Le Procès Vincent Dabilgou (président du NTD, ndlr) semble tirer vers sa fin car, après quelques témoignages le 30 juin 2023, les avocats de la partie civile ont été invités à faire leurs plaidoiries au Tribunal de grande instance Ouaga I (Burkina).
Par Nicolas Bazié
Lentement mais sûrement, l’ex-ministre Vincent Dabilgou et ses six co-accusés feront «face à leur destin». Le vendredi 30 juin, les plaidoiries des avocats ont commencé. C’est l’Etat burkinabè constitué en partie civile qui a ouvert le bal. Dans ce procès, il est représenté par l’Agent judiciaire de l’État.
L’Etat a «souffert dans sa chair des dommages aussi bien matériels que moraux causés par les prévenus » soutient l’Agent judiciaire de l’État. Selon lui, ces détournements de fonds publics ont servi uniquement des intérêts du ministre Vincent Dabilgou et de son parti le Nouveau Temps pour la Démocratie (NTD).
C’est plus d’un milliard de francs CFA qui a été ainsi détourné par Vincent Dabilgou et ses co-accusés, a déclaré le représentant de l’État dans sa plaidoirie. Selon lui, cette somme d’argent aurait pu servir à construire 30 écoles primaires de 6 classes ou payer 7000 Kalachnikovs pour lutter contre le terrorisme dans le pays.
Il a fait comprendre qu’il n’y a pas de doute, les faits «de détournement de deniers publics, d’abus de fonction, de complicité de détournement de deniers publics » sont caractérisés. Il demande au juge de maintenir les prévenus dans les liens de la prévention, entendez, une condamnation.
L’Agent judiciaire de l’Etat a estimé qu’il faut également les condamner à payer les montants réclamés par l’État au titre des dommages. En effet, le montant total des réclamations pécuniaires de l’État burkinabè est de 1 milliard 1 million 620 mille 966 francs CFA.
Burkina: Procès Vincent Dabilgou, «Il fallait la prison à vie »
Dans sa plaidoirie, Me Marcelin Ziba, avocat du Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC) a déploré la faiblesse des peines prévues par la loi concernant l’infraction «détournement de deniers publics».
« Je ne comprends pas pourquoi le législateur burkinabè n’a pas prévu une autre loi plus sévère pour condamner ceux qui volent plus de 10 millions de francs CFA. Il fallait la prison à vie dans ce cas d’espèce » se désole l’avocat. En effet, la loi prévoit une peine de 11 à 21 ans de prison pour ce qui est de l’infraction de détournement de derniers publics.
Me Ziba poursuit en déclarant qu’il n’y pas de différence entre les prévenus et quelqu’un qui a commis un meurtre. « M. le président, voici des individus qui ont tué l’État, ils ont égorgé l’État, ils nous ont tous égorgé. Il n’y a pas de différence entre ceux-là et quelqu’un qui a commis un meurtre » a fait observer Me Marcelin Ziba.
« Il faut que Vincent Dabilgou arrête de nous faire dormir. Voici un prévenu atypique. Il parle et revient sur sa parole. Il ordonne le transfert de 2 milliards de francs CFA pour des travaux de chemin de fer, rien n’a été fait dans ce sens et lui, ça ne lui dit rien. Dire ici qu’il était préoccupé par la mise en œuvre de la politique du président du Faso et qu’il n’était au courant de rien n’est pas honnête» soutient l’avocat du REN-LAC.
A l’en croire, « tous les retraits qui ont été faits par Mme Mamou Té sur le compte Ecobank du ministère des Transports ont d’abord eu le OK de Vincent Dabilgou. C’est lui M. le président, il était au courant de tout (…) Il est coupable M. le président ».
Supprimer le NTD du paysage politique burkinabè
Me Marcelin Ziba s’est voulu plus «sévère» en demandant à ce que le Nouveau Temps pour la Démocratie (NTD), parti de Vincent Dabilgou soit supprimé. « Le NTD ne doit pas rester dans le paysage politique, il doit être rayé. Il n’anime pas la vie politique burkinabè, il la spolie. Monsieur le président, ne laissez pas passer cela ! C’est un parti politique qui ne participe pas à la lutte contre la corruption. Ce parti ne participe pas à la culture démocratique» a-t-il fait comprendre.
« Est-ce que Vincent Dabilgou a détourné des fonds publics pour financer les activités du NTD? Oui il l’a fait. Est-il coupable des faits qui lui sont reprochés ? Oui, il est coupable. Et, il vient à cette barre, nous dire qu’il a reçu 80 millions de francs CFA de la part de l’APMP comme si c’était rien » plaide l’avocat qui indique qu’il n’a rien contre Vincent Dabilgou, mais, qu’il s’agit d’une affaire de détournement de fonds.
« Dieu merci tout a pété à la barre. M. le président, Dabilgou n’a pas reçu cette somme de 80 millions. C’est un prévenu qui a le dos au mur. Ses avocats ont fait venir des témoins pour accabler des prévenus et tout s’est retourné contre leur client Vincent Dabilgou » a expliqué Me Marcelin Ziba.
Me Ziba estime qu’il faut de la retraite forcée pour certains hommes politiques dans ce pays. « (…) Tout ce que je vois ne donne même pas envie de faire la politique. C’est pourquoi j’aurai préféré la prison à vie pour certains prévenus, mais, hélas, cela n’existe pas dans la loi qui condamne le détournement de deniers publics. M. le président, le REN-LAC réclame 6 millions de francs à titre des dommages et intérêts » a conclu le représentant du REN-LAC.
L’audience reprend le lundi 3 juillet 2023 devant le pôle spécialisé dans la répression des infractions économiques et financières du Tribunal de grande instance Ouaga I. Cela, avec les réquisitions du procureur et la plaidoirie des avocats de la défense.