Jacqueline Ki-Zerbo a été de toutes les luttes pour l’émancipation de la femme africaine de son époque. Elle a également contribué à la lutte politique de la libération du continent noir aux côtés de son époux, le professeur Joseph Ki-Zerbo. Elle est également parmi les principaux acteurs des événements du 3 janvier 1966.
Jacqueline Ki-Zerbo a vécu à l’ombre de son mari. Elle est à l’image des épouses de tous les grands hommes. Elles disparaissent de la lumière quand leurs conjoints doivent agir à découvert. Pourtant, elles jouent, chacune, un rôle prépondérant dans le succès de beaucoup d’entreprises que leurs compagnons initient.
On ne retient de Jacqueline Ki-Zerbo que son passage, les premières années de l’indépendance de la Haute-Volta (actuelle Burkina Faso), au Cours Normal des Jeunes Filles de Ouagadougou. Mais peu des gens savent qu’elle a été membre fondateur du Mouvement de Libération Nationale (MLN) et responsable à la presse du syndicat enseignant, le Syndicat national des enseignants Africains de la Haute-Volta (SNEA-HV).
L’héroïne du 3 Janvier 1966 a fait ses études secondaires à Rufisque, l’une des 4 communes de pleins exercices du Sénégal pendant la période coloniale. Elle avait été admise au Cours normal de cette localité près de Dakar, créé pour former les auxiliaires femmes devant servir les intérêts de l’administration coloniale.
La première directrice de cet établissement, Germaine Le Goff, va réorienter les objectifs de l’école pour en faire une pépinière d’où sortiront les éléments féminins nantis de véritables bagages intellectuels. C’est à partir de cette école que la jeune Jacqueline va obtenir son baccalauréat. Elle s’envolera après la réussite au diplôme qui sanctionne la fin du cycle secondaire pour l’Hexagone, où elle se consacre à l’apprentissage de l’anglais.
Dans une émission de RFI(Radio France internationale) intitulée « La Marche du Monde » animée par Valérie Nivelon, des élèves des premières cohortes du Cours Normal de jeunes filles de Ouagadougou témoignent de comment était organisée la vie dans cette école sous le magistère de l’épouse du Pr Joseph Ki-Zerbo.
La tenue au quotidien des élèves, les activités après les cours, ponctuées par le débriefing de tout ce qui a été mené comme travail dans la journée et les informations sur la marche du monde que la directrice prenait le soin d’analyser et d’en tirer des leçons.
Quant au Pr Joseph Ki-Zerbo, toujours à cette même émission « la Marche du Monde », il explique les circonstances de la rencontre avec celle qui deviendra son épouse. Il indique que c’est à la sortie d’une messe de dimanche, à Bamako, dans la capitale du Mali, qu’il a aperçu quatre filles qui se suivaien ; il avait alors décidé que Jacqueline, qui était parmi les quatre, allait devenir son épouse.
Le complément de l’explication de ce processus qui a abouti à l’union des deux jeunes gens est donné par Jacqueline, elle-même : son père, Lazare Coulibaly, n’a pas trouvé d’inconvénient à leur union mais a souhaité que la décision de partager la vie de Joseph Ki-Zerbo, premier agrégé d’histoire et célèbre syndicaliste de l’époque, provienne de sa fille.
Pour savoir que le couple regardait dans la même direction, il faut se pencher essentiellement sur les convictions que Jacqueline et Joseph ont portées tout au long de leur vie et sur les obstacles qu’ils ont franchis ensemble.
Cela a d’abord été le voyage vers la Guinée en 1958 pour y travailler suite au retrait brutal des enseignants français (après le vote du « non » du pays de Sékou Touré à la politique de la France) ; ensuite, l’exil après les événements d’août 1983 en Haute-Volta (actuel Burkina Faso) sous la Révolution du capitaine Thomas Sankara.
Au cours de la « Conférence Joseph Ki-Zerbo » organisée le jeudi 24 mai 2012 au siège de l’UNESCO en hommage à l’auteur de « Histoire de l’Afrique noire d’Hier à Demain », Jacqueline témoigne sur son époux : « Au cours des cinquante ans de notre vie commune, j’ai connu Joseph Ki-Zerbo comme un homme bon et généreux, tenace dans ses engagements, un intellectuel habité par un certain nombre de préoccupations, toutes liées à l’identité, à l’histoire, à la culture, au développement endogène, comme nous venons de le voir dans le film documentaire intitulé « Joseph Ki-Zerbo, identités, identités pour l’Afrique ».
Dans la suite de son témoignage, elle ajoute : « Soucieux de l’enracinement familial et du ménage que nous allions fonder, il a tenu à ce que je me rende dans son village pour rencontrer ses parents et amis. C’est le référendum soumis à l’Afrique par le général de Gaulle qui va accélérer la fin de notre séjour en France et notre départ pour Dakar comme fonctionnaires français. Mais le « non » de la Guinée comme nous venons de voir, va obliger la Guinée à faire le rappel des patriotes pour venir soutenir l’indépendance de la Guinée. »
Pour la gouverne de jeunes qui n’ont connu Joseph Ki-Zerbo que dans sa posture d’homme de science, sachez également que c’était un fervent catholique et dans ce cadre dans le mouvement étudiant, il a été responsable des étudiants catholiques et dans le contexte de l’époque, il n’avait pas manqué d’être taxé par les marxistes hargneux « d’étudiant catholique piégé par le Christ ».
Dans la même veine, il sera l’un des animateurs d’un grand journal catholique des années 1940. Ce canard d’obédience chrétienne s’appelait Afrique Nouvelle.
Selon le témoignage du père Joseph Roger de Benoist dans le numéro 00 de Afrique Nouvelle Joseph Ki-Zerbo avait écrit un long papier pour expliquer la motivation du choix du nom Afrique Nouvelle : « Ce ne sera pas le building superbe ou trône le Dieu Mammon, ni le Kolkhoze déprimant étouffoir de la personnalité. Non mais une authentique maison africaine, claire et joyeuse ou règnent la justice, la cordialité. Une belle demeure voyez-vous et sur le fronton on écrira « Afrique Nouvelle ». Le couple a été au rendez-vous de plusieurs combats dont celui de la libération de la femme africaine. L’exemple du passage de Jacqueline Ki-Zerbo au cours normal parle pour elle.