Le Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC) en collaboration avec plusieurs structures a organisé ce vendredi 15 décembre 2023 à Ouagadougou une tribune d’interpellation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire sur le délit d’apparence, une infraction similaire à la corruption.
Par Daouda Kiekieta
«Application de la loi portant prévention et répression de la corruption au Burkina Faso : cas du délit d’apparence ».
C’est sous ce thème que s’est tenue ce vendredi 15 décembre 2023, la tribune d’interpellation organisée par le Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC) et d’autres structures comme l’Autorité supérieure de contrôle d’État et de lutte contre la corruption (ASCE-LC), l’institut FREE Afrik et Semfilms.
Cette tribune a consisté en un panel dont la thématique a été développée par Talato Eliane Djiguemdé, représentante du ministère de l’économie, Adama Nabaloum juge et représentant du Conseil supérieur de la magistrature et Biomon Bonzi de l’ASCE-LC.
Par délit d’apparence, il faut entendre le fait pour « toute personne ne pouvant justifier raisonnablement l’augmentation de son train de vie au-delà de 5% de ses revenus normaux», explique Adama Nabaloum, juge au tribunal de grande instance de Ouaga I.
La loi sur le délit d’apparence apparaît comme un grand pas en avant dans la lutte contre la corruption au moment de son adoption en 2015, indique le panéliste Adama Nabaloum.
Car avec cet instrument, « il appartient à celui qui est soupçonné de démontrer que son train de vie par rapport à ses revenus reste dans une proportion licite », contrairement aux autres actes de corruption où il appartient aux poursuivants de justifier.
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Au niveau de l’ASCE-LC, Biomon Bonzi indique que plusieurs instruments juridiques sont utilisés dans le cadre de l’application de la loi pour la lutte contre la corruption, notamment le délit d’apparence.
À ce titre, il a cité l’institution de la déclaration d’intérêt et du patrimoine des membres du gouvernement, le décret 2016/470 portant délit d’apparence, celui de 2016/514 fixant la valeur maximum acceptée pour les cadeaux au sein de l’administration publique.
De plus, il y a la collaboration entre l’ASCE-LC, la Société civile ( REN-LAC) et la justice avec en prime les officiers de police judiciaire (OPJ) de l’ASCE-LC qui travaillent sous la coupe du procureur du Faso.
Le délit d’apparence se heurte à une multitude d’obstacles
Selon le juge Adama Nabaloum, la moisson est maigre par rapport à ce qu’avait suscité la loi sur le délit d’apparence au moment de son adoption.
De 2015 à maintenant, seulement une dizaine de dossiers de délit d’apparence ont été enregistrés par le pôle économique et financier du tribunal grande instance Ouaga 1, informe M. Nabaloum.
« Certains dossiers ont été menés à terme et d’autres sont toujours en cours. Donc, je peux dire que c’est un bilan mitigé », affirme-t-il.
Les causes des blocages de l’application de cette loi sur le délit d’apparence sont nombreuses à en croire les panélistes du jour.
Au niveau du Conseil supérieur de la magistrature, le juge Adama Nabaloum précise que « pour sanctionner le délit d’apparence, il faut un système d’information matrimoniale transparente et traçable ».
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« Alors qu’à l’analyse, le système d’information patrimoniale qu’on a n’est pas loin de la mafia. Vous avez des immeubles, des restaurants et bien d’autres types de biens. Mais à qui ces biens appartiennent ? » s’interroge-t-il, insistant que le sérieux problème est comment tracer les biens des personnes poursuivies dans le cadre du délit d’apparence.
À cela s’ajoutent l’insuffisance des moyens financiers pour mener à bien des enquêtes et la mobilité des juges qui animent les pôles économiques et financiers chargés de juger ce types de dossiers. «Ainsi, trois juges spécialisés se retrouvent par exemple avec plus de 400 dossiers à traiter», informe-t-il.
Sur la problématique de la traçabilité des biens immobiliers, la directrice adjointe des impôts, Talato Eliane Djiguemdé, représentante du ministère de l’Économie, affirme que le processus d’informatisation du cadastre suit son cours.
Déjà les « services cadastraux du ministère de l’économie ont pu opérer le sectionnement cadastral de toutes les communes du Burkina » indique Talato Eliane Djiguemdé.
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En outre, des logiciels comme Sicad et ecadastre ont été développés par le ministère pour faciliter la gestion du cadastre.
« À ce jour, nous avons plus d’un million de références cadastrales des zones aménagées qui ont été numérisées dans le logiciel ecadastre » soutient-elle.
Du problème d’indicateurs sur le délit d’apparence
Au niveau de l’ASCE-LC, les difficultés ne manquent pas aussi. Le manque d’indicateurs pour apprécier le délit d’apparence est évoqué comme limite.
À défaut de ces indicateurs, le délit d’apparence est apprécié par rapport à la manifestation de certains éléments comme, l’érection d’immeubles et de bâtiments haut standing dans les villes, les achats de véhicules de luxe, la fréquentation des lieux haut standing tels que les hôtels et restaurants, explique le contrôleur d’État Biomon Bonzi.
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En plus de ces éléments, « les prises en charge sanitaires dans certaines cliniques et la scolarité des enfants à l’école et dans les universités de grandes renommées aussi bien à l’intérieur qu’à l’étranger ».
Pour ce faire, l’ASCE-LC entend redynamiser les cadres de communication entre les acteurs de lutte contre la corruption. Elle invite donc les citoyens à dénoncer les actes suspects de délit d’apparence.
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