Nous ne pouvons pas en ce moment, ne pas convoquer cette partie de l’édito de Norbert Zongo parue à L’Indépendant n°173 du 03 décembre 1996. Elle est donnée en dictée au Brévet d’étude du premier cycle (BEPC) session de 2018.
« La cour des hautes murailles grondait de la révolte des esclaves en quête de liberté. La bataille s’engagea avec le maître. Il y eut des morts.
Mais la porte céda. Des esclaves se ruèrent vers la Liberté. Seul resta, dans la cour, un vieil esclave. Il alla refermer la porte de la maison des fuyards puis revint s’asseoir à sa place, se saisit de son tam-tam et se mit à jouer et à chanter.
Le maître loua sa sagesse et son sens de l’amitié et de la fidélité. Et l’esclavage continua parce qu’il restait un esclave. Le maître resta négrier grâce au nègre. » Si le confrère Zongo vivait toujours, il allait à coup sûr reconduire cet édito en le réajustant au sommet de Pau qui se tient ce 13 janvier 2020 en France.
La dernière fois que l’esclave a tenu tête à son grand maître, c’était en Guinée en 1958
Il faut dire que les premières installations des colons en Afrique remontent au XVI e siècle. Depuis ce temps jusqu’à l’abolition de l’esclavage en avril 1848, des millions d’esclaves africains ont vécu sous domination française.
De la colonisation à la décolonisation, et jusqu’à ce 13 janvier 2020, l’Africain n’a fondamentalement pas eu de répit pour jouir sans influence extérieure, de sa condition humaine. Le célèbre journaliste d’investigation burkinabè Norbert Zongo l’avait compris quand il écrivait dans son édito:« La cour des hautes murailles grondait de la révolte des esclaves en quête de liberté. »
Et la dernière fois qu’un nègre, a osé prendre ses responsabilités pour entièrement s’affranchir, c’est en août 1958 en Guinée. « Nous préférons la pauvreté dans la liberté à la richesse dans l’esclavage », c’est la phrase forte que le président guinéen Sekou Touré a prononcé devant le président français le plus craint à l’époque, le général Charles De Gaulle.
Ce dernier avait organisé une tournée africaine afin d’obtenir l’adhésion africaine à son projet de communauté avec la France. Tous les dirigeants africains de l’époque, avaient adhéré au projet et accepté d’organiser des référendums dans leur pays respectif pour voter le « OUI ».
Seul Sekou Touré, lui avait opposé un « NON » catégorique, rejetant du coup,l’aide française promise par le Général De Gaulle dans la collaboration avec les pays africains qui venaient de prendre leur indépendance. Cet affront inimaginable venant en plus d’un nègre, a été une grande humiliation pour le « grand Chef gaulois ». La punition pour la Guinée, on la connait.
La comparaison n’est pas raison, mais d’aucuns estimaient avant la rencontre de Pau, que l’histoire allait se répéter et les Chefs d’Etat du G5 Sahel, allaient donner une seconde défaite à la France qui continue d’imposer sa domination à certains pays africains. Mais grande fut la surprise lorsque tous les cinq présidents de l’espace G5 sahel, ont accepté à l’unanimité, la domination française à travers son armée au Sahel.
Les chefs d’Etat du G5 Sahel ont raté l’occasion d’entrer dans l’histoire
La seule occasion après le NON de Sekou Touré en 1958, qu’une partie de l’Afrique, l’espace G5 Sahel a eu pour se défaire solennellement de ce joug impérialiste, c’est ce 13 janvier 2020. Mais Hélas ! La porte de la liberté qui a cédé suite au combat âpre mené par la jeunesse africaine, s’est refermée par l’action des chefs d’Etat du G5 Sahel, le replongeant ce 13 janvier dans l’asservissement dont l’issue reste incertaine.
Revenons à notre sujet. Tout est sans ambiguïté. Les chefs d’Etat du G5 Sahel réunis ce 13 janvier 2020 à Pau, en France sur l’initiative du président français Emmanuel Macron, afin de clarifier leur avis par rapport au retrait ou maintien de la force française très contestée au Sahel, ont effectivement épuré leur position dans une déclaration à la fin du sommet:
« Les Chefs d’État du G5 Sahel ont exprimé le souhait de la poursuite de l’engagement militaire de la France au Sahel et ont plaidé pour un renforcement de la présence internationale à leurs côtés. » C’est ce qu’on lit au troisième paragraphe de la déclaration de quatre pages.
Les cinq présidents du G5 Sahel, ont donc décidé contre la volonté de la plupart de leurs citoyens, qui souhaitaient le retrait pur et simple de la force Barkhane dans leur espace.
Plusieurs manifestations anti-français ont été organisées et des débats en défaveur de la présence des militaires français en Afrique ont été menés à travers l’Afrique. Un contre-sommet a même été organisé concomitamment à Pô au Burkina Faso le 13 janvier 2020, pour justement interpeller les Chefs d’Etat du G5 Sahel sur leurs responsabilités. Mais rien de tout cela, n’a eu raison de la volonté des « Commandos » du G5 Sahel de reconduire la présence douteuse de la force française au Sahel.
Le ministre de la défense burkinabè Cheriff Sy, s’interrogeait d’ailleurs sur les réelles motivations de la présence de Barkhane au Sahel le 7 juin 2019: « Les Français ont près de 4 000 hommes dans la région. Ils disposent de toutes les ressources militaires et technologiques. Aussi, suis-je étonné qu’ils n’aient pas été en mesure d’éradiquer cette bande de terroristes », s’était-il interrogé.
Il ira plus loin en déclarant : « Nous nous posons beaucoup de questions. S’ils le voulaient vraiment, ils auraient pu les battre. Alors, ont-ils d’autres priorités ? », s’était-il demandé.C’est donc dire, même au sommet de l’Etat, des soupçons profonds demeurent sur le vrai projet de la France au Sahel.
L’annonce de l’invitation à Pau par le président Macron qui a été faite sans la moindre manière, le président Roch Kaboré, président en exercice du G5 Sahel, avait réagi en disant qu’ils iront à Pau, et d’homme à homme, ils se parleront franchement. Et cette franchise, n’est plus un secret. C’est le OUI à »l’unanimité » pour le maintien de la force Barkhane, très contestée par la jeunesse et même des hommes politiques sahéliens.
Le OUI qui ne surprend pas
« Sauf vraiment du miracle », avaient conclu plusieurs analystes. Car certains chefs d’Etat avaient déjà affiché leur position avant le sommet de Pau. C’est le cas du président nigérien Mahamadou Isssoufou qui, huit jours après l’attaque contre la garnison d’Inates qui a causé la mort à 71 militaires nigériens, avait déclaré sur France 24 « Nous avons besoin de plus de Barkhane.» Et le « Patron » Macron en visite en Côte d’Ivoire, l’avait félicité et demandé aux autres présidents du G5 sahel d’emboîter le pas.
Le président malien Ibrahim Boubacar Keïta, l’a fait le 6 janvier en déclarant que tous ceux qui s’opposent à l’intervention française au Mali sont les ennemis du Mali et des forces armées maliennes : « Tout ceux-là qui tiennent des discours de ce genre sont les ennemis du Mali et des Famas », avait-il déclaré.
Le président Tchadien Idriss Déby Itno, très bien apprécié par la jeunesse africaine à cause de ses prises de positions estimées osées, s’est vu réduit en silence depuis le 3 février 2019, lorsque Paris l’a aidé avec des mirages 2000 basés à N’Djamena, à bombarder une colonne de rebelles de l’Union des forces de la résistance (UFR) venue du sud de la Libye, et que l’armée tchadienne peinerait à stopper.
Le président burkinabè Roch Kaboré, président en exercice du G5 Sahel, avait voulu se montrer intransigeant lorsque le président Macron leur a enjoint de venir clarifier leur position à Pau. Il avait déclaré qu’ils allaient se parler d’homme à homme à Pau. Il avait réjoui les Burkinabè à travers sa phrase qui sonne comme une réponse adéquate à la l’invitation de Macron dépourvue de manière diplomatique. Mais l’on a compris finalement que, la langue du président Kaboré avait fourché et il a tenté de corriger son erreur avant d’aller à la rencontre de Macron. Il a dû oublier qu’on ne doit pas parler ainsi au Chef gaulois.
Le président mauritanien, Mohamed Ould El-Ghazaouani, lui, n’avait pas grand-chose à voir dans cette rencontre de Pau, puisque son pays semble avoir l’antidote du terrorisme. Mais faisant partie de l’espace G5 Sahel, il se doit quand même de marquer sa présence. De cette rencontre, sauf ceux qui cherchent des poux sur un crâne rasé, personne ne pouvait donc s’attendre à autre chose que ce « score à la soviétique », la validation de la volonté du président Macron, qui continue à régner comme son prédécesseur De Gaulle, sur le continent africain.
Mais pourquoi la France insiste-elle à rester au Sahel?
Si la volonté de la France est d’aider les pays du Sahel à lutter contre le terrorisme, comme elle le dit, pourquoi utiliser toute cette diplomatie pour s’y maintenir, si tant est que les populations la désapprouvent.
Si c’est aussi un devoir de redevabilité envers ses anciennes colonies qui l’ont libérée des Nazis en 1944, que tous les accords de coopération militaire entre la France et les pays du G5 Sahel, soient dévoilés afin que les citoyens puissent en prendre connaissances.
Il est bon qu’en termes d’accords, l’on comprenne ce qui revient à Barkhane comme droit, au Burkina Faso tout comme les autres pays, comme devoir pour éviter les agiotages, si toutefois, il n’y a pas de zones d’ombres dans lesdits accords. Cela pourrait dissiper les nuages de contestations.
Siébou Kansié,Directeur de l’information
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