Le Comité international mémorial Thomas Sankara a tenu le jeudi 8 septembre 2022, un panel sur les limites et leçons apprises des Tribunaux populaires de la révolution (TPR) d’août 1983, sous la Présidence de Thomas Sankara. Juge et ministre à l’époque se remémorent de ces moments qu’ils qualifient d’«inouïes».Par Nicolas Bazié
Ils se rappellent de bons moments, comme si la révolution s’est faite il y a quelques jours. Les Tribunaux populaires de la révolution (TPR) et les Comités de défense de la révolution (CDR) en 1983 semblent être gravés à jamais dans les mémoires de ceux qui étaient les garants. C’est notamment le cas de Raymond Train Poda, ministre de la Justice à l’époque et de Rasmané Ouédraogo, juge aux TPR au moment des faits. Tous ont toujours de bons souvenirs.
Les Tribunaux populaires de la révolution, une bonne école d’éducation politique
Lorsque le Président Thomas Sankara prend le pouvoir en 1983, la corruption et le pillage étaient tels, qu’il fallait absolument nettoyer les écuries d’Augias, si l’on croit à Raymond Poda.
« Lorsqu’il a été question de créer les TPR, Thomas Sankara m’a approché. Et je lui avais proposé l’appellation Cour populaire de la révolution (CPR). Et lui a dit non, que ça ne sonnait pas bien. Il a donc proposé TPR», se souvient-il.

Selon lui, il fallait une structure pareille pour rétablir l’ordre dans la société à cette époque-là. « Les Tribunaux populaires étaient la solution aux problèmes de la gouvernance politique, économique et sociale du pays en 1983. Et la mission a été de rétablir la justice sociale», soutient-il.
A cette époque, tous ceux qui étaient dans le collimateur de la justice sont jugés sans exception. Même les étrangers qui traînent des casseroles n’étaient pas épargnés, souligne l’ancien ministre. « Les représentants locaux de l’impérialisme qui ont pillé, volé et spolié le peuple sont passés devant les tribunaux populaires de la révolution de 1983 sous Thomas Sankara. Il a été question de mettre à nu les mécanismes d’exploitation des populations», a fait savoir l’ancien ministre de la Justice.
Cependant, tout était fait de sorte à ce que personne ne soit humilié, selon monsieur Poda. « C’était une véritable école d’éducation politique», lâche le ministre de la justice sous la révolution.
« Je resterai CDR»
La création des TPR et des CDR n’a pas été du goût de plusieurs intellectuels ou professionnels de la justice sous la révolution. Pour Rasmané Ouédraogo, comédien et ancien juge des Tribunaux populaires de la Révolution, l’ambiance avec ces intellectuels n’était pas au beau fixe.
« Apparemment c’est la présence des Tribunaux populaires de la révolution qui a causé tous les problèmes. On ne nous a pas aimé, on ne nous aimera pas. Mais moi je suis CDR (Comités de Défense de la Révolution) et je resterai CDR. C’est la barre à laquelle je me suis accroché. Nous n’étions pas des gens que l’on prenait juste au bord de la route…Nous n’étions pas uniquement des têtes vides comme on le pensait », a-t-il pesté.

C’est la contribution des CDR qui a été mise en exergue pour critiquer et combattre la révolution. « J’ai été ravi de siéger à côté de Me Halidou Ouédraogo, de Djibril Bassolé », confie Rasmané Ouédraogo qui ajoute que personne ne peut dire que les CDR n’ont pas accompli leur mission, celle de défendre la révolution.
Les panélistes reconnaissent néanmoins qu’il y avait des brebis galeuses dans la lutte, que ce soit dans les CDR ou dans les TPR. Ce qui n’était pas intéressant à voir selon eux.
Sinon, il convient de retenir que les Tribunaux populaires de la révolution travaillaient avec humanisme et le respect de l’être humain. Le Président Aboubacar Sangoulé Lamizana avait même apprécié cette manière de faire, a conclu Rasmané Ouédraogo dit Raso.
Un autre panel est prévu le premier jeudi du mois d’octobre, avec un autre thème toujours sur la révolution.
Encadré
Bien avant d’entrer dans le vif du sujet, l’ancien ministre de la justice a tenu à dire comment il a échappé à la tuerie d’octobre 1987, dans laquelle Thomas Sankara a été assassiné.
Il relate: « Quand les hostilités ont commencé entre Blaise Compaoré et Thomas Sankara, j’ai été affecté à Kaya par Blaise alors que j’étais membre du Conseil national de la révolution comme lui. Je lui ai dit que je n’irais pas là-bas. Un soir, Thomas a envoyé quelqu’un pour me dire d’accepter d’aller rejoindre mon poste à Kaya et qu’il va voir ça. Il m’a dit qu’il avait l’intention de me nommer Secrétaire général du CNR, donc de partir à Kaya et qu’il allait discuter de ça avec Blaise Compaoré pour que je puisse revenir à Ouagadougou. Mais quand Thomas a échangé avec lui, il a refusé. Voilà comment j’ai pu échapper à la tuerie du 15 octobre 1987. Contre sa volonté, Blaise Compaoré m’a sauvé de la mort ».
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