Le dossier dit « escroquerie immobilière» qui implique le président du Tribunal de grande instance de Banfora, Sidaty Yoda et d’autres personnes a connu une avancée ce 17 avril 2025, au Tribunal de grande instance Ouaga I. Si les autres prévenus ont reconnu les faits de stellionat et déclarent par contre ne pas être impliqués dans du blanchiment de capitaux, le magistrat Yoda, quant à lui, a plaidé non coupable de tous les faits qui lui sont reprochés.
Lorsqu’il a été appelé à la barre pour répondre des faits de stellionat (vente de parcelles ne lui appartenant pas, ndlr) et de blanchiment de capitaux, c’est un homme calme, habillé en tee-shirt qui avance lentement vers les membres du tribunal, composés de six magistrats.
Assisté de ses avocats, Sidaty Yoda, magistrat de profession et président du Tribunal de grande instance de Banfora, plaide non coupable. « Je ne reconnais pas les faits », a-t-il dit.
Si ses co-prévenus ne reconnaissent pas aussi les faits de blanchiment de capitaux, il reconnaissent, néanmoins, avoir vendu des parcelles qui, apparemment, ne leur appartiennent pas. La justice reproche à ces prévenus de s’être impliqués dans une « affaire d’escroquerie immobilière » estimée à 108 millions de francs CFA.
Lotus en main, Lamine Tera qui est l’un des prévenus pleure, essuie ses larmes et raconte sa version des faits. Dans son récit, il semble faire comprendre au tribunal qu’il s’est fait avoir dans une affaire dont il n’avait pas conscience de l’illégalité.
Commerçant et père de 9 enfants, Lamine Tera explique aux membres du tribunal qu’il ne fait que son commerce et qu’il ne pouvait pas savoir qu’en vendant les parcelles dont le président du TGI de Banfora Sidaty Yoda lui communiquait les références au préalable, il faisait du stellionat.
Pour lui, il ne savait pas que ces parcelles étaient attribuées à des gens. En plus, selon toujours ses explications, Sidaty Yoda lui aurait dit que la justice a récupéré certaines et qu’elle les a mises en vente. Il dit avoir cru, puisque M. Yoda est le responsable du TGI de Banfora.
En l’espèce, le président Yoda lui remettrait les références des parcelles et lui, à son tour, remettait ces références à Adama Ganamé, un autre prévenu qui se chargeait de trouver les clients, c’est-à-dire des acquéreurs.
D’après lui, la première parcelle qu’il a vendue remonte à 2022. Elle avait coûté 6.300.000 FCFA, indique-t-il, ajoutant que l’argent avait été remis au président Yoda en espèce.
Lorsque l’affaire a éclaboussé en février 2025, la cour d’appel de Bobo Dioulasso a contacté Lamine Tera pour en savoir davantage sur cette affaire. Le prévenu fait savoir qu’il s’est effectivement rendu à la Cour d’appel et que des questions en lien avec la vente des parcelles lui ont été posées.
« J’ai ensuite contacté le président (Sidaty Yoda, ndlr) et j’ai mis sur haut-parleur. Je lui ai dit qu’il y a un numéro qui m’a contacté et qu’au bout du fil, on me parlait des parcelles vendues. M. Yoda m’a dit de faire attention aux numéros inconnus », relate-t-il.
Le juge ne comprend pas pourquoi c’est Lamine Tera que Sidaty Yoda appelle pour lui remettre les références des parcelles qui doivent être vendues, alors qu’il connaît plusieurs personnes à Banfora.
Voici la réponse de M. Tera : « C’ est une bonne personne. Il m’aidait quand j’avais des soucis. Donc il y avait une confiance entre nous. Ce n’est pas seulement moi qu’il contactait, il appelait d’autres démarcheurs comme Adama Coulibaly ».
Lorsqu’un client accepte d’acheter la parcelle, l’acte de vente qui est signé et délivré par Sidaty Yoda lui est remis, informe le prévenu Tera.
Malgré toutes les explications données par le prévenu, l’avocat du Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC) pose cette problématique : « Le président vous donne des références de parcelles et il vous dit identifiez ces parcelles. Il vous dit ensuite que si elles sont construites ne les vendez pas mais si elles ne sont pas construites vendez-les. Cela ne vous a pas touché ? Ça ne vous est pas venu à l’esprit que vous êtes dans des problèmes ? »
Vraisemblablement, c’est maintenant que Lamine Tera se rend compte qu’il était en infraction. Il insiste en ces termes : « Je ne pouvais pas savoir. Puisqu’il s’agit d’un responsable de justice qui dit que la justice a saisi des parcelles et que celles-ci sont en vente et l’argent sera versé dans les caisses de l’Etat. Je ne pouvais pas du tout savoir que c’était faux».
Les autres prévenus vont aussi donner leurs versions des faits le lundi 28 avril prochain.