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Burkina Faso: Vente de poisson à Koubri (Centre), un commerce vieux de près de 40 ans qui aide les femmes de la commune rurale

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La vente de poisson est un commerce lucratif qui s’est développé au fil des années dans la commune rurale de Koubri. Pour les pêcheurs et les vendeuses qui travaillent dans ce secteur, le métier nourrit de nombreuses bouches dans la localité.

Par Nicolas Bazié

Koubri ! C’est une commune rurale de la province du Kadiogo, région du Centre. Elle est située non loin de Ouagadougou la capitale, à une vingtaine de km à peine, sur la route nationale n°5 qui mène également à Manga, dans le Centre Sud. Koubri pourrait aisément s’appeler la «cité aux multiples barrages» ou encore le « paradis du poisson».

En effet, le poisson occupe une place de choix dans le quotidien de nombreux habitants de Koubri et de ses environs.

Le 6 août 2022, nous nous sommes rendus au comptoir de la poissonnerie, au centre de cette commune. Là, au bord de la principale voie bitumée, sous des hangars alignés, une quarantaine de femmes vendent toutes du poisson. Nous sommes plongés dans un brouhaha, interpellés de part et d’autre : « Bonne arrivée, Monsieur ! Il y a du bon poisson, venez voir ! »

Nous voyons ces femmes, filles qui hèlent, à la limite agressent les potentiels clients. Certaines sont occupées à frire. Le tout avec ce parfum de poisson qui se dégage partout.

Le poisson est vendu sous plusieurs formes à Koubri : le poisson séché, le poisson fumé et le poisson frais surtout. Les principales variétés qu’on trouve sur les tables sont, entre autres, les poissons d’eau douce, les capitaines, les silures, les machoirans. Sans oublier les crevettes.

Vendre du poisson permet d’épargner 500.000 FCFA par an et même plus

Pour mieux coordonner leurs activités, ces femmes ont créé l’Association « Rinoogo » dont Mme Marie Nikièma en est la présidente. Elle dit vendre du poisson depuis plusieurs. Elle me raconte : « Je suis née trouver que ma mère vendait du poisson. Elle m’a aussi initiée. Je l’aidais à vendre. Mais, je m’y suis pleinement lancée il y a 25 ans de cela. Nous ne sommes pas allées à l’école, il n’y a que ça que nous faisons ».

Marie Nikiema travaille avec ses trois enfants, parce qu’à Koubri, explique-t-elle, ce commerce est une affaire de famille. C’est avec les recettes de la vente du poisson qu’elle dit s’occuper de la famille, en assurant les volets nourriture, santé et la scolarité des enfants. «A dire vrai, cela m’aide énormément » déclare-t-elle.

Il arrive souvent que le marché soit morose, mais, assure Mme Nikièma, malgré tout, elle peut gagner 100.000F ou 150.000 F CFA le mois. Dans l’année, après avoir fait toutes les dépenses, elle dit parvenir à épargner 500.000 FCFA et même plus.

Presque tous les 26 villages qui forment la commune de Koubri ont chacun un barrage. Mme Nikiéma explique : « Les grands barrages sont au nombre de 26. Si l’on veut compter tous les barrages y compris les moins grands, le total dépasse 30. Et chaque barrage est poissonneux ».

Mme Bibata Kafando est, elle aussi, dans l’activité depuis 30 ans. Elle fait partie des doyennes dans ce marché à poissons de Koubri. Elle dit bien s’en sortir car cela contribue beaucoup à résoudre de nombreux problèmes financiers.

Le poisson manque souvent…

Toutes ces femmes sont unanimes qu’en saison pluvieuse, avoir beaucoup de poisson comme d’habitude devient difficile. Selon elles, avec la fraîcheur, il est difficile de trouver du poisson. De plus, affirment-elles, quand il pleut, c’est encore pire parce qu’il y a beaucoup d’eaux.

Elles expliquent que c’est surtout au mois de décembre qu’il y a assez de poissons car, dans ce mois, l’eau diminue et les pêcheurs ont la possibilité d’aller jusqu’au milieu des barrages pour pêcher. Les vendeuses peuvent donc avoir de 40 à 100 kilogrammes de poisson par jour.

Au Comptoir de la poissonnerie de Koubri, les principaux clients de ces femmes sont les passagers qui quittent Ouagadougou pour aller dans les autres zones du pays. Toutes ces personnes achètent le poisson soit pour aller le revendre, soit c’est pour la cuisine.

Mme Marie Nikiéma, la présidente de l’Association « Rinoogo » explique comment les vendeuses écoulent le poisson : « Nous avons les numéros de nombreux clients à Ouagadougou. Dès que le poisson est disponible, nous leur faisons signe. A défaut de le leur faire livrer, ils viennent eux-mêmes chercher. C’est comme ça que nous travaillons ». Cette association « Rinoogo » regroupe toutes les vendeuses de poisson au Comptoir.

Vente de poisson
Des vendeuses de poissons installées au comptoir de la poissonnerie de Koubri

En outre, les femmes sèchent le poisson, font des stocks et vont écouler le poisson à Bobo Dioulasso, la deuxième ville du pays. Chacune peut facilement avoir une recette d’un million F CFA me confie la présidente qui indique cependant que depuis l’avènement de la COVID-19, elles ne se rendent plus à Bobo-Dioulasso.

La place de la Mairie et du service des Eaux et forêts

Dans cette activité commerciale, la mairie de Koubri a pris l’initiative de construire des hangars pour la vente de poisson ; Et il y a trois femmes par hangar. Selon Mme Martine Nikiéma, les femmes versent à la mairie 3000 F CFA par mois de location pour chaque hangar.

La mairie avait décidé d’instaurer aussi des impôts, mais cela avait coïncidé avec l’avènement des délégations spéciales m’apprend Mme Nikiéma. Elle poursuit : « Nous n’avons pas encore eu de discussions approfondies sur le sujet. Pour le moment, nous nous contentons de payer les frais de location des hangars ».

Vente de poisson
Martine Nikiema, vendeuse de poisson dans la commune de Koubri. Elle exerce ce métier depuis près de 40 ans

Après la mairie, les services des Eaux et forêts exigent un permis de vente de 2 500 F CFA que les vendeuses de poisson pêché à Koubri doivent obtenir.

Cependant, lorsqu’elles partent acheter le poisson ailleurs pour revenir vendre à Koubri, le permis coûte plus cher, 10.000F. Lorsqu’une femme de Koubri voudrait aller vendre son poisson dans une autre localité, elle doit avoir un autre permis coûtant 300 F CFA.

C’est la même chose pour quelqu’un qui vient d’ailleurs pour acheter du poisson dans l’optique d’aller revendre. Mme Nikiéma précise que quand le poisson est acheté pour la cuisine familiale, on n’a pas besoin de permis.

La place importante des pêcheurs…

Le groupe de pêcheurs est l’espoir des femmes qui vendent le poisson au marché de Koubri. Ce sont eux qui sont chargés de trouver le poisson ; ils sont donc la cheville ouvrière de cette activité lucrative. Le jour où ils ressortent des eaux bredouilles, c’est le découragement au comptoir de Koubri.

Nous prenons rendez-vous avec deux pêcheurs, M. Alain Yanogo et un de ses collègues. Tôt le matin, nous prenons la direction de Nakamtenga, un village situé à 17 km de Koubri. Dans cette localité, se trouve un barrage qui s’étend à perte de vue. Son nom, « Arzoum Bongo » en langue mooré, littéralement traduit , le « bas-fond du vendredi ».

Ce point d’eau fait partie des 26 grands barrages de la commune. Sur place, le bruit des eaux est considérable. Nous avons pu compter cinq (5) pêcheurs lanceurs de filets venus chercher du poisson tôt le matin.

Alain Yanogo qui nous a conduit à ce lieu raconte : « Dans ce barrage, moi je viens le plus souvent la nuit pour pêcher, espérant gagner quelque chose, puisque la journée ce n’est pas du tout facile du fait qu’il y a du monde ».

M. Yanogo, 41 ans, nous dit utiliser une pirogue pour mieux pêcher. Il estime le prix d’achat d’une pirogue actuellement autour de 60.000 F CFA à cause de l’augmentation du prix du bois. Il nous assure que c’est dans l’enfance que lui et son collègue ont commencé la pêche avec leurs parents ; et ils ne comptent pas s’arrêter.

La pêche fait partie intégrante de leurs vies, elle nourrit son homme, selon eux. « Croyez-moi, affirme M. Yanogo, c’est un vrai métier qui aide beaucoup. Les gens ne savent pas ça. Tu peux être là, tu n’as rien ; tu te lèves, tu prends ton filet et tu te rends dans un barrage tôt le matin. Vers 10h, tu peux te retrouver avec 5000 F CFA, 10 000F CFA voire 30 000F CFA de recettes. » La prise du jour est directement vendue à des clientes, toujours disposées à acheter.

M. Alain Yanogo, qui dit être père de famille avec cinq enfants, nous fait comprendre que grâce à ce métier, il ne chôme pas ; il parvient à subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. En plus de la pêche, M. Yanogo dit élever des bœufs et des porcs.

Les pêcheurs et leurs difficultés

S’il y a un problème auquel les pêcheurs disent faire face, c’est bien parfois l’interdiction de pêcher dans des barrages par des habitants de certains villages.

Selon M. Yanogo, il arrive que les pêcheurs soient refoulés dans beaucoup de villages, bien qu’ils aient des permis de pêche : « Nous pouvons arriver dans un village et les gens nous disent que nous sommes des étrangers et que nous ne pouvons pas entrer dans l’eau. Ils nous disent aussi que nous, les pêcheurs, nous salissons l’eau.»

Vente de poisson
Alain Yanogo, grand pêcheur dans la commune de Koubri depuis de nombreuses années

A défaut, il y a des gens qui exigent le payement d’une somme d’argent avant toute entrée dans leurs barrages affirme M. Yanogo.

Il poursuit : « Ils nous disent qu’ils se moquent du permis de pêche et qu’il faut que chaque pêcheur donne de l’argent. Ils nous font croire que c’est le chef de village qui a exigé cela alors que c’est faux. L’argent qu’ils prennent avec nous ne parvient jamais au chef ; il est utilisé pour boire de l’alcool. Après, lorsque le chef apprend la nouvelle, il se met en colère. Donc, pour lutter contre ce vol, l’autorité coutumière interdit strictement à toute personne d’entrer dans le barrage. C’est un véritable problème qui nous fatigue».

Après concertations, ces pêcheurs disent vouloir se rendre devant la mairie afin que celle-ci intervienne pour résoudre ce problème.

Vente de poisson
Alain Yanogo en train de jeter du filet dans le barrage de vendredi, l’un des grands barrages de la commune de Koubri

M. Yanogo ajoute qu’en plus de cela, les pêcheurs ont du mal à s’entendre pour mieux travailler. A titre illustratif, il nous a confié qu’ils peuvent se rencontrer et s’entendre sur le prix au kilogramme du poisson, mais, dès qu’ils se dispersent, certains d’entre eux vendent à des bas prix, occasionnant donc une mévente du poisson chez d’autres.

En conclusion, M. Yanogo estime qu’il est difficile, ainsi, de mettre en place une vraie association capable de défendre les intérêts des pêcheurs.

C’est en vain que nous avons tenté de rencontrer l’autorité communale, malgré nos appels et notre visite à la mairie. Toutes nos tentatives se sont soldées par des promesses non respectées.

Lire aussi: Burkina Faso : Fumoir à gaz amélioré, une innovation écologique de chercheurs burkinabè

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