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Sénégal : du dialogue au monologue politique !

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On croyait l’affaire réglée et l’élection présidentielle acquise au Sénégal dans les liens de la Loi fondamentale depuis l’annulation par le Conseil constitutionnel, le 15 février dernier, du décret N°2024-106 du 3 février 2024 portant abrogation du décret convoquant le corps électoral pour l’élection présidentielle du 25 février 2024. On s’attendait alors qu’une autre date soit rapidement désignée pour le scrutin, qui aurait dû se tenir avant le départ, le 2 avril prochain, de Macky Sall de la présidence de la République. Erreur !

Par Serge Mathias Tomondji

Et l’on attend toujours le décret de convocation du corps électoral du Sénégal au prochain scrutin présidentiel ! Après avoir révoqué les électeurs pour le rendez-vous initialement fixé au 25 février dernier, Macky Sall joue les prolongations en dépit de la décision de Conseil constitutionnel, qui a décidé, le 15 février dernier, de retoquer le confort de dix mois qu’il s’est donné sous le couvert de l’Assemblée nationale pour remettre le Sénégal dans le bon ordre démocratique. Le chef de l’État sénégalais tient à « son dialogue national » et ne semble vouloir agir que sous son emprise.

Un dialogue national tenu les 26 et 27 février, et boycotté par une bonne partie de l’opposition et de la société civile, qui n’y voit rien d’autre qu’un subterfuge, une manœuvre de Macky Sall pour rester aux commandes du pays au-delà du terme constitutionnel de son mandat, prévu le 2 avril 2024.

Alors, les critiques fusent de partout pour dénoncer une grave dérive des us et coutumes constitutionnelles dans ce pays de la démocratie assumée, à un moment où la crise sociopolitique dans la quelle végétait déjà le pays s’aggrave d’une crise institutionnelle à l’épilogue incertain.

Trois fers dans le fourneau

En indiquant, le 22 février, que ses fonctions à la tête de l’État sénégalais s’achèvent bien le 2 avril 2024, Macky Sall a cependant passé la main au « dialogue national » qu’il entendait convoquer pour proposer et valider une date consensuelle pour la tenue de l’élection présidentielle.

Cette enceinte, qui invite ni plus ni moins à rebattre toutes les cartes du jeu politique et électoral en cours au pays de la Téranga, vient de mettre trois fers dans le fourneau.

Primo, organiser le premier tour de l’élection présidentielle le 2 juin prochain. Si cette date est validée, le scrutin se tiendra donc plus de trois mois après le rendez-vous initial du 25 février et exactement deux mois après le terme du mandat de Macky Sall.

En comptant avec un éventuel second tour et l’examen du contentieux électoral, l’actuel chef de l’État ne connaîtra donc son successeur qu’après un bon trimestre après la ligne rouge du 2 avril.

Secundo, garder Macky Sall en poste jusqu’à l’investiture de son successeur. C’est justement là que le fameux « dialogue national » surpasse les injonctions du Conseil constitutionnel en octroyant un bonus d’au moins trois mois au président sortant.

Cela met en porte-à-faux la promesse présidentielle du 22 février dernier, qui martèle avec assurance et conviction que… « le 2 avril 2024, ma mission se termine à la tête du Sénégal » !

Pour beaucoup d’observateurs en effet, il s’agit sans aucun doute d’un pied-de-nez aux dispositions constitutionnelles qui consacrent l’intangibilité de la durée du mandat présidentiel, même si l’article 36 de la Loi fondamentale indique substantiellement que le président en exercice reste en place jusqu’à l’installation de son successeur.

Tertio, intégrer dans le jeu des candidats déjà écartés par le Conseil constitutionnel. Sauf à vouloir entacher irrémédiablement la sacralité des décisions de cette haute juridiction qui ne sont susceptibles d’aucun recours, qu’est-ce qui pourrait justifier une telle… proposition, soutenue par des personnalités qui savent pourtant qu’il s’agit-là d’un nonsense juridique qui ouvrirait une boîte de pandore qui ne demande qu’à rester fermée ?

Monologue politique

Au total, les questions restent les mêmes au sortir de ce… monologue qui vient réaffirmer, en raccourcissant quelque peu les délais qu’ils s’étaient préalablement donnés, la ligne promue par le président Macky Sall puis par l’Assemblée nationale, qui ont orchestré le report du scrutin présidentiel du 25 février 2024.

En effet, le « dialogue national » n’a pas été consensuel puisque pas moins de 16 candidats sur les 19 validés par le Conseil constitutionnel n’y ont pas pris part. De plus, en remettant ainsi en cause les décisions du Conseil constitutionnel qui, sans doute, sera à nouveau saisi sur le nouveau scénario de ce processus électoral, Macky Sall et ses soutiens en rajoutent indéniablement à l’embrouillamini politique actuel du pays.

La semaine prochaine promet donc d’être mouvementée au pays de la Téranga, où le gouvernement vient cependant d’adopter, ce 28 février en Conseil des ministres, un projet de loi portant amnistie pour des faits gravissimes qui ont marqué le pays de 2021 à 2024, à soumettre à l’Assemblée nationale.

Annoncée depuis, à l’appui des élargissements de détenus déjà enregistrés, cette mesure vise à apaiser le climat sociopolitique, tant la classe politique et le corps social sénégalais ont souffert, ces dernières années, des fourches caudines du régime en place, qui s’est évertué à faire taire, de diverses façons, voix dissonantes et personnalités émergentes. Mais pourquoi remettre les choses à l’endroit de ce point de vue devrait-il signifier ipso facto la désintégration des normes constitutionnelles ?

Petite porte

Le moins que l’on puisse dire en l’état actuel des choses au Sénégal, c’est que le dialogue politique qui vient de se tenir à Dakar — et qui s’est révélé au final être un monologue pour rebattre les cartes du jeu électoral en cours de jeu — n’est que la concrétisation du discours qui a conduit à l’abrogation du décret conviant les électeurs aux urnes le 25 février dernier et validé le report de l’élection présidentielle de dix mois ! L’actuel locataire du palais de l’avenue Roume, qui cherche à soigner sa sortie en endossant le costume du parfait démocrate, semble plutôt emprunter la piste inélégante de la petite porte pour quitter ses fonctions.

En attendant éventuellement le couperet du Conseil constitutionnel par rapport à ce déroulé qui divise toujours la classe politique et la société civile, l’élection du cinquième président de la République du Sénégal porte déjà la marque de l’inédit et du raccommodage institutionnel…

Lire aussi: Sénégal : vers une amnistie générale pour les troubles connus par le pays

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