Chaque année, des milliers d’étudiants rejoignent les bancs de l’Université Joseph Ki-Zerbo de Ouagadougou. Si certains s’adonnent totalement à leurs études, en attendant de décrocher le précieux sésame (diplôme) ou un concours de la Fonction publique, d’autres ont décidé de concilier deux choses à la fois. Parallèlement à leurs études, ils entreprennent des activités génératrices de revenus. Neimata Derra, 23 ans, fait partie de ce dernier lot. Etudiante en deuxième année de Sciences de la vie et de la terre (SVT), elle se consacre également à sa passion, la couture.
Par Prisca Konkobo
Concentrée sur la couture d’un corset (un modèle de vêtements) pour une cliente, les cliquetis de la machine à coudre de Neimata, brisent le silence de la rue où se situe son atelier, dans le quartier Wemtenga à Ouagadougou.
La couture est une passion que Neimata Derra a découverte dès son plus jeune âge. C’est à 16 ans, en classe de 4e, qu’elle décide d’apprendre le métier pendant les grandes vacances. Cette rage d’apprendre depuis l’enfance, la jeune dame l’a développée en observant sa mère, Awa Kaboré. Veuve, cette dernière a dû enchaîner les petits boulots pour subvenir aux besoins de sa famille et assurer un avenir meilleur à ses cinq enfants.
Très tôt, Neimata a voulu soulager le fardeau de sa mère. « Je vendais d’abord des oranges. Puis, j’ai voulu apprendre quelque chose de mes dix doigts. J’ai commencé à apprendre la couture en 2018, quand j’étais en classe de 4e. J’apprenais pendant les grandes vacances et pendant mes heures libres. », nous confie-t-elle.
Au fil du temps, Neimata se perfectionne petit à petit et commence à coudre les vêtements de ses amis, de sa famille dans la cour familiale à l’aide de sa machine. De recommandations en recommandations, sa clientèle s’agrandit. Grâce à ses revenus, elle prend un petit local à quelques pas de la maison, qui lui sert d’atelier de couture.
Entre amphis et atelier de couture
Lorsqu’on l’interroge sur sa double vie d’étudiante et d’entrepreneure, Neimata Derra fait cas de journées très chargées.
Entre les cours, les révisions et son activité de couture, elle doit faire preuve d’une organisation rigoureuse. « Les cours, je n’arrive pas à les suivre normalement. Mais, je prends les versions PDF que je lis et j’essaye de comprendre. J’essaie de faire des exercices avec mes camarades. Pour les cours que je suis obligée d’aller suivre en présentiel, je le fais avant de venir ouvrir l’atelier dans l’après-midi», explique-t-elle.
Ses camarades de classe ne tarissent pas d’éloges à son sujet. Eben-Ezer Ilboudo, l’un de ses compagnons d’étude, admire la détermination de cette jeune dame âgée de 23 ans : « Elle se débrouille toujours pour être là quand il faut. Elle a de bonnes notes. Je peux dire que c’est une bonne étudiante et une bonne camarade vu les relations qu’elle développe avec ses camarades. Elle entretient de bonnes relations avec tout le monde ».

Djemilatou Passeré, une autre camarade, pour sa part, souligne le sérieux académique de Neimata Derra : « Malgré son emploi du temps chargé, elle n’a jamais eu de session de rattrapage. Généralement, avant chaque évaluation, nous nous retrouvons pour réviser ensemble. »

Des clients satisfaits
Neimata Derra reste souvent très tard dans son atelier pour satisfaire ses clientes. Toujours respecter ses rendez-vous et faire un travail bien fait. Tel est le crédo de la jeune fille.
« Je travaille souvent très tardivement la nuit parce que je dois respecter les rendez-vous. Souvent, je rentre à 2h du matin. La plupart du temps, ma mère reste avec moi pour me tenir compagnie. Elle ne sait pas coudre mais elle me soutient dans mes nuits blanches », fait-elle savoir.
Une valeur que certains clients apprécient chez elle. « Elle fait toujours de son mieux pour respecter les délais. Souvent, je lui donne un pagne et je lui donne deux jours pour récupérer mon habit. Malgré ses occupations académiques, elle est toujours au rendez-vous », nous confie Salimata, une cliente régulière.
Un soutien familial
Derrière cette farouche détermination se trouve une mère admirative et fière du parcours de sa fille. « Quand elle m’a dit qu’elle voulait apprendre la couture, je n’y ai pas vu d’inconvénients. Aujourd’hui, je suis très fière d’elle. Elle arrive à se prendre en charge et elle m’aide énormément dans les dépenses du quotidien avec ses revenus », confie Awa Kaboré, visiblement émue.

Neimata, de son côté, ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Plus tard, la jeune amazone ambitionne ouvrir des centres de formation en couture pour faciliter l’apprentissage à d’autres personnes. Pour ses études, elle veut continuer et se retrouver dans un laboratoire en tant que biochimiste (pour étudier les processus chimiques et biologiques au sein des organismes vivants).
Neimata Derra exhorte ses camarades à ne pas avoir peur du travail. Pour elle, travailler dur est la meilleure façon de réussir. « Tout est possible à celui qui croit. Mais il ne suffit pas de croire, il faut aussi se lever et se battre », affirme-t-elle avec conviction.
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