinabè l’attendaient au gouvernement de Roch Kaboré. Mais Zéphirin Diabré refuse de composer avec le pouvoir MPP et reste dans son combat contre la mauvaise gouvernance. Il s’attaque à la nomination de Lassané Sawadogo à la tête de la CNSS.
Après le scrutin de 2015, le parti de Zéphirin Diabré s’est fortement préparé pour les élections couplées du 22 novembre 2020. Aux termes du double scrutin, l’UPC perd la présidentielle et se positionne à la troisième place après le MPP et le CDP. Aux législatives, il voit également le nombre de ses députés régresser de 33 à 12. Ce qui lui fait perdre sa place de chef de file de l’opposition.
Cependant, l’on retiendra de lui un véritable artisan de l’alternance politique au Burkina Faso. C’est un combat historique qu’il a mené avec les autres acteurs politiques et la société civile pour déboulonner le régime Compaoré dont personne n’imaginait l’évincer par les urnes encore moins par la rue au regard de son arsenal militaire, son encrage politique et sa ruse à dribler les opposants politiques. L’on pourrait reprocher à Zéphirin Diabré des maladresses politiques mais l’histoire retiendra son passage à la tête du chef de file de l’opposition burkinabè.