Ce mercredi 10 novembre 2021, marque le deuxième jour de l’audition du Général Gilbert Diendéré. Quatre chefs d’accusation pour rappel, pèsent contre lui. Il est accusé de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, d’assassinat, de recel de cadavres et de subornation de témoins. Au moment des faits Gilbert Diendéré était lieutenant et chef de corps adjoint du Centre national d’entraînement commando (CNEC).
Par Rama Diallo, stagiaire
L’audition de ce jour a été consacrée à la partie civile. La tension était très vive entre la partie civile et l’accusé Diendéré. Maitre Ambroise Farama est le premier à prendre la parole.
Il demande au général pourquoi il n’a pas arrêté Lingani et Blaise Compaoré après le coup d’Etat de 1987. Gilbert Diendéré répond : « le président du CNR [Thomas Sankara]est mort. Lingani et Blaise sont ensemble. Je vais les arrêter et faire quoi ? Dire que je suis le nouveau président ? Je n’avais pas la force pour faire quoi que ce soit.
L’avocat continue : vous arrivez au Conseil, vous voyez des corps. Pourquoi vous ne vous approchez pas pour voir s’il y a des survivants ?
L’accusé répond : l’Etat dans lesquels ils étaient, je me suis dit qu’ils étaient tous morts» Me Farama Ambroise enchaîne : lorsque vous êtes au front et que des soldats sont blessés, vous les laissez mourir ?
Le général Diendéré répond « les situations ne sont pas les mêmes. Les gens qui ont tiré sur eux étaient à côté de moi donc, il était difficile pour moi de m’approcher des corps.
L’avocat : pourquoi vous n’avez pas laisser Eugène Somda voir les corps ? L’accusé : je lui ai dit voilà les corps. Je ne pense pas qu’il y ait de survivants vu l’état dans lesquels ils sont.
Me Ferdinand Nzepa prend la parole : combien de personnes assuraient la sécurité du conseil ? Le général : a peu près 100 éléments. L’avocat :« ils venaient tous de Pô ?» Gilbert Diendéré : «non il y avait des éléments venus de Koudougou». Me Nzepa : «comment avec de bons éléments, on tire sur le président et ils fuient ?»
Le général : «ceux qui fuyaient n’étaient pas en position de combat et beaucoup étaient au sport». L’avocat enchaîne :« ça tire au Conseil et vous allez là-bas jusqu’à parler à Nabié et Otis sans savoir ce qui se passe ?»
L’accusé répond : « je vais voir ce qui se passe quelque soit ce qui allait m’arriver parce que j’étais l’un des responsables de la sécurité».
Me Nzepa « vous étiez lieutenant à 27 ans, jeune tout frais et un excellent soldat, peut être que vous avez fait des choses. Vous avez tout eu dans ce pays. Mais avec l’âge, je croyais que vous allez assumer votre responsabilité, en assumant ce qui s’est passé. Mais là, je vois que vous fuyez votre responsabilité».
Sur un ton de colère l’accusé répond : « moi, c’est Diendéré, je ne vais pas assumer les fautes des autres. Vous voyez maître Nzepa, vous êtes venu avec une idée arrêtée. Vous avez quitté la France pour venir juste me voir dire des choses que je n’ai pas faites. Vous êtes venus pour m’entendre dire que c’est moi ou c’est Blaise qui m’a envoyé. Mais je ne dirai pas ce que je ne sais pas, un point deux traits. Je ne vais pas assumer ce que je n’ai pas fait. Non, non, et non.
Maitre Prosper Farama prend la parole. Il demande au général si dans l’après midi du 15 octobre quand il partait au sport est-ce qu’il avait croisé des gens.
Gilbert Diendéré répond « J’ai croisé des gens mais je ne n’ai pas en mémoire ceux que j’ai vus au terrain ce jour ».
L’avocat a trouvé cela anormale qu’il ne se souvienne plus des gens qu’il a croisés au terrain, en allant ou en venant.
Me Prosper Farama a lancé un appel à témoins. « Si quelqu’un a vu le général Diendéré au terrain le jour du 15 octobre 1987, que la personne se déclare, le tribunal en a besoin pour son témoignage ». L’avocat continue : «quand vous avez entendu les tirs vous avez couru ou marché pour aller au Conseil ?».
Le général répond : «j’ai couru et j’ai marché». Me Farama :« A l’instruction, vous avez dit que vous avez couru prudemment. Expliquez nous comment vous courez et marché prudemment ?».
Le général : attendez à la projection, vous allez voir la reconstitution des faits. Pour le moment je ne peux rien dire».
Me Prosper Farama demande si en allant au sport le général avait un appareil de communication sur lui. Le général a répondu par l’affirmative.
L’avocat : quel genre d’appareil ? Gilbert Diendéré répond : j’avais un talkie walkie». L’avocat «pourquoi prendre un risque énorme pour aller au conseil au lieu d’utiliser le talkie-walkie ?». Le général :« j’ai préféré aller voir ce qui se passait puisque je n’étais pas loin de là».
Me Farama enchaîne « pourquoi vous savez que Thomas Sankara allait être au Conseil et vous n’avez pas renforcé la sécurité ?». L’accusé répond « la sécurité était là comme d’habitude quand il vient».
L’avocat poursuit «le chauffeur de François Compaoré, David Ouédraogo, a été tué au Conseil par vos éléments mais vous n’y êtes pour rien. Dabo Boukary a été torturé à mort au Conseil par vos éléments.
Encore vous n’y êtes pour rien. Vos éléments ont fait le coup d’Etat le 16 septembre 2015, là aussi vous n’y êtes pour rien. Est-ce que vous ne pensez pas que cette ligne de défense est usée mon général ? ».
Le général répond : « non, cette ligne de défense n’est pas usée puisque je n’y suis pour rien».
Me Farama a demandé au général de savoir quelle tenue il portait l’après midi du drame. Le général a répondu que depuis hier il ne parlait que de cela. Et qu’il n’allait pas se répéter.
L’avocat : « Avec tout le respect que je vous dois, quelqu’un qui vous écoute toute une année ne vous comprendra pas ». Gilbert Diendéré réplique : « Si vous n’avez rien compris, c’est que vous êtes bouché ». L’avocat rétorque : « Si moi, je suis bouché, alors je dirais que vous êtes taré ». Le président a calmé les esprits. Et l’audition a continué.
Me Guy Hervé Kam commence son interrogation : « Pourquoi fallait-il escorter Otis ?» . L’accusé répond « Il a été sanctionné et devait être emprisonné à Gaoua. C’est en route qu’il a essayé de s’évader et les éléments l’ont abattu ».
Me Kam continue « Pourquoi n’a-t-il pas purgé sa peine à Ouagadougou ? » « Parce que c’est la décision qui a été prise », répond le général.
Me Guy Hervé Kam, a estimé que Otis a été escorté pour être éliminé, parce qu’il en savait beaucoup sur ce qui s’est passé le 15 octobre 1987. Il a ajouté que la plupart des personnes concernées dans cette affaire ont été éliminées.
Gilbert Diendéré réplique au commentaire de l’avocat. « en 2016 ou 2017, je ne sais plus, deux éléments du régiment de sécurité présidentielle avaient été appréhendés et devaient être transférés à la gendarmerie de Pô.
« Au niveau du pont Nazinon, il semble que ces deux militaires ont tenté de s’évader et ils ont été abattus. Je crois que le dossier est même en instruction au tribunal militaire ».
Le général Gilbert Diendéré rappelle que Laurent Ilboudo et Drissa Sow, tous deux responsables de la sécurité de Thomas Sankara étaient sur les lieux du drame mais n’ont pas été tués. Pour lui, il s’agit de témoins privilégiés dont les témoignages pourraient éclairé mieux le tribunal.