spot_img
spot_img
spot_img

Burkina Faso : Obtenir un financement, un parcours d’obstacles pour les jeunes entrepreneurs

Publié le : 

Publié le : 

Afin de faciliter l’accès aux financements des projets des jeunes au Burkina Faso, l’Etat burkinabè a mis en place plusieurs structures d’appui et d’octroi de crédits. Cependant, force est de constater que pour bénéficier d’un financement auprès de ces fonds, c’est la croix et la bannière pour une bonne partie des jeunes promoteurs. Pour mieux cerner les contours des conditions d’octrois de financements des projets des jeunes au Burkina Faso, nous avons rencontré plusieurs jeunes femmes et jeunes hommes qui nous racontent leurs calvaires.

Par Daouda Kiekieta

Avoir un projet porteur n’est pas suffisant pour assurer sa réussite. Encore faut-il réunir les moyens financiers nécessaires à sa réalisation. Et c’est sur ce point que butent de nombreux jeunes entrepreneurs, à l’instar de M. Abdoul Kader Hema.

Après avoir frappé à beaucoup de portes sans succès, M. Hema franchit, pour la première fois, la porte du Fonds d’appui à la promotion de l’emploi (FAPE). Son souhait ? Obtenir un financement de 5 millions 500 milles FCFA pour concrétiser son projet.

Il explique ainsi sa démarche : « Comme l’économie fonctionne au ralenti, les banques hésitent à accorder des crédits et c’est pourquoi je me suis tourné vers le FAPE et j’espère obtenir le crédit ».

Effectivement, selon la Directrice générale du FAPE, Mme Karidiatou Dao, sa structure vient en aide aux promoteurs de projets ou d’entreprises « Nous venons en complément des banques en permettant à ceux qui n’ont pas accès aux banques de pouvoir bénéficier d’un crédit pour créer ou renforcer leur activité» soutient Mme Dao.

Burkina accès aux financements
La Directrice générale du Fonds d’appui à la promotion de l’emploi (FAPE), Mme Karidiatou Dao

La garantie comme obstacle dans l’accès au financement

Chez certains autres jeunes comme M. Emmanuel Tapsoba, l’espoir de bénéficier d’un financement n’est pas à l’ordre du jour. Entrepreneur de son état, M. Tapsoba raconte sa mésaventure lors d’une tentative d’obtention de crédit pour un projet qui lui tenait à cœur.

Il explique qu’à cause des conditionnalités d’octroi de crédit comme la nécessité d’une garantie, il avait dû abandonner ses rêves : « Tu es en train de te débrouiller pour bien t’en sortir et on te demande de déposer une garantie. Si tu n’as pas ce qui est exigé, c’est mieux de te chercher ailleurs.»

La demande de garantie est le point commun de plusieurs fonds nationaux. Au niveau du FAPE par exemple, « Ces garanties sont, soit un permis urbain d’habiter (PUH) ou un permis d’exploiter, un titre foncier, un bulletin de salaire ou une carte grise de véhicule.

Pour les associations, il faut un récépissé de reconnaissance du groupement ou de l’association et une caution solidaire signée des membres», explique Mme Karidiatou Dao.

Même situation pour M. Alassane Tapsoba, vendeur de poissons frais. Il dit ne plus savoir à quel saint se vouer lorsqu’on lui a dit que sa moto, vieille, ne pouvait pas constituer une garantie pour bénéficier d’un prêt.

Devant le siège du Fonds d’appui au secteur informel où nous l’avons rencontré, il nous explique : « J’ai eu un premier prêt avec cette moto. Quand j’ai fini de rembourser, et que j’ai voulu en contracter un autre, il m’a été dit de changer de moto. Pourtant, on ne peut pas, chaque deux ans, acheter une nouvelle moto juste pour obtenir un prêt.» Et d’ajouter :«C’est cela le véritable problème pour nous.»

Selon M. Jean Zoma, consultant en ressources humaines, quand « il s’agit de garanties, c’est difficile pour un jeune qui veut entreprendre». En lieu et place d’octroyer de la liquidité à ceux qui veulent se lancer dans l’entrepreneuriat, « l’Etat peut privilégier l’octroi de matériels».

Et M. Zoma de proposer : « Pour quelqu’un qui veut réaliser une ferme, pourquoi ne pas lui donner le matériel et assurer un suivi régulier ?».

Pour M. Benoît Bado, directeur des études et des opérations de crédit du Fonds d’appui au secteur informel (FASI), la valeur de la garantie doit être au moins supérieure à 100 000 FCFA du montant demandé. « On ne prend pas les motos qui ont une durée de vie de plus de 5 ans», soutient-il.

Burkina accès aux financements
M. Benoît Bado est directeur des études et des opérations de crédit du Fonds d’appui au secteur informel (FASI)

M. Bado nous explique comment les garanties sont réparties : « Les crédits s’octroient de façon progressive et variée de 100 000 FCFA à 1 500 000 FCFA. Pour un crédit qui est inférieur à 300 000 FCFA, les biens d’exploitation peuvent être constitués en garantie». Les cartes grises des engins de deux ou trois roues, les cartes grises de véhicule et Permis urbain d’habiter (PUH), indique-il.

Taux d’intérêts élevés et retards dans l’octroi des financements des projets des jeunes au Burkina Faso

Mme Irène Tapsoba est promotrice d’une unité de transformation d’aliments biologiques. En plus du problème de garantie, elle trouve que le taux d’intérêt est élevé pour un fonds national censé soulager les acteurs du secteur informel.

Au niveau du FASI, le taux va de 10% à 13% en fonction des domaines d’activités. Un taux d’intérêt de 4% est accordé aux personnes vacant avec un handicap.

Burkina accès aux financements
Mme Irène Tapsoba, promotrice d’une unité de transformation d’aliments biologiques

Mme Tapsoba dit avoir demandé un prêt d’un million F CFA au Fonds d’appui au secteur informel (FASI) mais, finalement, c’est la somme de 800 milles FCFA qui lui sera octroyée.

Elle laisse entendre que « quand on prend le prêt, on a l’impression que ça nous aide mais en analysant le taux d’intérêt, on trouve que c’est le fonds qui est le vrai gagnant». C’est pourquoi Mme Irène Tapsoba plaide auprès des fonds : « S’ils peuvent revoir pour réduire le taux d’intérêt».

«Ce taux d’intérêt est un taux réel, parce que la TVA n’est pas appliquée, pas de frais accessoires. Tout cela parce que ce sont des fonds de l’Etat qu’on octroie à ces couches vulnérables», se défend M. Denis Kaboré, directeur du recouvrement et du contentieux du FASI.

Du côté du Fonds d’appui aux activités rémunératrices des femmes (FAARF), c’est le délai d’octroi des prêts qui décourage.Cinq mois, six mois, voire un an, c’est le temps nécessaire pour répondre à la requête des demandeurs de prêts.

«Après un an d’attente et de va et vient au FAARF, j’avais même oublié que j’avais déposé un dossier et je suis passé à autre chose» raconte Mme Bénéwendé Kabré qui dit ignorer les raisons de ce grand retard dans le traitement des dossiers.

Pour la Directrice générale du FAARF, Dr Ravigsida Dorcas Tiendrebeogo, cette lenteur est due à la forte demande de financement. Dr Tiendrebeogo rassure qu’un travail est fait pour moderniser le traitement des dossiers.

Burkina accès aux financements
La Directrice générale du FAARF, Dr Ravigsida Dorcas Tiendrebeogo

«Cette année nous allons accueillir un outil dénommé Système intégré de gestion (SIG). Celle-ci devrait accélérer le traitement des dossiers. En plus de cela, nous avons commencé la régionalisation pour lutter contre la durée du traitement des dossiers», ajoute-t-elle.

Les délais de remboursement figurent également parmi les difficultés que rencontrent certaines femmes à l’instar de Mme Irène Tapsoba qui a eu du mal à rembourser son prêt pendant la période de crise sanitaire liée au Covid-19.

«Avec le confinement, tout était au ralenti alors qu’on devait commencer à rembourser le prêt. Entre-temps, j’étais tombée malade. J’ai même été menacée par le service du recouvrement» se rappelle Mme Tapsoba.

L’accès aux financements des projets des jeunes au Burkina Faso demeure un casse-tête malgré les multiples initiatives prises par l’Etat.

Lire aussi: [Entretien]« Sur les dix dernières années, nous avons financés 6618 projets » Karidiatou Dao, DG du Fonds d’appui à la promotion de l’emploi (FAPE)

www.libreinfo.net

Articles de la même rubrique

Université d’été de l’AES : Le CADES-BF satisfait du bilan de la première édition 

Le Cercle d'action pour le développement économique et social du Burkina Faso (CADES-BF) a organisé ce jeudi 17 octobre 2025 à Ouagadougou, un déjeuner...

Lutte contre la corruption : Des progrès réalisés par le Burkina 

Daouda Kirakoya, représentant du ministre en charge de l'économie, lors de la cérémonie d'ouverture du colloque international sur la lutte contre la corruption en...

Tanghin-Dassouri : Des vivres pour des PDI, des VDP et des koglwéogo

La Délégation spéciale de la commune de Tanghin-Dassouri a offert, ce mardi 15 octobre 2024, des produits alimentaires à des personnes vulnérables, aux volontaires...

Lutte contre la corruption : Des solutions en perspectives pour enrayer le fléau 

Les travaux du colloque scientifique du Centre de formation et de recherche anti-corruption (CFRAC) et ses partenaires techniques et financiers ont débuté, ce mardi...

RAF’2024 : Le rêve d’une Afrique renouvelée

C’est ce 17 octobre que s’ouvre à Bruxelles, en Belgique, la dixième édition du Rebranding Africa Forum (RAF). Placé sous le thème général «...

Autres articles

Burkina : De la logistique acquise sur fonds propres pour l’Armée 

Le ministre de la Défense nationale et des Anciens combattants, le Général de brigade Kassoum Coulibaly, a remis, le 17 octobre 2024 à Ouagadougou,...

Ballon d’Or africain : Rendez-vous le 16 décembre prochain au Maroc

La prestigieuse cérémonie des CAF Awards (Ballon d’Or africain) aura lieu le 16 décembre 2024, du côté de Marrakech, au Maroc.Par Issoufou Ouedraogo La Confédération...

Tour du Faso 2024 : Plus de 2 000 km à parcourir à travers 10 régions

La 35e édition du Tour international du Faso se déroulera du 25 octobre au 3 novembre 2024 avec un parcours total de 2 233,6...

SIAO 2024: la Russie, l’Iran, la Libye, la Zambie…attendus

La 17 -ème édition du Salon international de l'Artisanat de Ouagadougou (SIAO) accueillera des artisans de plusieurs pays selon le comité national d'organisation. Parmi...

Université d’été de l’AES : Le CADES-BF satisfait du bilan de la première édition 

Le Cercle d'action pour le développement économique et social du Burkina Faso (CADES-BF) a organisé ce jeudi 17 octobre 2025 à Ouagadougou, un déjeuner...