Au deuxième jour de passage à la barre du premier accusé au procès Thomas Sankara, la défense a plaidé non coupable, alors qu’Elysée Ilboudo à son premier passage, avait reconnu les faits. Pleines d’incohérences dans les déclarations de l’accusé, la défense a demandé un examen de santé psychique. ‘’J’ai reçu à la dernière minute, des documents de sa famille qui indiquent qu’il avait des difficultés crâniennes. J’ai plaidé pour qu’on lui permette de faire des examens de santé mais le tribunal rejeté ma requête’’, a expliqué l’avocate de l’accusé, Natacha Kaboré, à sa sortie d’audience.
Par Rama Diallo, stagiaire
Formé au centre d’entrainement commando de Pô, Elysée Ilboudo fait partie de la première promotion. Père de Six enfants, l’accusé est admis à la retraite en 2004. Il était soldat de 1re classe. Il n’a pas eu la chance d’aller à l’école, selon sa défense.
Ce retour dans le rétroviseur scolaire de Elysée Ilboudo, n’est qu’une stratégie de défense. Son avocate tente de démontrer l’illettrisme de son client comme pour justifier sa responsabilité face à l’assassinat le 15 octobre 1987 du président Thomas Sankara et 12 de ses compagnons.
Elysée Ilboudo « ne sait ni lire, ni écrire. », informe son avocate qui lui donne un bouquin de lire. A la barre, Elysée Ilboudo regarde une page du livre ouvert. En fait, il ne sait pas lire. Voilà ! Maître Kaboré a eu sa preuve. Elle commence des questions réponses avec son client : « Elysée Ilboudo, est-ce que vous avez tué Thomas Sankara ? » Non, répond l’accusé. « Est-ce que vous avez tué l’un de ses compagnons ? » Non, répond son client. A ces réponses, elle se tourne vers le président du tribunal et lui demande de noter que son client plaide non coupable.
Avant de plaider non coupable, maître Natacha Kaboré avait demandé à la chambre de permettre à son client d’aller consulter un expert psychique au regard des incohérences dans ses déclarations. Sa demande a été rejetée et l’interrogatoire a continué.
Maître Mamadou Sombié, avocat de la défense, a soutenu fermement que l’accusé souffrait des troubles de mémoire. Car une personne en bonne santé ne pouvait pas se contredire autant. « Parlez-nous de votre accident » a demandé l’avocat. « Je revenais d’une mission, je ne sais plus si c’est de Fada ou de Tenkodogo », a répondu Elysée Ilboudo. « Et vous avez eu l’accident ?» demande Me Sombié. «Oui» répond M. Ilboudo.
L’avocat de Nabonswendé Ouédraogo, Me Sombié a demandé à Elysée Ilboudo qu’elle était la tenue portée par son client le soir du 15 octobre 1987, puisqu’il a dit au juge d’instruction qu’il était dans le même véhicule qui est allé au Conseil de l’Entente. L’accusé a répondu « je ne me rappelle plus ». L’avocat poursuit «Nabonswendé dit qu’il était en tenue de sport».
L’accusé réplique « vous voulez dire que ce que j’ai dit est faux ?» Mamoudou Sombié répond qu’il n’a pas dit cela mais qu’il voulait juste savoir si son client était avec les militaires qui sont allés au Conseil.
Selon l’avocat en 2015 et en 2016, il a attiré l’attention de son client sur les déclarations de Elysée Ilboudo à l’instruction. Mais Nabonswendé Ouédraogo avait dit que M. Ilboudo était entre griffe «fou».
Les propos de l’avocat ont choqué le parquet qui dit ignorer que Me Sombié s’était transformé en expert psychiatre. « Je crois, monsieur le président, que vous avez rejeté la demande d’expertise sur la santé psychique de l’accusé. Mais on tente toujours de nous faire croire qu’il est malade. L’accusé n’est pas malade », a martelé le procureur du parquet. Pour le parquet, l’accusé est bien cohérent. « Même si on nous demande ce que nous avons fait avant-hier, nous allons oublier des détails. Mais ce n’est pas pour autant que l’on est atteint de trous de mémoire », a laissé entendre le parquet.
« Je ne voulais pas créer du désordre. Parce que je ne me rappelle plus bien de certaines choses. C’est pourquoi je disais, je ne sais pas»
C’était au tour des avocats du Général Gilbert Diendéré d’allumer l’accusé. L’avocat Abdoul Latif Dabo lui pose la question de savoir quand ils sont arrivés au Conseil. Est-ce qu’il y avait des gardes ? Monsieur Ilboudo a répondu par l’affirmative. Quand vous êtes arrivés, ils vous ont contrôlé où pas ? poursuit l’avocat. « Nous sommes passés comme d’habitude sans contrôle », répond l’accusé. «Quand les tirs ont déclenché, les gardes qui étaient là, ont tiré avec vous ? », demande Me Dabo. « Non, ils ont fui».
Me Abdoul Latif Dabo continue à dérouler son questionnaire. « Vous avez dit ce matin que vous avez peur. Est-ce que vous avez été menacé, ou est-ce que quelqu’un vous a proposé de l’argent ? « Non », répond l’accusé.
Alors l’avocat lui demande pourquoi il refusait de répondre aux questions concernant le général Gilbert Diendéré. Le présumé accusé a répondu « je ne voulais pas créer du désordre. Parce que je ne me rappelle plus bien de certaines choses. C’est pourquoi je disais, je ne sais pas».
Olivier Yelkouny, un autre avocat de Gilbert Diendéré prend le relais. «Est-ce qu’on peut aller chez Blaise Compaoré sans passer par la garde ?». L’accusé répond «non». « Est-ce que Hyacinthe a informé Diendéré de quelque chose», demande l’avocat. «J’ai demandé à Hyacinthe si Diendéré est au courant qu’on partait au Conseil. Il m’a dit « tu veux savoir pour quoi ? ». Et je n’ai plus parlé», a répondu le militaire. Me Yelkouny lui demande : qui a enlevé les corps ? Il répond qu’il ne se souvenait plus. Et l’avocat lui sort un extrait de sa déclaration devant le juge d’instruction : « je ne sais pas qui a ramassé les corps. Mais je pense que ce sont les prisonniers. Je pense que Hyacinthe a appelé Karim pour venir enlever les corps». L’accusé répond « je me rappelle maintenant ».
Maître Olivier Yelkouny de conclure en demandant à la chambre d’acter la déclaration de l’accusé selon laquelle Diendéré était sous le hangar en train de tenir une réunion. Car ils n’ont pas peur de cette déclaration. Ils l’a défendrait au moment opportun.