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Burkina Faso : Quand le gouvernement crée de l’injustice pour « la paix » à Panzani

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Commentaire de Frank Pougbila

Les faits sont sacrés. Une affaire de terrain opposait un particulier du nom de Jacques Ouédraogo à des responsables d’une mosquée à Panzani, dans l’arrondissement 9 de Ouagadougou. L’affaire portée devant les juridictions, la justice tranche en faveur de M. Ouédraogo.

Comme l’autorise la loi, en cas de construction sur le terrain d’autrui, sieur Ouédraogo saisi un huissier de justice pour l’exécution de la décision. Une mosquée et une école franco-arabe implantées sur le terrain sont détruites. Une affaire qui remonte au 7 septembre 2020. Cette destruction est la goute d’eau qui a fait déborder le vase. La Fédération des associations islamique du Burkina Faso (FAIB) s’en saisit de l’affaire. Elle exige réparation pour démolition d’un édifice religieux.

Le gouvernement est alors intervenu pour jouer la médiation. Le ministère en charge des Cultes avait promis de trouver une solution. Des mois passèrent sans solution. Une association de jeunes musulmans monte au créneau, le 1er  mai 2021. Elle annonce dans la foulée, une manifestation le 1er juin prochain.

Cinq jours après, soit le 6 mai dernier, le gouvernement décide de récupérer le terrain pour « utilité publique ». Il attribue le même terrain à la FAIB« à l’effet de permettre la réalisation de toute infrastructure ou toute activité en faveur de la communauté islamique » et attribue un autre terrain au « propriétaire légal du terrain, Jacques Ouédraogo en guise de compensation ».

Les faits étant rappelés, revenons sur des questions importantes. Accordons du sens aux mots. Dans le communiqué du gouvernement, il est dit que «le propriétaire légal» du terrain est Jacques Ouédraogo. La légalité est un mot profond dans le domaine juridique. Maintenant, que dit la loi en cas de construction sur le terrain d’autrui ? Il existe deux cas: soit l’on acquiert la propriété des constrictions réalisées sur fonds par un tiers ou l’on demande au tiers constructeur, de mauvaise foi, de les enlever à ses frais.

Le droit définit la bonne foi dans cette situation comme celui qui « possède comme un propriétaire en vertu d’un titre translatif de propriété dont il ignore les vices ». La FAIB disposait-t-elle d’un titre translatif ? Seuls les intéressés sauront répondre.

Le Code de l’urbanisme et de construction Burkinabè condamne d’une amende d’un à dix millions quiconque réalise une opération d’urbanisme sans autorisation préalable. Les constructeurs de la mosquée ont-ils eu une autorisation préalable de la municipalité ou du ministère en charge de l’Urbanisme ? Si oui l’autorité ayant accordé l’autorisation a failli.

L’autre interrogation, est-ce que dans le plan de l’urbanisme communal, il était prévu la construction d’un édifice religieux dans le terrain ?

Préserver la paix avec l’injustice

L’Etat et le gouvernement reconnaissent Jacques Ouédraogo comme propriétaire légal du terrain. Ce qui dérange le commun des mortels, c’est le retrait du terrain de son propriétaire pour l’attribuer à l’autre partie. Pourquoi, le gouvernement n’a-t-il pas trouvé des terrains neutres pour les deux parties ? Pourquoi le terrain n’est-il pas revenu à son propriétaire légal et qu’un autre terrain soit donné à la FAIB?

L’argument du gouvernement est que la décision vient préserver la paix. En même temps, peut-on aspirer à une véritable paix quand les décisions de justice sont contredites par les populations ? N’est-ce pas une injustice que de reconnaitre la légalité de la propriété du terrain à Jacques Ouédraogo et de le lui retirer pour l’attribuer au propriétaire illégal ?

Rappelons que pour la démolition d’une construction, le code de l’urbanisme prévoit que l’exécutant ait un permis de démolition. Toutefois, la loi fait exception. Lorsque l’on a une décision de justice, le permis de démolition n’est plus nécessaire. C’est le cas de sieur Ouédraogo.

Au regard de la situation, et si le gouvernement était en train de poser des jalons d’autres injustices. Si la même histoire se répète entre deux individus, à qui sera attribué le terrain ? Dans l’Afrique ancienne, il est dit que « lorsque deux enfants se querellent autour d’une tige de mil, la solution serait qu’un adulte retire la tige et la brise». Ainsi, étant retiré pour cause d’utilité publique, le terrain litigieux devrait être utilisé pour bâtir une école laïque, un centre sanitaire ou un centre de spectacle populaire.

Que l’on dépassionne le débat. Certes, « ce n’est pas la loi qui fait les humains mais l’inverse ». Néanmoins, « c’est le respect des normes que l’on s’est prescrites » qui préservera une paix durable. Aucune religion ne prône l’injustice. Ce sont les humains qui en sont la cause.

Dieu qui est juste et équitable sera-t-il en mesure d’accepter des choses non-légales ?  Et si la FAIB, pour une question de crédibilité et de préservation de la paix déclinait la décision du gouvernement et remettait le terrain à son propriétaire légal ?

Cette question remonte au débat sur la gestion du foncier au Burkina Faso. Comme il est de coutume d’entendre : « le foncier est une bombe sur laquelle le Burkina est assis ».  La prière de tous les Burkinabè est de désamorcer cet explosif pour qu’elle n’explose pas un jour.

www.libreinfo.net

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