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[Tribune] : La sous administration du territoire, l’autre source du mal qui éprouve le Burkina Faso depuis 2015

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 Ceci une tribune parvenue à la rédaction de Libreinfo.net 

La facilité avec laquelle l’extrémisme violent s’est répandue et enracinée peut être aussi attribuée à la sous administration du territoire notamment ce qui est appelé « l’intérieur du pays ».

Cela est caractérisé par un déficit de proximité des chefs de circonscriptions administratives avec les populations et la quasi-absence d’un système de collecte et de traitement de l’information sur les faits territoriaux en dehors de ce que fait le personnel de sécurité intérieure.

Le territoire, faut-il le rappeler, c’est un espace, des hommes et des femmes et leurs activités dans un cadre républicain.

Le but de mon article est de démontrer que l’une des raisons de la crise sécuritaire se trouve dans la déterritorialisation (Deleuze et Félix Guattari, 1972) de l’espace politico administratif mais également dans le manque de coordination de l’action publique et la faible gouvernance territoriale au Burkina Faso et j’invite à une reterritorialisation.

Les chercheurs sur l’extrémisme violent s’accordent à dire que le degré de représentation de l’Etat est l’un des facteurs déterminants de la vulnérabilité au phénomène.

Cette présence se mesure par des services publics de qualité et une gouvernance politique inclusive. Seulement très peu d’experts se sont spécifiquement intéressés à la simple présence physique de l’Etat par ses représentants et la maitrise de l‘information provenant de l’intérieur du pays.

Cela ne date pas des temps « modernes ». La question de la gouvernance des territoires africains post 1885 a été perçue par certains intellectuels qui militaient pour le panafricanisme, conscients de la tourmente et des écueils qui pointaient à l’horizon.

De découpages en découpages et de décomposition en recomposition, le territoire de la Haute Volta reconstitué en 1947 puis indépendante en 1960 n’a pas toujours fait l’objet d’une gouvernance territoriale pensée par le bas de manière sérieuse en se fondant sur des rivets historiques, culturels, sociologiques, anthropologiques, ethnologiques, endogènes, etc.

Les nominations récentes en Conseil de ministres de personnes décédées à des postes de préfet ou d’un même agent comme Préfet dans des localités différentes, de personnes admis à un concours professionnel et autre, illustrent la forme de ministère en charge de la gouvernance territoriale que nous avons bâtie au Burkina Faso.

Si ces incohérences ont étonné une grande partie de l’opinion publique, elles traduisent en réalité une culture administrative marquée par l’absence de système de maitrise de l’intérieur du pays et des instruments d’administration du territoire de manière éclairée vers un futur désiré.

L’horloge de l’évolution des instruments de gestion du territoire s’est arrêtée sur les années 80 du fait en partie d’une élite ayant une phobie de l’innovation, embourbée dans l’image de commandants élitistes détachés de la réalité sociale des populations.

Un adage dit que ‘’résister au changement c’est comme couper votre respiration ; si vous réussissez, vous mourrez’’.

En effet, pendant longtemps les différents ministres qui ont assuré la gestion du ministère en charge de l’administration territoriale, se sont essentiellement intéressés à l’exercice de la fonction de police des partis politiques pour mieux contrôler l’espace politique au lieu d’en faire un instrument d’enracinement de la présence et la proximité de l’Etat et la maitrise de l’information.

Cela s’inscrit dans la suite logique du colon qui avait érigé une administration de commandement au détriment d’une administration de délivrances services publics.

La gestion du personnel du territoire a été, ces dernières années, considérée comme un capital politique par lequel les hommes et les femmes politiques reçoivent des gratifications à travers la nomination des proches.

Malheureusement, à un certain point, même le personnel a contribué à ériger le critère politique comme seul moyen d’exercice de leur métier, de promotion voire d’ascension sociale.

Sur le terrain, les représentants de l’Etat ont accordé une considération tenue, voire nulle au développement des relations de proximité avec les populations par des sorties régulières sans qu’elles ne soient folkloriques ou n’imposent des charges aux populations visitées.

Et cela malgré les moyens roulants dont ils disposent avec une dotation trimestrielle en carburant conséquente mais qui constitue pour certains un revenu complémentaire comme chez bien d’agents publics.

Il faut se rappeler que jusqu’en 1990, cette pratique qui consiste à marquer la présence de l’Etat par la visite régulière aux populations dans les villages, pas seulement aux chefs-lieux, pour s’imprégner de leurs réalités et consolider le sens de la nation chez les populations était courante.

Du reste, dans la culture de nos sociétés, la présence physique est un déterminant de la qualité des relations sociales et donc du capital social.

Dans le contexte actuel de terrorisme à la suite de la radicalisation d’une partie de la population et aux tentatives de recrutement, d’expansion du phénomène, la qualité des relations des représentants de l’Etat avec les populations est déterminante pour disposer de l’information et anticiper.

Il convient de se réapproprier le territoire. Si les dernières nominations de Gouverneurs, de Hauts- Commissaires et de Préfets ne sont pas accompagnées d’une redéfinition et un encadrement de la mission de gouvernance du territoire au regard du contexte, on court le risque de voir la réplication de méthodes d’administration classiques improductives et archaïques faisant le lit du terrorisme.

L’autre point symptomatique du désert de la gestion de l’intérieur est l’absence d’un système de collecte et de traitement de l’information de ce qui se passe sur le territoire même si les faits n’ont pas un caractère conflictuel.

J’en veux pour preuve, la citation d’un présumé terroriste jugé qui a déclaré qu’il a acquis une arme et a appris à tirer dans un village au Burkina Faso sans que cela n’éveille le soupçon d’aucune autorité.

Nous devons comprendre que la présence de certains partenaires sur le terrain à travers des projets de développement a aussi pour finalité de recueillir l’information sur les dynamiques sociales et territoriales.

Ce qui peut faire dire qu’au fond, certains pays partenaires maitrisent mieux notre territoire que nous-mêmes bien que nous ayons toute l’infrastructure de présence sur le territoire à travers des Préfets, des Hauts-commissaires, des gouverneurs et les services publics qu’ils/elles coordonnent.

En conclusion, il faut une contextualisation la mission des représentants de l’Etat en fonction du degré de l’insécurité de leurs juridictions respectives et les dynamiques dans la construction de la cohésion sociale.

Cela implique aussi de reformater les agents publics qui ont la mission d’incarner l’Etat et de cordonner son action auprès des populations. De plus, nous devons construire un système d’information sur la mobilité des personnes, sur les dynamiques de l’intérieur du pays.

Par Youssouf OUATTARA
Administrateur civil
Diplômé en affaires publiques/ Université du Missouri

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