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[Interview] sélection nationale «je crois qu’il faut privilégier un entraîneur local», Charles Kaboré

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Plus de 100 sélections à l’équipe nationale de football du Burkina Faso, l’ancien capitaine des Étalons, Charles Kaboré a inscrit son nom dans les annales du football burkinabè. Vice-champion d’Afrique avec les étalons à la Can 2013, la légende de l’Olympique de Marseille a accepté de nous faire son analyse du football burkinabè dans un entretien exclusif après la participation à la Can en Côte d’Ivoire. « Je parle avec le cœur » nous a-t-il dit.

Propos recueillis par Nicolas Bazié et Albert Nagreogo

Libreinfo.net: Comment appréciez-vous la participation du Burkina Faso à la CAN 2023 ?

Charles Kaboré : Nous sommes partis avec beaucoup d’enthousiasme et avec beaucoup d’espoir. Vous savez, souvent les Can se suivent et elles ne se ressemblent pas. En 2022(Can Cameroun), cela a été une très bonne Can avec une demi-finale pour les Etalons. Après chaque Can, il faut faire un bilan et quel que soit l’échec, il y a du positif autour. Souvent il n’y a pas que les joueurs qui sont à blâmer. Que ce soit en 2010,2012, en 2015, il y a des Can qui n’ont pas réussi et cela avait commencé bien avant.

Tout ce qui était un peu négatif avant d’aller à la Can en Côte d’Ivoire a un peu eu un impact sur le début de notre Can. Il n’y a pas lieu de se tirer dessus. Maintenant, il faut tirer les leçons afin d’avoir un bon résultat positif pour l’avenir.

Libreinfo.net: Est-ce qu’on n’a pas suffisamment tiré de leçons au regard de nos différents échecs précédents ? 

Charles Kaboré : Vous savez, on ne finit jamais d’apprendre. Le football est ainsi. Qui aurait cru que la Côte d’Ivoire allait remporter la Coupe d’Afrique ? Personne ! Eux-mêmes n’y croyaient pas ; y compris les joueurs.

Ils ont eu un second souffle ; ils se sont dit qu’ils ne peuvent pas faire pire que ce qu’ils ont déjà fait. Le Burkina Faso s’est aussi battu pour l’avoir mais nous ne sommes pas considérés comme un pays de football sur le plan africain. Soyons honnêtes.

Libreinfo.net: Comment faire pour être un pays de football ? 

Charles Kaboré : Être un pays de football, c’est être dans la rigueur, le travail et le sérieux à tous les niveaux. Que ce soit au niveau des joueurs, des dirigeants et des supporters aussi.

Il faut regarder le potentiel de son équipe, savoir si tel joueur retenu joue dans un club ou pas. Parce que, quand on partait à la Can, il y avait beaucoup de joueurs qui ne jouaient pas dans leurs clubs. Ce qu’il faut aussi savoir c’est que ce n’est pas ceux qui jouent en club en Europe qui sont forcément forts en équipe nationale. Il y a beaucoup d’incohérences dans le football et c’est incroyable.

Libreinfo.net: Avant l’arrivée des étalons en Côte d’Ivoire, on a entendu beaucoup de critiques au sujet de l’équipe nationale sur les réseaux sociaux. Pour la Can 2023, pensez-vous qu’il y a eu un problème de préparation ? 

Charles Kaboré : Il y a eu ces histoires sur Facebook où chacun a donné son avis. Il y a eu des commentaires négatifs alors qu’on est dans un pays d’hommes intègres, on doit se pardonner, s’entraider. Ce n’est pas la personne qui dirige souvent qui est le problème central, non ! Nous pouvons tous donner des avis positifs pour que l’équipe puisse avancer.

Moi, je pouvais dire qu’on ne m’a pas invité et trouvé une petite raison pour ne pas y aller. Mais, le Burkina, c’est mon pays. Le Burkina m’a tout donné. Tout ce que je peux donner en retour, je le ferai. Quel que soit ce que je suis, où je suis, le Burkina passe en premier. Ce n’est pas l’intérêt personnel qui est important, c’est l’intérêt collectif parce que les hommes passent mais l’institut reste.

Libreinfo.net: Il y a des crises à la FBF (Fédération burkinabè de football). On l’a encore constaté avant la Can 2023. Comment consolider cette institution pour qu’elle soit un véritable levier pour le football burkinabè ? 

Charles Kaboré : Le président de la fédération a été élu. Je n’ai rien contre personne ; moi j’aime le Burkina, j’aime le football. Aujourd’hui je suis footballeur à la retraite. Il faut qu’on s’écoute entre nous parce que l’avis de tout le monde compte, dans ce domaine.

Moi je ne connais pas tout, je vends des carreaux aujourd’hui mais je ne suis pas un spécialiste des carreaux, alors il y a un spécialiste qui est là, qui me conseille, chacun dans son domaine.

Libreinfo.net: À votre avis, qu’est-ce qui n’a pas marché à la Can? Est-ce la solidarité du groupe ou le coaching ? 

Charles Kaboré : Je ne veux pas incriminer quelqu’un parce que je n’étais pas sur le terrain. J’étais dans les tribunes comme tout le monde. Toutes les équipes qui sont rentrées en phase de poules et en 8e de finale, chacune a fait un bilan général de sa participation.

Pour le Burkina, l’équipe devait arriver, au minimum en demi-finale, parce qu’on a joué trois demi-finales, en 2013, en 2017 et en 2022. Cela fait que ces dix dernières années nous figurons parmi les meilleurs potentiels demi-finalistes africains. Si l’équipe n’est pas arrivée à ce niveau, c’est un échec.

Libreinfo.net: La Fédération burkinabè de football a annoncé que l’entraîneur et son staff ne seront pas reconduits. Selon vous, quel doit être le profil du prochain entraîneur ?

Charles Kaboré : Il faut un entraîneur qui a de la personnalité parce que la personnalité c’est la base. Il y a des choses souvent que les joueurs font, pas forcément exprès mais qu’il ne faut pas laisser passer parce qu’il faut de la discipline.

Une équipe, c’est la discipline d’abord le premier ; avant même de monter sur le terrain quand il y a de l’indiscipline, ça ne fonctionne pas. Donc, il ne faut pas lésiner là-dessus, il faut un entraineur vraiment qui a de la personnalité, c’est le plus important.

Libreinfo.net: Est-ce que vous êtes de ceux-là qui pensent qu’il faut prendre un entraîneur local ou un entraîneur expatrié ? Quel est votre avis sur ce débat ? 

Charles Kaboré : Vous savez, on entraîne des joueurs professionnels, pratiquement 90 % de l’équipe sont des joueurs professionnels. Maintenant, il y a un exemple comme la Côte d’Ivoire qui a un entraineur local mais qui a été professionnel et qui a remporté la coupe, il y a Rigobert Song qui a été professionnel, il y a aussi Aliou Cissé avec le Sénégal qui fait de bons résultats.

Pour Moi, il faut s’ouvrir à tout le monde, il faut jauger tout le monde. Je n’ai pas de nom mais il y a beaucoup de bons entraîneurs au Burkina. Maintenant, il appartient au président de la FBF de faire un bon choix simplement.

Il y a de la matière. Il y a des entraîneurs que je connais qui ont près de 20 ans, 15 ans ou 16 ans de carrière. Il faut voir quel profil convient aux joueurs qu’on a actuellement.

Libreinfo.net: Tenir compte des avis des joueurs avant de sélectionner l’entraîneur ? 

Charles Kaboré : L’avis des joueurs compte dans la sélection de l’entraîneur parce que ce sont eux qui jouent sur le terrain ; ce sont eux qui vont côtoyer l’entraîneur tout le temps. C’est toujours bien de demander leurs avis, de demander ce qu’ils pensent du choix.

Tout le monde est concerné sur cette sélection : le président, les joueurs et les supporters. Il faut voir avec les cadres de l’équipe, qu’est ce qu’ils pensent du choix potentiel, qu’est ce qu’ils veulent, leur choix compte aussi.

Libreinfo.net: Le Burkina Faso n’a pas de stade homologué par la CAF. (Confédération africaine de football). Quel peut être l’impact de cette situation sur les résultats de l’équipe nationale qui joue ses matchs à l’extérieur ?

Charles Kaboré : Moi, j’ai toujours joué au Stade du 4-Août du début de ma carrière jusqu’en 2021 où j’ai arrêté de jouer. C’était vraiment une émotion différente parce que jouer à domicile, devant son public, chanter l’hymne national, en communion avec tout le peuple, c’est quelque chose qui est grandiose.

J’espère que ces jeunes qui sont là aujourd’hui pourront vivre ce que nous avons vécu dans le temps à travers nos supporters, à travers le stade, c’était une fierté. J’espère que nos dirigeants vont en tenir compte et finir rapidement le stade pour le bien de tout le monde et de notre football.

Libreinfo.net: Comment préparer la Can 2025 ? 

Charles Kaboré : le seul conseil que j’ai à donner, c’est d’aller vite à tous les niveaux et de tout prendre au sérieux parce que dès que la compétition finit on pense déjà à une autre compétition et c’est ça qui est important. La Can 2023 est déjà passée. C’est de voir maintenant comment améliorer ce qui n’a pas marché à la Can précédente pour que les erreurs ne se reproduisent plus.

Libreinfo.net: Comment trouvez-vous le championnat national avec les arrêts de la compétition, les impayés, les revendications des présidents de clubs etc. ? 

Charles Kaboré : J’ai suivi quelques matches du championnat national.

Ce n’est pas bien de jouer sans un public. On a besoin de plus de public au stade. Il faut maximiser sur cet aspect. Souvent il y a des enfants dehors qui attendent. Lorsque nous étions à Bobo Dioulasso, à notre époque, quand le match commence à partir de la mi-temps on nous permettait de rentrer suivre le match après la première mi-temps.

Le stade Wobi était tout le temps plein. C’est bien pour les enfants aussi de ne pas rester à l’extérieur. Le stade municipal de Ouagadougou par exemple n’est pas assez grand. Il faut travailler à attirer les gens au stade.

Pour les impayés de salaire des joueurs, je crois qu’il faut s’asseoir autour d’une même table et discuter. Un joueur qui a faim, comment va-t-il jouer ? Ce n’est pas possible. Il faut penser davantage aux joueurs parce que les résultats c’est eux, ce sont les principaux concernés.

Chacun doit laisser son ego de côté et trouver une solution à cette situation. À l’international, tout le monde parle de notre championnat qui s’arrête, qui reprend et qui s’arrête, c’est dommage.

Libreinfo.net: Est-ce que vous avez des projets pour le football burkinabè ?

Charles Kaboré : Je ne suis plus dans le domaine du football ; je vends des carreaux et je m’occupe de mon agence immobilière. Si c’est pour donner des conseils, oui.

Il y a beaucoup d’anciens joueurs qui peuvent apporter des conseils, il suffit simplement de les écouter. Il ne faut pas penser que les anciens veulent profiter du système pour rentrer à la Fédération pour manger comme on entend souvent.

Il y a beaucoup qui veulent aider simplement, qui veulent donner la voix. Pour moi, je trouve que ce n’est pas normal qu’il n’y ait pas assez d’anciens joueurs autour de l’équipe nationale.

A la Can 2023, on a vu les Okocha, ils ne dorment pas avec le Nigéria mais ils avaient des badges, ils étaient en bas (sur le terrain ndlr) ils accueillaient les joueurs et les saluaient.

Ils sont impliqués à 200%, on voyait les Didier Drogba, ils sont impliqués, il n’a pas gagné la Fédération mais il sait que c’est la cause nationale, il n’y a pas d’égo, il n’y a pas d’état d’âme, c’est le bien commun.

Et moi je parle avec le cœur, je dis ce que je pense, je ne suis contre personne, je ne déteste personne, j’aime mon pays, j’aime les étalons. Quand on dit d’impliquer davantage les anciens joueurs ce n’est pas obligatoire qu’ils soient dans le staff. On n’est pas obligé d’aller donner des conseils dans les vestiaires ou faire des gros discours pour la télé, non.

On peut être comme les Okocha, comme les Didier Drogba, comme les El Hadj Diouf, il faut essayer d’impliquer tout le monde, chacun a son expérience, chacun à son vécu.

Ce que moi je peux dire par exemple à Bertrand Traoré ou à Issouf Dayo, le président de la FBF n’a pas forcément ce langage pour parler mais c’est un dirigeant son rôle aussi compte, son rôle est important.

On n’a pas besoin d’être président de la fédération pour aider l’équipe nationale, non ! Je ne suis pas d’accord que nous, nous soyons dans les stades par exemple en Côte d’Ivoire sans des badges. Ce n’est pas normal que nous ne puissions pas descendre pour accueillir les joueurs pour les saluer. Je parle avec le cœur, simplement on aime notre pays, on aime la réussite du Burkina.

Imaginez un jour le Burkina être champion d’Afrique ! Imaginez l’impact que cela aura sur le nom du Burkina, sur l’économie du pays et sur le moral du peuple burkinabè ! … C’est cela qu’on doit chercher. C’est à ça qu’on doit penser.

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