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Burkina/BEPC 2024 : Yamba Fatimata Dimzouré, une brevetée résiliente

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Yamba Fatimata Dimzouré, élève au Collège d’enseignement général (CEG) de Dissomey, province du Zoundweogo (Centre-Sud), malgré une blessure grave à quelques mois du BEPC, a réussi avec brio son examen 2024. Rencontre avec une élève résiliente!

Par Natabzanga Jules Nikièma

16 juin 2024 : Dissomey, à une quinzaine de kilomètres de Nobéré, dans la commune de Guiba, au lendemain de la proclamation des résultats du second tour du BEPC 2024.

Malgré ce jour de fête musulmane de la Tabaski. C’est le calme dans ce village situé dans la province du Zoundweogo.

La réussite inattendue au BEPC d’une de ses résidentes, la jeune Yamba Fatimata Dimzouré, victime de fracture suite à un accident, continue d’alimenter les causeries.

L’élève Dimzouré tient en mains son attestation de succès et son relevé de notes. Il est bien écrit, très lisiblement : «moyenne : 14,79/20 et Mention Bien ». Des béquilles en bois sont à ses côtés. Depuis la proclamation des résultats, elle ne cesse d’admirer son attestation.

Yamba Fatimata Dimzouré tenant son relevé de notes
Yamba Fatimata Dimzouré tenant son relevé de notes

Les souvenirs de l’accident qu’elle a connu sont toujours présents. Elle nous raconte aujourd’hui en souriant les circonstances de ce malheureux événement : « A deux mois du BEPC, j’ai eu une fracture au fémur droit suite à un essai de triple saut mal exécuté. C’est à quinze jours de l’examen que je suis repartie à l’école. Je ne savais pas que j’allais m’en sortir. Je n’étais pas sûre de pouvoir composer le BEPC ».

L’accident s’est produit le 20 mars 2024. Elle dit être restée immobilisée durant quarante-trois jours.

Le sautoir, lieu de l’accident que nous avons vu par la suite, est rempli de sable bien tassé par les premières pluies du début de la saison d’hivernage.

La joie de Yamba n’est pas partagée par tous. Issa Conombo, lui, fait partie des 16 candidats recalés. Contrairement à l’impétrante, il avait bien suivi les cours sans aucune absence durant toute l’année scolaire.

Il a déclaré avoir rendu visite au moins sept fois à la blessée pendant son alitement. Le premier jour, il se rappelle même avoir remis un peu d’argent à Fatimata pour l’encourager.

Un succès de la blessée qui étonne

L’ajourné Conombo dit aussi avoir aidé sa camarade de classe alitée en recopiant six fois les leçons pour elle tout en lui prodiguant des conseils pour réussir son examen. « Je suis étonné. Elle a réussi son examen alors que moi, j’ai échoué… » lâche avec tristesse le jeune homme.

Comme le petit Issa Conombo, beaucoup de personnes s’étonnent du succès de la petite Yamba Fatimata au BEPC. « Je ne m’y attendais pas » reconnaît également la malade et lauréate. « Je n’en reviens pas » ajoute son père. « Pour Yamba-là, ha !! » se contente de dire l’un de ses professeurs.

C’est un rebouteur qui a soigné la fracture de l’adolescente. Yamba Fatimata est restée immobilisée avec un garrot posé sur la jambe maintenue immobile à l’aide de deux briques pleines.

Malgré la douleur, Yamba a transformé la deuxième brique en support. Elle y recopiait les leçons et traitait les exercices. Durant tout ce temps, elle a bénéficié du soutien de ses camarades de classe.

Les uns recopiaient les cours pour elle et les autres les lui expliquaient. « Il faut avoir le courage » insiste-t-elle. « Je me débrouillais avec mes cahiers et je disais que si tout va bien, je vais composer quel que soit l’issue du résultat » explique-t-elle.

Raogo Salfo Dimzouré, le père de Fatimata, septuagénaire, a été membre d’un Comité de défense de la révolution. Il a occupé le poste de Président de l’Association des parents d’élèves (APE) de l’école primaire du village.

Raogo Salfo Dimzouré, le père de Fatimata
Raogo Salfo Dimzouré, le père de Fatimata

Le regard fixé vers une tombe devant sa concession, il semble s’interroger sur la coïncidence de faits. Il allie la superstition au succès de sa fille : une ses sœurs aînées, la tante de Yamba Fatimata, a été victime d’une fracture à la cheville à Ouagadougou ; elle est revenue poursuivre des soins au village le jour même de l’accident de Fatimata ; elle est malheureusement décédée quatre jours plus tard.

Le père explique : « A l’époque, je ne pouvais accuser personne. Il fallait seulement avoir foi en Dieu » et ajoute : « C’est Dieu seul qui sait ce qu’il fait ».

Un excellent élève comme source d’inspiration de Fatimata

L’exemple d’Albert Ilboudo, pupille du BEPC 2023, avec 19,15/20 de moyenne assortie de la mention « Excellent », semble avoir inspiré Yamba Fatimata.

Cette pupille et Yamba, ont ensemble milité dans des mouvements associatifs tel le Gouvernement scolaire et le Club des filles.

« Je pense que mon exemple inspirait plus d’un dont Yamba Fatimata. Mon résultat a été la base d’une conquête, la source d’inspiration, de résilience et d’esprit de fer. Cela ne fait qu’encourager tous ceux qui étudient au village pour montrer que l’excellence, ce n’est pas tout simplement dans les villes. Quiconque se donne à fond y arrive » déclare le jeune Albert.

 « A deux jours de la proclamation des résultats, elle (Ndlr : Yamba Fatimata) me demandait déjà comment faire pour être comme moi. Et je lui avais dit que c’est le travail. Il faut plus de travail et de concentration. Et c’est ce qu’elle a fait », révèle le jeune Ilboudo. « C’est dur d’étudier dans ces conditions mais elle a toujours gardé en tête qu’elle doit réussir. Et c’est ce qu’elle a fait » ajoute-t-il.

Albert Ilboudo, pupille du BEPC 2023
Albert Ilboudo, pupille du BEPC 2023

La jeune Yamba Fatimata Dimzouré est une habituée de l’excellence selon son parcours scolaire. En effet, depuis l’école primaire jusqu’à la classe de 3e du lycée, Yamba est restée excellente.

Elle est arrivée au collège comme meilleure élève de la commune de Guiba au Certificat d’études primaires (CEP). De la 6e à la 3e, elle a été toujours classée première avec de fortes moyennes atteignant souvent 17/20.

Sa moyenne annuelle en classe de 3e du collège, malgré qu’elle n’ait pas pu composer au troisième trimestre, a été de 13, 09/20.

Le directeur du CEG, Abdoulramir Sanfo, souligne qu’elle a la capacité de comprendre vite. C’est lui qui nous a expliqué ce qu’il a fait aux premières heures de la survenue de la fracture : il a ainsi fait venir le rebouteur ; il a contribué avec 50 000 francs CFA à la prise en charge des premiers soins. « L’accident de la petite Yamba Fatimata a touché tout le monde » insiste le directeur Sanfo.

Le directeur du CEG, Abdoulramir Sanfo
Le directeur du CEG, Abdoulramir Sanfo

Yamba Fatimata est une fille forte de caractère poursuit M. Sanfo. Lors de plusieurs grandes cérémonies officielles tenues dans la commune de Guiba, la jeune Yamba Fatimata avait été la représentante des élèves en lisant leur discours.

Cela avait été le cas, par exemple, le 28 mai 2022, lors de la Journée internationale de la gestion hygiénique des menstrues à Guiba. Elle écrit et déclame aussi des slams.

Un coup de pouce salvateur

L’Association Zak-La-Yilguemdé (AZLY) de la ville de Manga intervient dans le domaine de l’éducation à travers son programme dénommé « A l’école en toute sérénité ». Celui-ci a débuté en 2022 et est axé sur la résilience des enfants en les amenant à être forts.

Après l’arrêt des cours et à deux semaines du BEPC, l’association a accompagné le CEG de Dissomey en finançant des cours d’appui pour les candidats. « Cela a été très bénéfique pour Yamba Fatimata à la dernière minute », estime Emile Pingwendé Ouédraogo, le Chargé de Projet de AZLY.

En 2023, l’Association Zak La Yilguemdé avait organisé un concours de productions littéraires et artistiques dans la province du Zoundweogo, au cours duquel des élèves avaient été primés. Et parmi les primés, Albert Ilboudo, l’idole de la jeune Yamba Fatimata.

En 2024, l’établissement crée un journal dénommé « Journal scolaire du CEG de Dissomey ». De quoi alors motiver davantage Yamba Fatimata.

« Elle aime l’écriture. A l’école, on a senti que c’est quelqu’une qui veut écrire, qui veut faire passer un message à travers sa voix et sa plume » explique le directeur Sanfo.

Elle s’était engagée à produire un article dans le journal. Malheureusement, sa fracture avait mis fin à son ambition de contribuer à la vie du journal. « Cette année, j’avais voulu écrire dans le journal scolaire mais à cause de mon accident, je n’ai pas pu terminer » déplore notre étoile.

Pour lui rendre hommage et lui faire honneur, le journal porte désormais son nom : Le Journal scolaire « Yamba ».

Un rêve brisé…

Diane Bonkoungou est une amie de Yamba Fatimata depuis l’école primaire. Elle est parmi les huit élèves issus du CEG de Dissomey qui fréquentent le Lycée scientifique de Manga en cette année scolaire 2024. Diane a été orientée dans cet établissement avec 16/20 de moyenne en 2023.

Diane Bonkoungou, amie de Yamba Fatimata
Diane Bonkoungou est une amie de Yamba Fatimata

Dans son établissement, elle se retrouve être l’unique fille originaire du village de Dissomey et souhaite voir Yamba la rejoindre. Mais, elles voient ensemble leur rêve commun brisé.

« Je voulais que d’autres filles me rejoignent là-bas dont elle » affirme Diane. Elle déplore que cela soit compromis : « Ça me dérange, cela me décourage même, le fait que les chances de Yamba Fatimata de me rejoindre, comme elle le souhaitait, soient minces avec cette moyenne ».

« Je ne suis pas contente. Je voulais avoir au moins 16/20 » nous confie Yamba Fatimata. Elle n’est visiblement pas satisfaite, cette fille dont le parcours en dit long sur la vision.

Les chances de Yamba Fatimata d’obtenir une orientation au Lycée scientifique de Manga malgré son parcours d’excellence sont ainsi réduites.

Abdoulramir Sanfo estime qu’il faut relire les textes suivant la spécificité de chaque cas pour favoriser l’éclosion des pupilles au profit de la nation.

Bon nombre d’élèves dans la situation de Yamba Fatimata se décourageraient et abandonneraient. C’est le cas, par exemple, de Éveline et de Natacha qui ont abandonné l’école pour des raisons de maladies jugées mystérieuses.

Au niveau national, on a enregistré 683 absents à l’examen du BEPC 2024. Dans la région du Centre-Sud, 208 absents ont été signalés dont 86 filles et 122 garçons.

La province du Zoundwéogo totalise 74 absents dont 50 filles et 24 garçons sur 3 061 inscrits au cours de l’examen, soit un taux d’abandon de 2,05%.

En attendant, Yamba Fatimata Dimzouré, classée première au niveau communal, se dit déterminée et résiliente avec un mental fort : « Je ne suis pas triste. » « J’ai de l’espoir » affirme-t-elle en faisant des ballades sur son vélo pour sa rééducation.

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